Depuis le sévère réquisitoire du président de la République de juillet dernier, un certain silence est observé sur le dossier. C'est le flou total. L'opération de privatisation des entreprises publiques semble relever du «top secret». La liste des 1200 entités soumises à la privatisation et publiée en 2003 n'a plus refait surface. Où en est l'opération actuellement? Selon quels critères ces entreprises sont cédées? Le processus est-il en cours ou est-il en stand-by? En fait, aucune réponse à ces questions et à bien d'autres que d'aucuns se posent. La déclaration faite samedi dernier par le secrétaire général de l'Ugta, donne un avant-goût des difficultés que connaît le processus. Sidi Saïd a annoncé, à partir de Tizi Ouzou, que 220 entreprises publiques ne seront pas vendues. Le gouvernement renonce donc à céder ces entreprises et veut réactiver le secteur économique public en vue d'en faire un «moteur» du développement national. Combien d'entreprises reste-t-il à privatiser? Ou, autrement dit, combien de sociétés ont été privatisées comment et au profit de qui? Mais ces données restent inconnues. Aucun bilan du processus de privatisation n'a été établi depuis le lancement de cette opération. Alors qu'un rapport devait se faire annuellement, l'opération continue d'être gérée dans l'opacité totale. Ce n'est qu'en juillet dernier que le ministre chargé de la Privatisation, Abdelhamid Temmar, a livré quelques données aux députés. Selon lui, entre 2003 et 2007, l'opération s'est soldée par la vente de 417 entreprises publiques. Parmi elles, 192 ont été totalement privatisées, 33 autres privatisées à plus de 50% de leur capital et 11 autres à moins de 50%. Ainsi, 69 entreprises ont été reprises par les travailleurs, 29 autres ont été transformées en joint-ventures et il a été procédé à la vente des actifs de 83 entreprises. Concernant les entreprises dissoutes, elles sont toutes à caractère commercial et non productif. Pour les profits tirés par l'opération, les recettes incluent un montant de 125 milliards de dinars qui ont été versés sur un compte spécial du Trésor public. Quant aux investissements engagés par les opérateurs, ils s'élèvent à 871 milliards de dinars. Toujours dans ce sens, M.Temmar a fait savoir que 44 milliards de dinars de dettes, contractées par des entreprises publiques, ont été remboursées par les acquéreurs. Ces résultats restent très faibles par rapport à l'importance du potentiel industriel mis en vente. Ces maigres résultats expliquent justement pourquoi le gouvernement a décidé de récupérer 220 entreprises. Cette décision est loin d'être un non-événement. Bien au contraire, elle réaffirme la volonté de l'Etat de redynamiser le secteur public. Il faut reconnaître que depuis le sévère réquisitoire du président de la République de juillet dernier, un certain silence est observé sue le dossier des privatisations. Lors de la rencontre avec les élus locaux, le chef de l'Etat a reconnu que la politique mise en place a été un échec. «Nous nous sommes trompés. Nous nous sommes rendu compte que nous avons fait fausse route. Oui! En matière de politique de privatisation et d'investissement, nous nous sommes cassés le nez!» avait-il admis devant plus de 2000 hauts cadres de l'Etat. Le chef de l'Etat a exprimé son mécontentement sur la gestion de ces dossiers en affirmant qu'il n'acceptera plus le bradage des entreprises nationales. «En ce qui concerne la privatisation, je dirai que nous ne vendons pas en gros nos entreprises. Chaque chose a son prix. On doit évaluer chaque chose à son prix réel», a-t-il martelé. Un autre élément de taille le confirme. Le Conseil des participations de l'Etat (CPE) qui délivrait au compte-gouttes le quota des entreprises à privatiser ne s'est plus réuni depuis longtemps. Le gouvernement a, semble-t-il, revu ses calculs. L'arrêt des processus de privatisation du CPA et de l'ouverture du capital d'Algérie Télécom en sont une preuve. Alors que les procédures étaient à la dernière étape pour l'ouverture du capital des deux entreprises, le gouvernement a soudain tout arrêté, sans donner d'explication sur ce revirement. Pourtant, des entreprises étrangères ont manifesté leur intérêt pour les deux marchés. Les explications avancées par le ministre des Finances, venues un peu tard et faisant croire que le marché financier international n'est pas stable, n'ont pas été convaincantes. L'Etat compte-t-il abandonner le processus de privatisation pour initier une autre politique économique? Les jours à venir nous en diront un peu plus.