C'est sans grande conviction que la rencontre initiée par le président Sleimane s'est ouverte à Beyrouth. Les principaux dirigeants politiques du Liban ont entamé hier à Beyrouth un dialogue national dans un climat alourdi par un nouvel attentat et des violences à travers le pays. Quatorze dirigeants de la majorité parlementaire antisyrienne et de la minorité emmenée par le mouvement chiite Hezbollah se sont retrouvés autour d'une table ronde, quatre mois après des heurts qui ont fait 65 morts et fait craindre une nouvelle guerre civile. Seul le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah était absent pour des raisons de sécurité. Il était représenté par le député du mouvement chiite Mohammed Raad. Des mesures de sécurité importantes ont été prises près du palais présidentiel à Baabda, à l'est de Beyrouth, où se déroulait la réunion. Malgré de récentes réconciliations entre des partis rivaux, cette première séance inaugurée par le chef de l'Etat Michel Sleimane suscitait peu d'espoirs, les divisions étant encore trop profondes notamment concernant le dossier épineux de l'armement du Hezbollah. «Accepter d'entamer un dialogue montre que tout est susceptible d'être discuté, que tous les sujets peuvent être abordés», a toutefois souligné M.Sleimane à l'ouverture de la séance, dans un discours retransmis par les télévisions. «Seuls l'échec ou l'impasse sont inacceptables», a-t-il insisté. Les participants doivent en effet discuter, à huis clos, d'une «stratégie nationale de défense» censée définir les relations entre le Hezbollah et l'armée libanaise. Le chef de l'Etat a affirmé dans son discours que la nouvelle stratégie de défense devrait reposer sur l'armée libanaise, profiter des capacités de «la résistance» (en référence au Hezbollah) et avoir recours à la diplomatie. Mais alors que le Hezbollah estime nécessaire de garder son arsenal pour protéger le pays contre une éventuelle attaque israélienne, la majorité antisyrienne l'accuse de faire le jeu de l'Iran et de la Syrie et insiste pour que l'Etat ait le monopole des armes et des décisions de guerre et de paix. «Tout Libanais espère que le dialogue aboutisse, mais la vraie solution ne verra le jour que lorsque le (Hezbollah) mettra fin au rôle régional de ses armes et à ses ambitions d'imposer son hégémonie par la force sur la scène intérieure», notait un éditorial du quotidien An Nahar, proche de la majorité. Lors des affrontements de mai, le Hezbollah avait pris le contrôle du secteur ouest de Beyrouth, soulevant de vives critiques concernant le rôle de ses armes, confinées jusqu'alors au rôle de lutte contre l'occupation israélienne du territoire libanais. Même les quotidiens prosyriens soulignaient la difficulté de la tâche. «Les différents milieux politiques estiment que les discussions sur la stratégie nationale de défense se perdront dans un débat stérile et que les résultats ne verront pas le jour avant bien longtemps», écrivait As Safir. Selon le quotidien indépendant Al-Anouar, «la table de dialogue est installée dans un champ de mines appelé Liban». «Même si les participants se mettent d'accord, on ne peut pas construire une stratégie nationale de défense dans un champ de mines sans avoir procédé auparavant à un déminage», ajoute le quotidien. La veille du dialogue, un partisan du Courant du Futur, mené par le chef de la majorité, le sunnite Saad Hariri, a été abattu par balle dans l'est du pays et des bombes ont explosé dans un secteur de Beyrouth ayant déjà connu des heurts sanglants entre sunnites et chiites en mai, sans faire de victime. Quelques jours plus tôt, un responsable prosyrien a été assassiné. En 2006, un dialogue difficile avait réuni les principaux dirigeants politiques mais avait été interrompu en raison du conflit entre Israël et le Hezbollah l'été de la même année. Il a achoppé notamment sur la question de l'armement du Hezbollah.