La situation s'est brusquement dégradée ces dernières 48 heures entre New Delhi et Islamabad. New Delhi et Islamabad, iront-elles à l'irréparable? Telles étaient les interrogations qui couraient, hier, dans les chancelleries et faisaient la une des médias. Les décisions prises samedi par l'Inde d'expulser l'ambassadeur du Pakistan à New Delhi et de mobiliser au Cachemire, a induit un climat de crainte quant à une possible reprise des hostilités entre les deux pays. Deux pays, rappelle-t-on, qui se sont dotés de l'arme nucléaire. Islamabad tente, à l'évidence, de calmer le jeu, mais il n'en reste pas moins que les choses risquent de s'emballer tant la tension est vive entre les deux capitales. Ainsi, la décision de l'Inde d'expulser l'ambassadeur du Pakistan Ashraf Jehangir Qazi, a été ressentie par Islamabad comme une tentative de New Delhi de couper les dernières passerelles de dialogue qui subsistent entre les deux pays. C'est ainsi que le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères a estimé: «Quand l'Inde avait décidé de rappeler son haut commissaire en décembre, nous n'avons pas appliqué le principe de réciprocité parce que le Pakistan croit au dialogue et nous pensions que notre représentation devait être maintenue au plus haut niveau pour que tous les problèmes soient résolus par des moyens politiques. Des actions comme celles-là ajoutent à la tension.» L'attentat de mardi dernier au Jammu, qui a fait une trentaine de victimes, semble avoir été le point limite, qui a fait réagir durement New Delhi et, aussi, poussé à l'escalade. Cette détérioration de la situation est illustrée par les duels d'artillerie et tirs auxquels se livrent, depuis vendredi, les soldats des deux pays, de même qu'une certaine recrudescence des attaques de la guérilla musulmane cachemirie. Un million de soldats de chaque pays est actuellement massé sur les lignes frontalières. De fait, la situation s'est dégradée entre Islamabad et New Delhi depuis l'attentat contre le Parlement indien en décembre 2001. L'Inde, en signe de représailles, a rappelé son ambassadeur à Islamabad, tout en accusant le Pakistan de ne pas faire assez pour contrôler les séparatistes cachemiris. En expulsant l'ambassadeur pakistanais, en demandant à Islamabad de rappeler la moitié de son personnel diplomatique, New Delhi donne l'impression de chercher le clash, en rendant une nouvelle guerre, entre les deux pays, inévitable. Si le gouvernement indien veut se montrer ferme, il ne semble pas que les mesures prises aient convaincu une opinion publique indienne qui reste sceptique. Le quotidien de New Delhi The Hindu semble résumer le sentiment général lorsqu'il juge: «Ni les raisons citées pour justifier l'expulsion du diplomate pakistanais, ni la logique politique de cette mesure, mal pensée, ne peuvent véritablement servir la cause antiterroriste de l'Inde.» Dans ce contexte, des observateurs soupçonnent même New Delhi de vouloir modifier «la ligne de contrôle» (frontière séparant les deux parties du Cachemire pakistanais et indien à population majoritairement musulmane) en occupant une partie du Cachemire sous administration pakistanaise, pour interdire les incursions en Inde des séparatistes, à partir du Pakistan. Il est vrai que deux guerres depuis les indépendances en 1947 ont jalonné les rapports tumultueux entre Islamabad et New Delhi. Si les risques de guerre demeurent sérieux, il semble aussi que ni les Pakistanais ni les Indiens ne sont désireux de franchir un Rubicon lourd de danger pour deux pays qui, en se dotant d'armes de destruction massive, assument des responsabilités qui dépassent de loin la seule sécurité de leur pays quand tout le sous-continent indien risque de se trouver pris dans la spirale des affrontements.