Les deux voisins ennemis du sous-continent indien ont décidé de taire leur haine. Islamabad a promis de ne plus chercher querelle à New-Delhi, son voisin qu'il a rattrapé dans le domaine de l'armement atomique mais qui le supplante pour tout le reste : géographie, économie, démocratie et culture. l'Inde a pris acte et s'est satisfait de la décision de Musharraf de ne plus utiliser la question du Cachemire comme point de friction. Cette promesse est d'autant créditée qu'elle est annoncée symboliquement à l'occasion des fêtes de l'aïd. En réalité, les deux pays ont fini par se rendre à l'évidence : la haine dont ils n'ont pas cessé de se nourrir depuis pratiquement 1947 (date de naissance du pakistan) n'a fait que jeter de l'huile sur le feu entre eux mais aussi chez chacun d'eux. La question du Cachemire a alimenté l'islamisme dans les deux pays. L'Inde qui accuse le Pakistan de propager l'islamisme à partir de cette province frontalière et musulmane est le théâtre ces dernières années de graves frictions entre la majorité hindoue et la minorité musulmane (la plus grande communauté musulmane après l'Indonésie avec 140 millions de musulmans). Les plaies des conflits intercommunautaires intérieurs ont été motivées par la rhétorique incendiaire tant des extrémistes musulmans que des extrémistes hindous. La Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir, qui a mesuré les dangers de sa politique à l'égard des musulmans, semble jouer aujourd'hui la carte de la paix sociale, plus conforme à l'image de l'Inde démocratique à la tête des pays émergents. Les musulmans d'Inde ont, eux aussi, compris que la confrontation ne sert pas leurs intérêts ; elle ne peut qu'entraîner un désastre. Le Pakistan, après avoir bu l'islamisme jusqu'à la lie, semble prendre avec sérieux le chemin de la normalisation. Musharraf ne se contente plus de déclarations et de démentis comme en 2001 lorsqu'il a été accusé par l'Inde d'implication dans l'attentat terroriste contre son Parlement à New-Delhi ou au Cachemire où ses services secrets (ISI) sont suspectés de soutenir deux groupes : Lashkar-I-Talba et Jaish-I-Mohammad, qui mènent des luttes armées contre New-Delhi. À Islamabad, un large consensus s'est dégagé au sein de la classe politique pour affirmer que le problème du Cachemire devrait rester l'affaire des Cachemiris. Le président pakistanais semble vouloir cette fois éradiquer l'islamisme en son jardin. Musharraf, qui a fermé les écoles coraniques qui ont constitué la fabrique des Talibans, a annoncé de profondes réformes pour écraser tout ce qui nourrit l'extrémisme islamique. D. B.