Cette politique du deux poids, deux mesures, est annonciatrice d'une grave hémorragie au sein de l'Université. La revalorisation des salaires des députés continue de susciter l'ire des Algériens. Non, cette fois-ci, ce n'est pas le simple quidam qui exprime son courroux, mais ce sont les enseignants chercheurs. C'est la crème de la société qui exprime son irritation. «Au moment où les enseignants chercheurs s'attendaient à un dénouement heureux du régime indemnitaire, après un salaire de base loin de leurs attentes, voilà que l'annonce d'une hausse inimaginable des salaires venus d'ailleurs, des parlementaires, nous laisse perplexe», estime le Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes). Dans un communiqué transmis à notre rédaction, le syndicat national des enseignants «escompte que ce fait unique dans les annales des hausses des salaires de la République algérienne ne sonne définitivement le glas pour le moral et le rendement des fonctionnaires si les pouvoirs publics ne révisent pas efficacement les salaires dans le futur immédiat». Il s'agit, en effet, d'un autre paradoxe algérien où les salaires des parlementaires sont alignés sur ceux des ministres, alors que l'élite, elle, galère pour joindre les deux bouts. N'est-ce pas une manière grave de mépriser la matière grise? «Les parlementaires ont voulu des salaires de ministres et ils les ont eus sans aucun refus ni fermeté des pouvoirs publics comme c'est le cas des enseignants universitaires qui ne cessent de lutter depuis des lustres mais n'ont récolté que des restes» s'indigne le syndicat, des enseignants du supérieur. Cela n'est-il pas propre aux pays tiers-mondistes qui octroient des salaires colossaux à des gens qui ont à peine cessé d'être ignorants? Le Cnes doute que «cette politique, du deux poids, deux mesures, soit annonciatrice d'une autre hémorragie du corps des enseignants chercheurs, vers d'autres cieux plus cléments, fondés sur la reconnaissance de l'élite et du savoir». A combien sont-elles estimées ces compétences algériennes qui quittent le pays pour évoluer sous d'autres cieux? En l'absence des statistiques, nul ne peut évaluer la catastrophe qui frappe l'Algérie de plein fouet. Déjà en France, pour ne citer que ce pays, sur 10.000 médecins, 7000 sont Algériens. Sans compter les informaticiens, les ingénieurs, les professeurs...qui sont dans les meilleures universités, et entreprises de renommée mondiale. La «décérébration» qui atteint le pays est d'autant plus grave qu'elle ne cesse de porter préjudice à l'Algérie. «Le Cnes craint que le budget colossal de l'équivalent de 1 milliard 200 millions de dollars destinés au programme quinquennal de la recherche scientifique, n'aurait point l'effet attendu tant que les rémunérations des acteurs principaux restent très en-deçà des aspirations et de l'ambition du pays à relever les défis et regagner le concert des nations en voie de développement.» Le Conseil national des enseignants du Supérieur estime qu'il «ne s'agit donc pas d'investissements en moyens et matériels mais bel et bien en ressources humaines et en pérennisation de celles-ci». Pourtant, dans ses discours, le président de la République n'a de cesse d'insister sur le rôle que peuvent jouer les intellectuels dans le développement du pays. Justement, les enseignants chercheurs demandent à ce que les discours «ayant trait à la restitution de sa place naturelle au corps intellectuel, soit traduits dans les textes et appliqués dans les faits».