El Bahia se fane, ses monuments historiques tombent chaque jour en ruine et on tente, à coups d'opérations de replâtrage, de lui redonner son éclat d'antan. La prédiction du défunt Ahmed Wahby, s'est concrétisée, elle est sans appel: Wahrane, Wahrane Rouhti Khssara, ce qui veut dire «Oran tu es perdue». Comme par une malédiction divine, les Oranais vivent au rythme d'incessants désenchantements. L'indigence s'est installée et la grande cité a perdu son auréole. Le premier constat qui saute aux yeux est la mutation à la fois inquiétante et dangereuse qu'a subitement connue El Bahia ces quelques dernières années. Derrière le Front de mer, il y a le front de la misère et du dénuement. Fini le bon vieux temps où El Bahia était cette belle carte postale aux couleurs chatoyantes! La pollution et les maladies incurables, comme l'asthme, la tuberculose, gagnent du terrain. Les conditions de vie ne sont plus favorables. Le vieux bâti prend une portion considérable de ce malheur des Oranais. Les saletés, les nuisances sonores, la violence, la criminalité, la prostitution, les harraga, le sida, l'errance et la mendicité gagnent les soubassements d'Ihrane (Oran en langue amazighe). En somme, tous les phénomènes du siècle se conjuguent au quotidien à Oran. Ils gangrènent davantage la ville et nuisent à la vie paisible des Oranais. Les pouvoirs locaux persistent dans leur léthargie tandis que les citoyens, peu soucieux de leur cadre de vie, continuent dans leur incivisme et assènent un coup dur à leur ville. Les autorités locales persistent, sans cesse, dans le même discours creux habillé d'une langue de bois inextricable et embrouillée. Sinon, comment interpréter le fait que la ville d'Oran continue à crouler? La mélancolie, les inondations pendant les hivers, les effondrements tout au long de l'année, la prolifération des maladies telles que la peste de 2003 et autres maladies respiratoires et chroniques, le déficit en eau potable, le chômage, etc. en sont le lot auquel ouvrent droit les Oranais. El Bahia est fanée, ses monuments historiques tombent, chaque jour, en ruine, et on tente, à coups de replâtrages et d'opérations de maquillage de redonner à El Bahia sa vocation initiale. Hélas! le mal est fait, en conviennent amèrement les Oranais. La ville d'Oran tente, tant bien que mal, de résister à la douleur qui la terrasse. Même les tentatives timides et opérations de maquillage devant faire renaître El Bahia de sa profonde agonie sont vaines. Les Oranais continuent à décrier l'arnaque et le manque flagrant du petit logement tandis que, paradoxalement, d'autres, venus d'ailleurs, d'autres cieux, ne connaissant sûrement pas bien la ville d'Oran, occupent les vastes et somptueuses villas de Saint Hubert, des Palmiers, de Canastel, de Maraval, de Point du jour et autres quartiers huppés de la ville. Ceux-là se permettent même des vacances et soirées Vip, à Aïn El Turck et aux Andalouses, tandis que les enfants du saint Sidi El Houari attendent impatiemment l'arrivée des bus de Djamel Ouled Abbès et les opérations Plan bleu. Plusieurs milliards sont injectés. Des projets pharaoniques sont annoncés. Les Oranais qui ont la tête noyée dans les chiffres disent ne rien voir venir. La presse nationale et locale apporte son témoignage des situations des plus singulières. Le havre de paix d'antan est devenu un pont de misère des temps présents.