Skikda et Annaba, deux places fortes de l'industrie algérienne. Particularités sociologiques des habitants de ces deux grands pôles économiques? Des ruraux issus de l'exode rural des années 70-80 qui se sont mêlés à des citadins dont les activités principales gravitaient exclusivement autour de la pêche et du secteur tertiaire. Aujourd'hui, le bleu de travail d'un ouvriérisme naissant fusionne aisément avec un secteur commercial autrement plus dynamique surtout depuis que Sider, l'éternel gouffre financier de ces trente dernières années, a retrouvé l'espoir de concrétiser les objectifs pour lesquels les planificateurs des premiers plans de développement l'avaient conçue. A Skikda qu'il a rejointe une heure et demie après son atterrissage sur l'aéroport de Annaba, un avant-goût de son discours était déjà en l'air. Profitant de ce que Azzaba se trouve sur le trajet qui y mène, il s'y est arrêté une demi-heure environ et sans l'aide de micro, il s'est mis à haranguer la foule pour lui expliquer pourquoi il fallait qu'elle vote en faveur des candidats du FLN le 30 mai prochain. Le centre-ville en fut littéralement bouleversé. Vive le FLN, un mot d'ordre récurrent et largement audible, devait alors résonner dans toute la ville. Voici enfin Skikda où la population nous offrit un spectacle digne des grandes retrouvailles. Pôle industriel de premier ordre, Benflis en profitera pour dévoiler non seulement les 12 points essentiels que comporte le programme du parti FLN, mais également les motifs qui lui ont permis d'insister sur certains aspects du programme afin que tout le monde puisse imaginer ce que sera l'Algérie, ce qu'elle deviendra dans les dix prochaines années si les suffrages en faveur du FLN parvenaient à lui donner suffisamment de sièges pour disposer du poids nécessaire pour imprimer aux lois la marque de la modernité, de la croissance et du bien-être qu'il défend. Le FLN, en fait, ne vise pas seulement à reconstruire ce qui a été détruit par les hordes barbares du FIS et autre GIA pendant les 12 dernières années. Le but recherché par cette politique étant en fait la projection d'une nouvelle société algérienne qui, sans mettre une croix sur son histoire, aspire au contraire à plus de démocratie, à plus de justice sans tourner le dos ni à la mondialisation ni à la protection de l'environnement, encore moins à la promotion moderne de la femme. Programme ambitieux ? Plutôt équilibré et moderne par les temps qui courent, à entendre les applaudissements assourdissants, lui répondre en écho, le plus baderne des observateurs même farouchement hostile au FLN, ne serait pas resté insensible. Le retour à Annaba traînera, il est vrai, un peu en longueur sur la route, à cause de Ali Benflis qui a pris l'habitude de faire des haltes impromptues dans les kasmate FLN disséminées sur l'itinéraire. Ce qui lui vaudra une critique frontale d'un correspondant local, lui reprochant d'avoir laissé trop longtemps attendre la population de Annaba pour un motif que le journaliste, comme d'habitude, ne s'était pas donné la peine de vérifier. En vérité, 7000 personnes, voire davantage, l'attendaient patiemment au complexe omnisports d'El-Hadjar. C'est là que Ali Benflis entamera ses prolégomènes sur le projet de société que son parti propose à la population algérienne. Du meilleur et du positif contrairement aux partis islamistes qui n'aspirent qu'à enfermer à vie la femme algérienne dans le confinement du foyer, lui ôtant tout espoir de s'instruire, de s'élever dans l'échelle sociale ni de briller par le savoir, la science de la compétition pour améliorer son destin et celui de la société. Dans une tirade digne d'un grand défenseur du prétoire, il produit le meilleur effet en parlant au futur de la femme pilote d'avion et «pourquoi pas aussi de la femme mouhafidha au sein des structures du parti». Pour lui, à l'avenir, l'Algérie devra s'accommoder à voir la femme algérienne s'élever grâce à la loi et par ses seules facultés cognitives aux plus hauts niveaux de l'échelle sociale et politique. Profitant de l'enthousiasme des hommes et des femmes qui étaient venus l'écouter, il tente d'en finir avec le caractère populiste du FLN, un sentiment sans doute inspiré «par l'engouement des jeunes et des femmes», mais certainement aussi, par le trop plein des salles. L'écho en fut délirant. Après quoi, il s'attaquera à l'un des plus grands dossiers institutionnels de l'Algérie d'aujourd'hui, à savoir la justice et les réformes qu'on y a introduites. Dans la salle, il a parlé de la justice en fondant sa réflexion sur l'acquit que lui conférerait la réforme en cours, dont il a modulé le déroulement en trois phases. Chacune des phases nécessitant des mesures idoines pour faire avancer les choses. Ce qui semble déjà en cours! Mais parallèlement à ça, dira-t-il, des dispositions restent à prendre pour libérer les notaires de l'anonymat qui, quoi qu'on pense, les marginalise un tant soit peu. Il a également parlé des huissiers et des autres corporations sans qui, la justice ne saurait rendre la justice équitablement aux justiciables. N'étant pas un polémiste, comme il le dit lui-même, certains observateurs qui ont déclaré avoir positivement apprécié les capacités dont fait preuve chaque jour Ali Benflis pour sensibiliser les foules les plus récalcitrantes à sa politique, trouvent en s'étonnant que le secrétaire général du parti n'ait pas retroussé plus ostensiblement les marches pour entrer dans la danse avec toute l'agressivité discursive qu'un tel combat mérite. La réponse ne pouvant être inventée, sans doute faudrait-il attendre les prochains meetings pour en connaître la réponse exacte...