L'exclusion scolaire et professionnelle avait engendré chez les jeunes des angoisses quant à leur avenir. La rencontre, à l'initiative de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh) autour de la commémoration des événements du 5 Octobre 1988, prévue, hier, initialement au siège de la fondation Friedrich Ebert, a eu lieu finalement au siège de la Laddh. Ce changement d'adresse explique, peut-être, la défection de Abdelhamid Mehri et de l'universitaire Nacer Djabi. L'interdiction de la tenue de cette conférence pour des «raisons indépendantes de la volonté de la fondation Friedrich Ebert» a été sévèrement critiquée par Maître Bouchachi, président de la Laddh, et considéré «comme un exemple concret de la régression en matière des droits de l'homme et des libertés dans notre pays». Après une minute de silence à la mémoire des victimes des inondations de Ghardaïa et ceux du 5 Octobre 1988, le verdict de la Laddh en matière de droits de l'homme en Algérie est sans appel: «Il y a une régression des droits de l'homme en Algérie et chaque année c'est encore pire que la précédente», a déclaré Me Mustapha Bouchachi, qui animait une conférence en présence de Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la ligue. Selon le conférencier, les autorités refusent même «une rencontre passive entre une organisation des Droits de l'homme et les citoyens, 20 ans après l'insurrection populaire qui a fait plus de 500 morts». Pour Me Ali Yahia Abdenour, «le 5 Octobre 1988 n'est pas un accident de parcours». Et d'enrichir: «Les événements d'Octobre 88 découlent d'une lutte de clans exaspérée au sein du pouvoir. C'est à l'intérieur de ce dernier que se déroule à huis clos, le plus dur des combats, entre deux tendances divergentes, contradictoires.» L'appareil du parti unique, à cette époque-là, était en équilibre précaire et voulait perpétuer le système politique en place depuis l'Indépendance du pays, souligne-t-il. Pour Ali Yahia Abdenour, le système d'alors avait «sous-estimé la profondeur du mécontentement et du désespoir des jeunes». L'exclusion scolaire et professionnelle avait engendré chez les jeunes des angoisses quant à leur avenir et celui de la société. Cette peur du lendemain a engendré le soulèvement populaire. «La coupe est pleine, c'est le ras-le-bol, car les jeunes ne peuvent aller plus loin dans la démission et la soumission.» Vingt ans après les douloureux événements, quel regard peut-on porter sur le 5 Octobre 1988? «La meilleure façon de commémorer Octobre 88, c'est d'attirer l'attention sur les tâches qui ne sont pas accomplies.» Pour certains, selon le conférencier, le 5 Octobre a été une lame de fond. Une fois que la marée s'est retirée, il n'est resté que des pierres. Les événements d'Octobre ont apporté du nouveau pour «les damnés de la terre». Le conférencier estime que le pouvoir a compris que la réforme de la société n'est possible que par la démocratisation. D'où la Constitution du 23 février 1989, la ratification des pactes internationaux des droits de l'homme de 1966, la reconnaissance d'associations à caractère politique (ACP) et d'associations autonomes, ainsi que de la liberté de la presse.