Les autorités ainsi que les citoyens ne semblent pas avoir tiré de leçon, en matière de prévention, des catastrophes précédentes. Suite aux tristes inondations de Ghardaïa, les responsables des collectivités locales ont été sévèrement critiqués en matière de prévention contre les catastrophes naturelles. En effet, le panel composé de spécialistes dans la gestion de ces tragédies naturelles, réunis hier au forum d'El Moudjahid, ont pointé du doigt les collectivités locales qui n'interviennent pas à temps pour arrêter les constructions qui se dressent dans les zones à risques majeurs. Les terrains sur lesquels des bâtisses sont érigées font jaser les occupants de logements. «On a l'impression que les décideurs des projets construisent sur des sols conformes, alors que la réalité est malheureusement tout autre», a déclaré Abdelkrim Chelghoum, professeur en numérique et en génie parasismique. Et de poursuivre: «C'est le sol qui doit commander la construction, non le contraire.» Le professeur Chelghoum a également interpellé les autorités en affirmant qu'«il est grand temps que les pouvoirs publics élaborent un plan national d'exposition aux risques naturels majeurs». Etayant ses dires, le conférencier a jugé indispensable la mise en place des cartographies indiquant les zones parasismiques et autres éligibles aux catastrophes naturelles au niveau des communes et wilayas. «Sommes-nous des mauvais élèves?» s'est interrogé M.Belazougui, directeur du Centre national de recherches appliquées en génie parasismique. La réponse fut affirmative. Selon ses propos, les autorités ainsi que les citoyens ne semblent pas avoir tiré profit, en matière de préventions, des catastrophes précédentes. «Afin d'éviter cette mascarade, je propose au ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme de frapper fort, et dans le bon sens, en déployant les gendarmes de l'urbanisme pour faire respecter les textes de loi relatifs aux normes de l'aménagement du territoire.» Pour sa part, Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (Cnea) se montre plus que sceptique, voire pessimiste, quant à l'application entière et rigoureuse des lois sur la construction. «En Algérie, depuis l'Indépendance, on nous a gavés de lois qu'on se précipite de jeter aux oubliettes», regrette le président du Cnea. M.Boudaoud a souligné la nécessite de responsabiliser davantage les architectes, et leur donner les moyens nécessaires à même de mener à bien leur mission. «Tel n'est pas le cas», déplore-t-il. Après la projection vidéo d'une simulation sur modèle réduit d'inondation de la vallée du M'zab s'étendant sur 30km, réalisée en 1995 par un bureau d'études suisse, sous l'égide du ministère des Ressources en eau, M.Aït Amara s'est félicité de la réalisation des retenues collinaires (digues) qui ont épargné la vallée du M'zab d'une véritable catastrophe naturelle. Ce responsable a rappelé que trois digues ont été programmées le long des affluents des oueds Labiod, Himer (en cours de réalisation) et Boubrik érigées en amont de la vallée du M'zab. Cette dernière, conçue pour retenir 27 millions de m3, a permis de réduire conséquemment la quantité des eaux, estimée à 20 millions de m3 le 1er octobre dernier, a-t-il affirmé. De son côté, une responsable de l'Office national de la météorologie (ONM) a relevé de fortes précipitations sur la région du Sahara, entre le 21 septembre et le 1er octobre, assurant que cette situation est «un phénomène normal et qu'il n'a rien à voir avec le réchauffement climatique». Elle a précisé qu'entre le 26 et le 30 septembre, 47 mm de pluie ont été enregistrés à Ghardaïa, 46 mm à Hassi R'mel et 31 mm à Bou Saâda, alors qu'à Béjaïa, une région côtière, il a été enregistré 106 mm de pluie. Pour M.Nasri, représentant du ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme «10.000 habitations ont été expertisées et classées dans les catégories vert 1, vert 2, orange 1, orange 2 et rouge 1 et plus, par les moyens qui ont été mobilisés par le secteur». Parmi les constructions les plus touchées, figurent, notamment celles réalisées avec des matériaux traditionnels, tels que la tourbe, ou non protégées par des enduits, a-t-il expliqué. Il a également indiqué que le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme a dépêché 222 ingénieurs du Contrôle technique de la construction (CTC) à travers les 9 communes de Ghardaïa touchées par les intempéries. Un certain nombre d'entreprises sont depuis mardi sur site pour déblayer les gravats amoncelés au niveau de certaines habitations afin de permettre aux équipes du CTC de faire leur travail. Enfin, les participants à la table ronde, ont recommandé la mise en oeuvre d'un organisme national sur la prévention des catastrophes naturelles. Cet organisme devrait être actif au niveau local et se chargera de la gestion des risques majeurs et de l'application de la loi en vigueur relative à ce domaine de l'habitat et de la construction.