Difficile de camper le rôle d'inquisiteur quand il s'agit des affaires de notre presse. Presse martyre au sens le plus noble qui soit, on ne peut, en effet, s'arroger le droit de lui rappeler ses devoirs envers les institutions de l'Etat et les hommes qui les représentent, même si la critique de nos journaux participe souvent de la provocation quand il ne s'agit pas de l'insulte la plus vulgaire. En attendant, prions pour que la décantation se fasse assez rapidement. Hier à Médéa, lors de la rencontre populaire marquant la 17e wilaya qu'il visitait depuis l'ouverture de la campagne pour les législatives du 30 mai. Ali Benflis a inauguré son discours par une digression liée au meeting qu'il avait tenu lundi à Boumerdès, en citant le cas d'une dizaine de jeunes visiblement décidés à transformer le meeting en foire d'empoigne. Etait-ce une provocation préparée de longue main afin de gêner ce monstre - le FLN - qui n'a cessé, depuis quelques semaines, d'attirer dans ses rangs de plus en plus de gens, tous volontaires pour aller mettre leur bulletin dans l'urne en sa faveur. Des insultes ont été proférées contre la tribune du meeting où s'était installé Ali Benflis. Mais au lieu de donner aux services de sécurité l'ordre d'évacuer les intrus de la salle, le secrétaire général s'est contenté d'étouffer leurs criailleries d'enfants gâtés par un discours sur le type de démocratie que le parti FLN souhaiterait voir s'instaurer dans les années à venir en Algérie. Les jeunes étourdis en eurent pour leur grade en écoutant un discours plein de magnanimité. Refusant de les expulser de la salle, disais-je, il les invita au contraire à suivre son discours plein de morale et de respect de l'homme. Résultat, comme par miracle, les provocateurs d'un jour résolurent de se tenir coi jusqu'à la fin du meeting. Et c'est à ce niveau qu'on ne comprend pas que l'un de nos confrères ait pu, sans vergogne, rapporter l'incident en en déformant les tenants et les aboutissants. Cela étant dit, que ce soit à Médéa ou à Blida, le discours sur la démocratie, les droits de l'Homme, la promotion systématique de la femme, l'emploi et le développement de l'agriculture sur des bases modernes, n'a varié que pour replacer les spécificités régionales dans leur contexte véritable. Par exemple, en évitant de confondre l'agriculture de montagne propre au versant Sud de Médéa et la plaine de la Mitidja dont, malheureusement, la superficie et la richesse productive si souvent chantées par Hamdane Khodja, dans son Miroir avant son exil en Turquie au XIXe siècle, qui se trouve chaque jour un peu plus aux prises avec l'agression du béton armé devant l'oeil souvent amusé des autorités locales à tous les niveaux. Le FLN, qui s'est engagé à faire de la démocratie l'enjeu principal de ses engagements politiques devant l'opinion nationale et internationale, voudrait aussi faire connaître sa position par rapport au pluralisme que vit l'Algérie depuis 12 ans, malgré le terrorisme qui, fort heureusement, est en train d'agoniser à petit feu. Notre arme, dira à ce propos Ali Benflis, n'a rien à voir avec les instruments de guerre dont ont fait usage ceux qui, pour on ne sait quelle nouvelle croyance, ont pris le risque devant Dieu d'attenter à la vie de plusieurs dizaines de milliers d'Algériens. Le tout dans le respect des urnes et des résultats qui en découleront. Hostile à toute forme de polémique, Benflis se contentera, à chaque fois, de répondre du mieux qu'il peut aux préoccupations des citoyens: s'inspirant, dans la plupart de ses interventions, d'un travail en profondeur dont la quintessence est disponible noir sur blanc dans le programme que les instances du FLN ont élaboré pour expliquer aux votants pourquoi ils devaient choisir de voter en faveur des candidats pour la simple raison que «le parti FLN est la magnanimité personnifiée».