«Vingt et un ans de service sans logement. Comment peut-on appeler cela», s'indigne cette enseignante dont le lourd regard en dit long sur sa détresse. Nous nous sommes demandé, dans nos précédentes éditions, si le calvaire des citoyens de la commune de Oued S'mar connaîtrait une fin. Il s'avère, malheureusement, que c'est bien parti pour une bonne période. Hier, les bénéficiaires des logements sociaux dont ils n'ont jamais acquis les clefs, se sont rassemblés devant le siège de l'APC. Des affiches placardées sur les murs et à l'entrée du siège disaient toute la révolte de ces personnes qui attendent depuis 12 ans un logis: «APC de Oued S'mar : trabendou, 12 ans barakat, où est la justice?», «Barakat des promesses!» «Halte à la hogra! le maire est un menteur». Un vieillard prend à partie un policier: «Sommes-nous des harkis?» le policier ne sait quoi répondre, il est sauvé des jérémiades par un autre citoyen: «Le policier n'a rien à voir, c'est le maire. Il faut que le maire prenne ses responsabilités.» Parmi les manifestants, beaucoup de femmes, qui viennent crier leur colère et étaler les articles de leurs misères. «Tous mes enfants sont asthmatiques», et cette mère de nous exhiber des certificats médicaux. «Nous vivons depuis 25 ans près de la décharge». Une autre femme explose: «Imaginez trois livrets de famille avec une même adresse. Trois familles dans le même logis... C'est une baladya de tchippa. Ils aménagent des jardins sur du goudron, et nous laissent crever dans la misère!» Une jeune homme nous prend à part et nous confie: «C'est l'APC des 10%, vous savez ce que cela veut dire, que les responsables touchent toujours une tchippa pour les projets qu'ils cèdent à des entrepreneurs. Une mafia que je vous dis!» La chaleur et la tension conjuguaient leurs efforts pour rendre l'atmosphère irrespirable. Le maire avait promis de donner une réponse aux membres du bureau de l'association Nasr à 11h. «Ils sont en réunion», nous informe-t-on. Le gros des citoyens a pénétré dans le siège de l'APC, offrant un fond sonore vilipendant les travaux du conclave qui réunissent les responsables de la commune. A 11h 10, le secrétaire général communique au président de l'association la réponse du maire. Il y est notifié, par écrit, que, suite à la rencontre du maire et des représentants des citoyens avant-hier et suite à la séance de travail qui s'était tenue la même journée entre le maire et le nouveau wali délégué d'El-Harrach, il a été décidé de fournir toutes les données sur les citoyens concernés par les arrêtés de 1989, afin, dit le document, de «connaître le développement de la situation sociale de chaque bénéficiaire depuis 1989 à ce jour», et d'identifier ces personnes. Il a été signifié aussi que les services de la commune de Oued S'mar doivent présenter une copie de PV de réunions qui ont débouché sur l'octroi de ces fameux arrêtés. Pour ce faire, il a été distribué des questionnaires aux citoyens qu'ils devront dûment remplir. Voilà, c'est là la réponse du maire, qui ne porte aucune griffe ou indication de la part du wali délégué. Les citoyens sont choqués par cette «réponse», ils sont venus réclamer leur droit pour se retrouver invités à une nouvelle course bureaucratique qui dit bien son nom. «Il veut gagner du temps ce maire», nous dit le président de l'association. A l'heure ou nous mettons sous presse, les informations recueillies par téléphone indiquent que la situation s'est dégradée sur place. Les citoyens ne peuvent plus contenir leur colère. Selon un membre de l'association Nasr, en 1989, alors que le FLN était aux commandes de cette riche commune, un terrain a été dégagé pour la construction de logements à caractère social. L'étude a été élaborée par un bureau, le Beatec, dont le siège est à Alger, à la rue Didouche-Mourad. Le PV du choix du terrain qui a opté pour un espace où est construit actuellement un centre commercial, a été avalisé par la Duch de Hussein Dey. Il s'agissait de la réalisation de 90 logements. Ne restait que le choix de l'entrepreneur qui devait prendre en charge la construction. Avec l'installation de l'APC FIS au début des années 90, ce projet, toujours non réalisé, s'est quand même vu renforcé par 42 autres logements, ce qui fait un total de 132 logements. Mais, après la dissolution de l'APC FIS et son remplacement par une DEC, ces logements ont été détournés de leur formule initiale pour devenir des logements APC-Cnep. Une partie de ces logements a été distribuée à des personnes qui n'ont pas encore payé un centime.