Le président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l'homme (Cncppdh) se positionne pour le maintien de l'état d'urgence. «L'Etat ne doit pas tuer. Les institutions ne doivent pas tuer», plaide Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (Cncppdh), au sujet de la peine de mort. Une plaidoirie qui constitua l'épine dorsale du Rapport annuel sur les droits de l'homme qui sera soumis avant la fin de l'année au président de la République. «La Cncppdh milite pacifiquement pour l'abolition de la peine de mort. L'Algérie garde cette paradoxale réputation d'un pays dont la justice prononce régulièrement des peines de mort sans toutefois les appliquer. Ce qui n'est pas dans son intérêt», poursuit l'invité de la rédaction de la Chaîne III de la Radio nationale. Dans son rapport, Farouk Ksentini défend cette thèse en souhaitant que la question soit tranchée définitivement. Pour lui, la peine capitale est en contradiction avec «le droit à la vie.» Nonobstant le fait que la condamnation à mort «n'a aucun effet dissuasif sur le phénomène de la criminalité». Cet avis partagé par plusieurs juristes, le conseiller du président de la République penche pour «la commutation des peines capitales gelées en peines privatives de liberté». Ce dernier ira plus loin en appelant à la suppression «des quartiers des condamnés à mort, pour ne pas isoler ces derniers du reste de la population carcérale». D'autres juristes par contre, affirment que l'abolition de la peine de mort favorisera l'impunité et la recrudescence des crimes. Ils mettent en garde le gouvernement contre toute soumission «aux pressions étrangères». Depuis 1993, aucune peine de mort n'a été exécutée, rappelle-t-on. A l'époque, sept islamistes avaient été exécutés pour l'attentat qu'ils ont perpétré contre l'aéroport d'Alger. La loi algérienne prévoit la peine de mort pour toute une série de délits. L'on peut citer: la trahison et l'espionnage, la tentative de renversement du régime ou les actes d'instigation, la destruction du territoire, le sabotage des services publics ou de l'économie, les massacres, l'appartenance à des bandes armées ou à des mouvements insurrectionnels, les actes de torture ou de cruauté, le viol d'enfant et le vol aggravé, ainsi que dans des affaires liées au terrorisme. Selon le rapport d'Amnesty International publié au début de l'année, l'Algérie a exécuté 217 prisonniers depuis son Indépendance en 1962. L'on ignore par contre le chiffre exact des prisonniers condamnés à mort qui attendent d'être fixés sur leur sort, même si des chiffres non officiels évoquent 200 individus. Dans un autre chapitre, Farouk Ksentini estime que sa commission n'a pas pour mission de confectionner des rapports au «vitriol» contre les institutions de l'Etat. «Nous ne sommes pas des snipers qui tirent sur tout ce qui bouge» affirme-t-il en réponse aux critiques formulées contre la Cnppdh par plusieurs observateurs qui estiment que cette commission est «très tolérante» vis-à-vis des institutions officielles. La Cnppdh est là pour constater la situation des droits de l'homme en Algérie. A priori, M.Ksentini semble satisfait de l'évolution réalisée dans ce domaine. «Les droits de l'homme ne sont ni malades ni en très bonne santé en Algérie. Ils gagneraient à être soignés et réconfortés davantage.» C'est la deuxième idée que compte développer M.Ksentini dans son rapport qui sera soumis au Président Bouteflika. Puisant dans le fond de la question, l'orateur aborda la question de la détention préventive «la tache noire» du système judiciaire algérien. A ce propos, il souligna que certaines ONG internationales qui ne connaissent pas la réalité du terrain éxagèrent dans leur jugement. «Il est vrai qu'il était fait un usage abusif, dans plusieurs cas de la détention préventive. C'est une procédure qu'il faudra absolument revoir. Mais il est vrai aussi que dans certains cas, cette situation s'impose.» M.Ksentini révèle aussi que sa commission abordera le dossier de la surpopulation carcérale, avec quand même une note d'espoir: «Ce problème réel sera résolu avec l'achèvement de 14 prisons en cours de réalisation.» Il souligna par ailleurs que la sous-commission chargée du dossier a constaté «des choses formidables» dans les prisons algériennes, notant la «relation humaine» existant entre les prisonniers et les gardiens. M.Ksentini dément formellement le recours à la torture dans les prisons algériennes où les conditions de détention «se sont nettement améliorées», défiant les ONG internationales à apporter des preuves sur ces «accusations». La santé du système judiciaire n'inquiète pas pour autant le président de la Cncppdh, qui se déclare très «satisfait» de la «volonté politique affichée par les autorités du pays d'améliorer le secteur». «Je suis très optimiste, ajoute-t-il, les choses vont dans le bon sens.» Le président de la Cncppdh se place dans le camp des défenseurs du maintien de l'état d'urgence, le justifiant par la situation sécuritaire. «A ma connaissance, l'état d'urgence ne prive aucun algérien de ses droits civiques et politiques.» Par ailleurs, il rejette les accusations des associations des familles des disparus qui évoquent un rôle négatif de la Cncppdh dans le règlement de cet épineux dossier. «S'il est vrai que les solutions ne peuvent satisfaire tout le monde, personne ne peut nier notre contribution spontanée et dévouée à régler ce problème.» Au sujet des prisonniers algériens en Libye et à Guantanamo, M.Ksentini rappelle que sa commission a un rôle consultatif et ne peut en aucun cas s'immiscer dans les prérogatives du ministère des Affaires étrangères et de celui de la Justice. «En cas de torture ou de dépassement, l'on peut contester. Saisir des ONG régionales sans plus.» Enfin, M.Ksentini ne semble pas être très accroché par l'idée ayant trait à la dépénalisation du délit de presse, estimant que chaque citoyen «doit être civilement et pénalement responsable de ses écrits».