- «Aucun militaire n'a été tué à la fin de la semaine dernière» - Hammam Elouane retrouve sa vocation de ville thermale Le taux très élevé de chômage risque de créer des tensions graves à l'avenir. Larbaâ, hier, matin, ressemblait à n'importe quelle autre ville de la vaste plaine de la Mitidja. On y sent les fortes odeurs des vergers, du thym et du romarin. C'est vendredi, et tous les habitants vaquaient à leurs emplettes avant la grande prière. Les rares repentis de l'AIS sont là pour nous rappeler que le terrorisme est passé par là. A partir de l'année 2000, la ville refait surface, panse ses plaies et revit. Les nouvelles autorités de la sécurité (militaire et de la gendarmerie) contrôlent bien la région et pensent que la violence fait partie du passé de la région. Les dizaines de repentis de Tabrent, El-Qaria et Djibolo ne semblent pas près d'y revenir et leur ex-émir Mustapha Kertali affiche une attitude d'Algérien moyen, malgré son apparat de petite bourgeoisie traditionnaliste. Ouled Slama. Une fourgonnette calcinée au bord de la route. Bougara, enfin. Notre destination, l'ex-sanctuaire d'Abou Souraka, le «maître d'oeuvre» des carnages de Raïs et de Bentalha, et qui a été liquidé par Zouabri pour l'affaire de l'or qui a été récupéré, et jamais vu par la direction du GIA. Question discrète à des gens déjà circonspects: «Alors, les dix militaires assassinés, en fin de semaine, entre Aïssaouia et Bougara, ils sont à la morgue?». Non, personne ici n'a entendu parler de cette poussée terroriste. «C'est un fait des médias. Ici, rien ne s'est passé, aucune ambulance n'a été vue. Nous avons été étonnés de lire cela dans la presse.» Même question à une dizaine d'autres citoyens. Même réponse. Uniforme. Voilà enfin qui nous rassure. Nous profitons pour «monter» à Hammam Elouane, fief du GIA par excellence entre 1994 et 1998. Les chemins tortueux vous enfoncent dans des paysages majestueux. Le lieu dit Magrounette est tout simplement un morceau de paradis arraché à l'Eden pour être placé là, pour le bonheur des hommes. De part et d'autre de la route, le paysage vous capte, vous captive, vous ensorcelle. Les oueds coulent d'eau douce. Les gens y piquent-niquent en couple, en famille ou en solitaire. Images quasi inimaginables, il y a seulement trois ans... Les oueds de Hammam Elouane attirent une foule de visiteurs. Les bergers et les contreforts des oueds sont verdoyants, et des jeunes y construisent des petits cabanons qu'ils louent aux visiteurs. Hammam Elouane. La ville aux thermes si réputés depuis la nuit des temps. Un hôtel, deux bains, des infrastructures d'accueil pour les visiteurs pour pas cher (chambre double, avec deux bains aux thermes, deux repas, TV, frigo, etc. à disposition pour uniquement 1 400 DA et une forte diminution de tarif pour familles et location à la semaine). Seulement, cette belle ville enclavée entre quatre collines verdoyantes, ne nourrit pas son homme. Aucune entreprise, aucune perspective de travail pour résorber le chômage. Les enfants courent derrière les voitures pour vendre des oeufs durs, du pain d'orge ou du lait de vache. Filles et garçons sont à la quête de l'acheteur potentiel. Cette précarité, cette indigence, cette misère affichée font peur, car le terrorisme peut se vêtir, après avoir été dénudé par l'injustice sociale, de tous les habillages qui s'offrent à lui. Retour à Bougara. Arrêt près du quartier Zribi, à l'entrée de la ville. Véritable plaque-tournante locale de la drogue. C'est là que le GIA recrutait ses hommes. Les mêmes causes persistent, et qui, un jour, vont engendrer une autre forme de violence, au nom d'une autre idée à habiller d'un emballage séduisant. Nous montons vers Aïssaouia. La plaque indique 32 km. Nous parcourons la moitié du chemin. Dès l'entrée, une villa de style colonial sert de poste avancé à l'armée. Plus haut, un calme plat. Plutôt inquiétant. Le ver de Mallarmé se fait concret: «Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur.» Plus haut encore, des traces de bombardements. Des militaires en patrouille. «Sur ce tronçon, rien ne s'est produit depuis deux ans.» Et les dix militaires tués? «Tués par la presse, ça oui. Il y a, depuis quelques jours, des bombardements qui sont notre travail régulier et routinier, il faut bien que les aviateurs apprennent à tirer de haut, non?» Aucune trace d'accrochage ou d'embuscade. En fait, il y a des caches terroristes mises au jour en fin de semaine, et qui ont été détruites. Retour vers Bougara. Depuis la mort d'Abou Souraka et de Zeggaï, le terrorisme a perdu sa bataille dans la Mitidja. D'épisodiques incursions du GIA viennent perturber le calme de la région, sinon, les groupes armés, ici, ont été définitivement rayés de la «carte sécuritaire permanente».