A travers les propos de ces enfants interrogés par L'Expression à quelques jours des élections américaines, il est fort possible que ce soit les attentes, les espoirs et les craintes exprimés par leurs parents que nous renvoient ces enfants de manière brute. Ne dit-on pas que la vérité sort de la bouche des enfants? Ecoutonsles mômes US discourir. En cette journée d'automne 2008, à quelques jours de l'élection présidentielle américaine, il pleut sur Washington DC, comme il arrive de pleuvoir d'ailleurs sur toutes les villes du monde. Des journalistes accostent un couple et demandent l'autorisation d'interroger leur enfant sur l'élection présidentielle. La réplique de l'enfant a été d'une incroyable spontanéité. Jersey ne mâche pas ses mots malgré son jeune âge: «Oui, nos professeurs nous parlent de ces élections à l'école et on nous expliquent comment voter et c'est quoi le vote. Moi, je préfère Barack Obama car c'est lui qui va mettre fin à la guerre en Irak et en Afghanistan.» Sans interruption, le gamin s'est volontairement prêté à un véritable réquisitoire contre les choix politiques de son pays, notamment la guerre en Irak et en Afghanistan. Exactement comme l'aurait espéré un citoyen voulant se faire justice mais qui ne sait à qui se plaindre. «A cause de cette guerre, des familles, des enfants, des personnes ont été tués, des gens ont perdu leur maison et leur travail.» Inutile de croire que le garçon a préparé son speech. Il a répondu du tac au tac à la question «qui des deux candidats à l'élection présidentielle préférez-vous?» De passage à Washington pour un mariage, Jolia Marshall, âgée de 13 ans et son frère Michel, accompagnés de leur mère, viennent de sortir du Mémorial Jefferson. La famille habite au mont Vermont dans l'Etat de l'Iowa. Jolia et Michel pensent tous les deux que Barack Obama va gagner cette élection, mais Jolia n'aime pas Obama. C'est ce que pense, pour sa part, Stuti Bune, une fillette de six ans qui trouve même le nom de McCain plus beau que celui de «Barama» (sic). Il fait très beau à Cedar Rapids, une localité située à une quarantaine de kilomètres de l'Etat de l'Iowa, la véritable Amérique profonde. Il est midi et au niveau du collège MCkinley Middle School, les collégiens font une pause. Brad Lock, adolescent de 14 ans, pense que «John McCain est le candidat qui peut faire beaucoup de choses pour notre pays surtout dans l'économie. Je ne connais pas son programme, précise-t-il, mais j'ai étudié un peu de politique à l'école». Ted Johnson, âgé de 13 ans et de la même classe que Brad, annonce la couleur: «Barack Obama constitue un danger pour les Etats-Unis d'Amérique». On vérifie les propos et le môme insiste sans sourciller: «Oui, Obama est un danger pour l'Amérique et c'est la télévision qui a donné cette information, vous ne la croyez pas, vous?» Si ce n'est pas noir c'est blanc, Ted est donc un fervent supporter de John McCain et pour qui il votera s'il avait l'âge de le faire. Il dit apprécier surtout Sarah Palin qui peut faire la différence. Sheby Hair, du même collège, est du même avis que son ami: «C'est McCain que j'apprécie car c'est lui seul qui peut prendre les bonnes décisions dans la guerre et l'économie» Il ajoute: «J'aime Sarah Palin car elle a élevé convenablement ses enfants.» Sans conteste, c'est le parti républicain et le conservatisme qui parlent. Pour Sharaya, «McCain est le meilleur, il a la capacité de résoudre la crise grâce à son expérience; il peut protéger l'Amérique». En général, aux Etats-Unis, la politique occupe une place beaucoup moins importante dans la vie des citoyens. C´est quelque chose de moins passionnel, de moins investi. Les discussions politiques n´animent pas des débats dans les cafés et les lieux publics mais, qui a dit que les Américains ne sont pas politisés? Tom Warner, un collégien de 13 ans, blanc comme neige, est un fervent supporter de Barack Obama: «Obama est contre le guerre, il va faire beaucoup de choses pour l'énergie et les taxes!» Tom donne même les arguments de son choix et affirme: «Je le supporte car Colin Powell a dit de bonnes choses de lui à la télévision.» Etonnant comme cet adolescent semble informé: «Il n' y a pas d'armes de destruction massive en Irak, le New York Times a trompé tout le monde, je suis contre cette guerre, la vraie guerre est en Afghanistan où se trouve Oussama Ben Laden.» Décidément, Tom fait des émules parmi ses camarades de classe. Jacob Roove en est un et il est du même avis puisque selon lui, «Barack Obama est un vrai progressiste et il va mettre fin à la guerre et capturer Ben Laden dans les montagnes d'Afghanistan». Ce qui est bizarre, c'est que dans ces propos, on ne retrouve pas chez ces enfants le côté local qu'ont souvent les élections chez le citoyen américain. Il est tout aussi bizarre que des adolescents de cet âge parlent déjà de guerre, de taxes et de problèmes économiques. Si réellement les dires de ces enfants reflètent les propos de leurs parents, il y a de quoi avoir vraiment peur pour ce monde où personne ne se sent donc en parfaite sécurité. Cette crainte intrinsèque du citoyen américain est quelque peu résumée dans les propos de cette collégienne Morgane Labarty, qui a un seul souhait pour cette élection: voter pour le candidat démocrate Barack Obama, car, explique-t-elle, «il veut mettre fin a la guerre. Je sais qu'il n'a pas d'expérience mais son vice-président, Joe Biden, en a beaucoup. Et puis, de toutes les manières, même Sarah Palin n'a pas d'expérience». Molly Watson facilite la tâche et avoue tout: «Je supporte Barack Obama car mes parents vont voter pour lui. Pour McCain, il sera comme l'actuel président Bush.» Amira Nash dit que si elle avait l'âge de voter, elle «opterait volontiers pour le sénateur Obama car il propose de diminuer les taxes pour la classe moyenne et il va mettre fin à la guerre en retirant les troupes d'Irak.» Quelle vérité peut-on alors tirer de ces propos, si ce n'est une crainte généralisée des Américains quelles que soient leurs tendances politiques. Les démocrates aspirent à un monde où l'Amérique sera plutôt aimée que crainte: en d'autres termes, à faire l'armistice avec le reste du monde et les républicains pensent que le danger est réel et donc il faut un homme fort de la trempe de McCain pour protéger la nation de ses détracteurs. Dans les deux cas, l'Amérique a vraiment peur. Et dans une nation où les enfants se soucient de la guerre, des taxes et de l'économie c'est qu'il y a un problème profond. Alonso Caar, un autre collégien noir, jubile avant les résultats: «Si Obama gagne, il sera le premier Américain d'origine africaine à le devenir. Il veut apporter du changement pour l'Amérique. Il va aider les pauvres sur le plan économique et il va augmenter les taxes pour les riches». Là, c'est l'élément ethnique qui intervient en plus des problèmes économiques. Quoi qu'il arrive, l'Amérique aura son 44e président mais, selon Denisha Davis, une collégienne apparemment avertie, «le sénateur Obama va apporter du changement pour l'Amérique mais il aura beaucoup de travail à faire.». Effectivement, il y a beaucoup de travail à faire dans un monde complètement déstabilisé.