Malek Bensmaïl a présenté vendredi dernier son nouveau film documentaire, La Chine est encore loin. Vendredi, veille de la clôture de la 22e session des Journées cinématographiques de Carthage qui ont déployé cette année tous les moyens pour la réussite de cet événement, les derniers longs et courts métrages et films vidéo sont proposés à l'assistance et au jury. Côté film vidéo en compétition, un film a attiré l'attention ce jour-là. Il s'agit du seul film algérien en compétition dans cette catégorie. Le 1er novembre 1954, près de Ghassira, un petit village perdu dans les Aurès, un couple d'instituteurs français et un caïd algérien sont les premières victimes civiles d'une guerre de sept ans qui mènera à l'Indépendance de l'Algérie. Ceci est le décor planté dans le nouveau documentaire de Malek Bensmaïl, intitulé la Chine est encore loin. Plus de cinquante ans après l'événement, Malek Bensmaïl revient dans ce village chaoui, devenu «le berceau de la révolution algérienne», pour y filmer, au fil des saisons, ses habitants, entre présent et mémoire, mais aussi son école et ses enfants... Le témoin-clé de cette action est encore vivant, or cela n'est pas mentionné dans les manuels scolaires. Malek Bensmaïl qui nous a habitués à sonder le pouls de la société, ses errements et ses contradictions, son «aliénation», va chercher cette fois l'âme de cette Algérie dans ce village perdu dans les confins de la nature. Prenant comme leitmotiv cet adage du prophète: «Allez chercher le savoir s'il faut jusqu'en Chine», Malek Bensmail nous plonge dans la réalité du système scolaire dont on a toujours dit du mal et pointé du doigt pour expliquer la fêlure sociale du pays et de ses habitants. De ce point de vue, en effet, la Chine, terre symbolique, semble encore lointaine. Dans ce documentaire qui s'inscrit dans la même lignée des travaux de Bensmaïl, c'est une analyse pertinente d'une situation donnée, faite par le réalisateur. La Chine pôle de civilisation est ici un référent patent du recul du savoir dans ces contrées perdues du pays. Cette déculturation apparaît aussi dans l'absence, dans une région marquée par l'histoire, d'une culture de conservation et la préservation des vestiges du patrimoine national archéologique. Les enfants qu'on nous montre sont aussi loin d'être intelligents ou futés. Pessimisme! Incursion côté féminin, la femme de ménage de l'école parle de liberté et d'émancipation dont le seul choix a été de travailler pour gagner son pain. Cette femme de ménage crie son manque d'amour comme pour mieux signifier cette absence de chaleur et d'affection entre les individus en Algérie. Le temps ici s'écoule lentement avec froideur et nonchalance. Ceci est l'autre face de l'Algérie, abandonnée et négligée. La réalité rejoint la fiction. On se croirait dans le film de Lyès Salem Mascarades. Conservatisme, analphabétisme, ignorance caractérisent notre société d'aujourd'hui. Le film est un peu long. On peine à y pénétrer complètement. Mais au fur et à mesure que les dés s'installent, la trame du film se dessine doucement mais sûrement. L'ignorance mène vers l'intolérance, l'enfermement sur soi et l'absence d'ouverture vers l'autre. L'idée du réalisateur est que le système scolaire est aujourd'hui caduc. Il a besoin d'un lifting. C'est ce que ce film tend vraisemblablement à nous dire. Là-bas, le temps semble comme suspendu, faisant même des pas en arrière. Comment peut-on apprendre correctement à un élève le français ou l'arabe lorsque son enseignant peine à prononcer correctement les mots? La Chine est effectivement bien loin! Réalisé avec le concours de «Alger, capitale de culture arabe», ce documentaire de 120 minutes est un film qui reste à voir. Un film utile et instructif.