La Russie et les Etats-Unis ont signé, jeudi, un accord sur le désarmement que d'aucuns qualifient d'historique! Historique en fait, pour les Russes et les Américains qui se ménagent ainsi toute latitude de développer leur futur arsenal stratégique. En vérité, le désarmement russo-américain, ou plus exactement la réduction de l'arsenal nucléaire de ces deux pays, est en réalité modulé en fonction de leurs intérêts réciproques. Ainsi, le traité américano-russe sur le désarmement, que viennent de signer, à Moscou, les présidents russe Vladimir Poutine et américain George W.Bush, tient en cinq courts articles, et est le plus bref des accords signés, ces deux dernières décennies, entre les Etats-Unis et la Russie (héritière de l'ex-URSS) dans le contexte des difficiles négociations pour la démilitarisation. Et pour cause! Les deux superpuissances se sont ainsi efforcées de se laisser une large marge de manoeuvre, leur permettant outre de réduire graduellement leurs arsenaux respectifs, et à leur rythme propre mais, plus singulièrement, ne remet pas en cause la politique de défense spécifique à chaque pays (les deux partenaires sont même tombés d'accord pour initier une coopération sur la défense), en leur laissant la totale liberté de procéder aux recherches dans les secteurs de pointe et au déploiement de nouvelles armes nucléaires, sans doute plus performantes, non concernées par le présent accord, renouvelable, tacitement en 2012. Pour l'essentiel, le traité signé, jeudi, par MM.Bush et Poutine, devra se traduire, à l'horizon 2012, par la réduction des deux tiers des vecteurs nucléaires de chaque pays, estimés actuellement à quelque 6000 ogives pour chacun, pour les ramener de 1700 à 2200 ogives de part et d'autre. Ce nouveau partenariat entre les deux supergrands a été salué par George W.Bush qui estime que «le traité de désarmement liquide l'héritage de la guerre froide et de l'hostilité nucléaire entre nos pays». Plus prosaïque, Vladimir Poutine, indique: «Notre accord est un pas en avant pour assurer la sécurité internationale.» A raison, Américains et Russes pouvaient se montrer satisfaits d'un accord qui ne comporte pour eux aucune contrainte susceptible de mettre en difficulté leur programme de renouvellement des arsenaux nucléaires futurs pour ses signataires. Tout semble donc être là, dans la souplesse même d'un traité qui laisse toute latitude aux Russes et aux Américains de choisir à leur convenance les procédures de réduction de leur armement nucléaire. Cela, sans que soit évoqué le sort des armements tactiques présentement déployés, d'autant que le traité ABM de 1972, sur la défense anti-missile, signé par Richard Nixon et Léonid Brejnev, dénoncé en décembre de l'année dernière par les Etats-Unis, cessera officiellement d'exister le 14 juin prochain. Dans la pratique, le nouveau traité entre les Américains et les Russes, qui ne «se considèrent plus comme des ennemis, mais sont maintenant des partenaires coopérant pour faire avancer la stabilité, la sécurité (...) contre les défis internationaux (...)» comme l'indique la déclaration finale, laisse les choses en plan. Autrement dit le statu quo est de rigueur et les deux grandes puissances nucléaires se seront surtout efforcées d'arrondir les angles n'apportant aucun élément nouveau susceptible de constituer un frein concret à la course aux armements. C'est loin d'être le cas, même s'il convient de noter que Russes et Américains confirment «être toujours liés par les obligations contractées», par l'URSS et les Etats-Unis, lors de la signature en juillet 1991 du Traité sur le désarmement stratégique Start I. Aussi, le sommet Poutine-Bush de jeudi dernier aura surtout contribué à clore un chapitre, assez mouvementé, des relations entre les deux grandes puissances pour ouvrir aujourd'hui des relations nouvelles apurées, sinon apaisées, des frictions du passé. C'est sans doute en pensant à cela que le président Bush pouvait affirmer: «Nous avons mis fin à un long chapitre de confrontation et ouvert des relations entièrement nouvelles entre nos deux pays et posé les fondations d'un nouvel esprit de coopérations et de confiance pour le bien des peuples russe et américain.» Ce que le président Poutine approuve totalement en renchérissant: «Nous tenons le même langage.» L'accord américano-russe sur le désarmement ne met pas fin à la prolifération des armes de destruction massive, il leur permet seulement de s'assurer le monopole sur le domaine des armes stratégiques, tout en décourageant, - par TNP interposé (Traité de non-prolifération nucléaire, initié par l'ONU) -, toute velléité d'autres pays d'entrer dans le club nucléaire.