Depuis début 2006, plus exactement février 2006, un débat public a été lancé sur la révision de la Constitution actuelle. Le parti F.L.N. à travers son secrétaire général avait soutenu et défendu le principe d'une révision constitutionnelle. Une commission ad hoc avait été installée et remis son travail dès mai 2006. Le secrétaire général du F.L.N. avait lors d'une conférence de presse, annoncé que les propositions de cette commission avaient été adressées à Monsieur le Président de la République. Les trois leaders des partis de la coalition ont animé un débat par presse interposée et chacun a défendu ses thèses sur la révision projetée. A mon avis, avant d'aborder la révision de l'actuelle Constitution, il serait intéressant de procéder à un rappel historique sur les conditions d'élaboration des précédentes Constitutions de 1976 et 1989. La Constitution de novembre 1976 Après dix années d'exercice du pouvoir, par le défunt Président Houari Boumediene, assisté du Conseil de la Révolution, ce qu'on appelait à l'époque le «Régime de la légitimité révolutionnaire» (19 Juin 1965 -Novembre 1976) période régie par l'ordonnance n°65-182 du 10 juillet 1965 où les principales institutions centrales du pays (Présidence, Comité central, Bureau politique issus d'un congrès, Assemblée nationale), étaient suspendues par cette ordonnance. Faut-il rappeler que toutes les attributions de ces institutions furent dévolues au Conseil de la Révolution qui devenait l'instance suprême du pays, et contrôlait les organes du parti et de l'Etat. Cette Constitution de 1976 fut promulguée par l'ordonnance n°76-97 du 22 novembre 1976. Elle permit au défunt Président Houari Boumediene d'exercer pour la première fois les fonctions de président de la République élu au suffrage universel et de doter le pays d'institutions centrales, comme l'A.P.N. en 1977, ainsi que les instances du parti à l'issue du 4e Congrès en 1979, juste après la disparition du défunt Président. S'agissant de cette Constitution, il faut rendre un hommage à Monsieur Mohamed Bedjaoui, à l'époque ambassadeur d'Algérie à Paris, qui fut chargé par le Président Houari Boumediene de rédiger la première mouture de l'avant-projet de cette Constitution. Après avoir eu plusieurs entretiens avec le Président Houari Boumediene, Monsieur Mohamed Bedjaoui présenta la première mouture au Conseil de la Révolution qui s'est érigé en Commission nationale chargée d'étudier l'avant-projet de la Constitution. Après un large débat au niveau public et de la base militante du F.L.N. et ses organisations de masse, l'avant-projet enrichi devint le projet de Constitution qui fut présenté à la Conférence nationale au Palais des nations en 1976. Les propositions et amendements issus de cette conférence furent recueillis et remis à la Commission de rédaction composée de Messieurs Mohamed Bedjaoui, Abdelaziz Bouteflika, Bélaïd Abdesslam, Ahmed Bencherif, Mohamed Seddik Benyahia, Smaïl Hamdani, Mohamed Benahmed Abdelghani et Boualem Benhamouda. Le projet fut rédigé en salle A du Palais des nations et adopté le lendemain par la Conférence nationale. C'est ainsi que naquit le projet de Constitution le 6 novembre 1976. Il fut proposé par le parti F.L.N. et adopté à une large majorité le 19 novembre 1976. Pendant cette période, je peux témoigner que les principales chevilles ouvrières de ce texte fondamental furent Messieurs Mohamed Bedjaoui et Smaïl Hamdani, tous deux éminents juristes, le premier ambassadeur à Paris à l'époque et le second secrétaire général à la Présidence. Il faut reconnaître que le projet de Constitution de 1976, fut largement inspiré par la Constitution de la Ve République française (mai 1958) et particulièrement les aspects relatifs à la fonction exécutive. Les grands choix idéologiques du pays (système politique, parti unique, modèle socialiste de société) furent inscrits comme aspirations populaires. Pour ce qui est de la fonction exécutive et en rappel à la personnalité du général de Gaulle, qui inspira la Constitution de 1958, dans la mesure où celui-ci avait introduit la notion d'arbitre et d'incarnation de l'unité de la nation par le président de la République, ceci du fait de sa personnalité historique exceptionnelle, une sorte de légende et sauveur de la nation depuis l'appel de Londres (1940) En analysant attentivement le chapitre deux (2) de la Constitution de 1976 «la fonction exécutive» et particulièrement les articles 104 -111-113 -114 et 115, on comprend qu'il s'agit d'un régime présidentiel avec en appui, une force politique consacrée dans un chapitre intitulé «de la fonction politique» à travers principalement les articles 94 et 100. Article 94: «Placés sous l'égide et le contrôle du parti, les organisations de masse sont chargées de la mobilisation des couches les plus larges de la population en vue de réaliser les grandes tâches politiques, économiques, sociales et culturelles qui conditionnent le développement du pays et le succès de l'édification du socialisme.» Le Président Houari Boumediene ayant géré le pays pendant onze années (1965/1976) voulait s'inscrire dans l'histoire à travers l'adoption de cette Constitution, lui le fondateur de l'A.N.P., digne héritière de l'A.L.N., Ie leader charismatique du pays pendant les onze années (1965/1976). Cette Constitution a vécu treize années (1976/1989). La Constitution de 1989 Celle-ci pilotée par Monsieur Mouloud Hamrouche, à l'époque secrétaire général de la Présidence, se voulait être celle des réformes politiques et économiques. Elle introduit le multipartisme (article 40) et expurgea tous les dogmes idéologiques contenus dans celle de 1976, comme par exemple le socialisme, choix de société et le parti unique. Il faut se rappeler la conjoncture de l'époque. Le pays venait de traverser une grave crise de son histoire contemporaine, à savoir les événements dramatiques d'octobre 1988. Certains diront que cette révision était nécessaire après une expérience de treize années (1976/1989) d'un système politique qui n'avait plus d'oxygène. D'autres diront, c'est une simple ruse de guerre du pouvoir en place pour continuer à diriger le pays. En réalité, avec cette Constitution de 1989, on est passé d'un régime présidentiel pur et dur à un régime parlementaire rationalisé qui, d'ailleurs, place le gouvernement en position hégémonique dans la mesure où l'initiative de la procédure législative relève de ce dernier (Le gouvernement). Elle marque en réalité une nouvelle ère, celle des réformes. La Constitution de 1989 dura sept années (I989/I996) La Constitution de 1996 Tout le monde se souvient de la conjoncture politique de l'époque, le président du Haut Conseil d'Etat (H.C.E.), feu Mohamed Boudiaf, venait d'être assassiné en direct. Le pays a failli basculer dans les ténèbres. Le Président de l'Etat, le général à la retraite Liamine Zeroual, venait d'être élu président de la République au suffrage universel en 1995, plus exactement une année avant la révision qui fut soumise à débat, dans le cadre d'un mémorandumpolitique. Cette Constitution introduisait deux nouveautés fondamentales: A) la limitation des mandats B) l'introduction d'une Chambre haute, le Conseil de la Nation, comme nouveau levier par rapport à la première Chambre. Pour ce qui est de l'article 74 de la Constitution, à savoir la limitation à deux mandats. Il est vrai que la responsabilité dans notre pays use. Quel que soit le niveau de responsabilité au niveau de l'Etat et après dix ans d'exercice, on ne peut être qu'usé. L'arrière-pensée des rédacteurs de cette Constitution visait à mettre un frein au monopole de la responsabilité, au plus haut niveau de l'Etat et ainsi donner la chance aux compétences nationales de s'exprimer, et, pourquoi pas, accéder à la magistrature suprême. Comme démarche, elle est respectable et elle est le signe que notre pays est un pays où l'alternance existe réellement et la démocratie n'est pas une simple utopie. Selon certaines confidences et témoignages, l'idée vient du Président Zeroual en personne. Il faut lui rendre un vibrant hommage pour cela. Pour revenir à l'article 74 et l'idée du 3e mandat, il n'est pas honteux de réviser uniquement l'article 74 qui limite les mandats. Plus près de nous en 2000 en France, il y a eu une révision constitutionnelle qui a réduit le mandat présidentiel de sept années à cinq années et sans qu'aucune autre modification ne soit apportée aux autres articles de la Constitution. Il ne faut pas être dupe. Chez nous cette modification dérange les calculs et plans de certaines forces politiques et certains prétendants à la magistrature suprême. D'autres leaders de partis ont la même opinion sur le sujet. Ils considèrent que la création d'une force politique doit servir à une finalité, à savoir la prise du pouvoir par les moyens légaux et démocratiques que sont les élections. C'est vrai aussi, et l'expérience de la plus grande démocratie, les U.S.A., nous a démontré que la limitation à deux mandats ne permet pas au Président élu deux fois de terminer son action et son programme. Cet exemple à mon avis, est sans doute aussi un argument de taille pour tous les hommes et femmes sincères qui soutiennent le troisième mandat. Je ne parle pas des opportunistes et chercheurs de primes. Le Président Bouteflika connaît bien cette faune, malheureusement, il faut le dire, on ne peut pas construire un pays en dix années. En réalité, ce qui fait peur à l'opposition, y compris aux forces de l'Alliance présidentielle, c'est qu'en cas de renouvellement de confiance au Président Bouteflika pour un 3e mandat en 2009, les mêmes équipes et entourages soient maintenus et confirmés. C'est une observation de taille et à mon avis pour entamer son 3e mandat, le Président Bouteflika doit tenir compte de cette «peur». La réussite du 3e mandat tient au renouvellement qualitatif des élites à tous les niveaux de l'Etat et à leur rajeunissement. Tout le secret de cette réussite se trouve ici. Dans la mesure où fort de sa longue expérience d'homme d'Etat (1963/1978) (1999/2009), un quart de siècle de lourdes responsabilités, fin observateur du monde et de la société algérienne avec toutes ses contradictions, Monsieur Abdelaziz Bouteflika n'aura pas d'égal en 2009. Il pourra affronter à l'aise un 3e mandat (janvier 2009). * Cadre supérieur de l'Etat en retraite