Le développement des combats dans l'est de la RDC commence à inquiéter les Etats voisins, notamment après les rumeurs d'une participation d'un pays tiers aux côtés de l'armée congolaise. Les ingrédients pour une internationalisation de la crise dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC) se mettent peu à peu en place, faisant redouter le scénario cauchemar d'une nouvelle guerre régionale. Réunis dimanche à Johannesburg, les pays de la Communauté de développement d'Afrique australe (Sadc), dont l'Angola -fidèle allié de la RDC-, se sont dits prêts à envoyer «si nécessaire (...) des troupes de maintien de la paix» dans l'est de la RDC, où la rébellion de Laurent Nkunda menace de s'emparer de Goma, ville d'un demi-million d'habitants. La Sadc va dépêcher sur place prochainement une équipe d'experts régionaux pour «évaluer la situation», mais n'a pas précisé si ses militaires interviendraient sous mandat de l'ONU. De son côté, le gouvernement congolais n'a pas exclu l'engagement ultérieur de troupes angolaises aux côtés de l'armée régulière, alors que les spéculations vont bon train sur la présence actuelle de soldats angolais sur la ligne de front en périphérie nord de Goma, aux portes du Rwanda. Ce faisant, après le soutien rwandais aux rebelles de Nkunda, «un nouveau pas est franchi vers la régionalisation de la crise», s'alarme Pierre-Antoine Braud, directeur du groupe d'experts Bridging International. La rébellion «reçoit un approvisionnement militaire et un soutien médical du Rwanda», affirment des experts d'International Crisis Group (ICG), dans une récente tribune publiée par le Wall Street Journal. Elle «recrute activement au sein des camps de réfugiés tutsi et parmi les contingents de soldats démobilisés de l'armée rwandaise», même si l'implication directe de troupes rwandaises aux côtés des rebelles -comme l'affirme Kinshasa- n'a pas été prouvée. La guerre de 1998-2003 qui a coûté la vie, directement ou indirectement, à trois millions de personnes et impliqué une demi-douzaine d'armées africaines, «est prête de nouveau à s'embraser dans l'est du Congo», a prévenu l'ICG. «Pour la troisième fois en douze ans, un groupe rebelle dirigé par des Tutsi est passé à l'offensive et menace Goma avec le soutien du voisin rwandais. Et encore une fois, Kinshasa a appelé son allié angolais à l'aider à résister à ce qui est perçu comme une agression rwandaise». De 1998 à 2003, l'ex-Zaïre avait été dévasté par une guerre régionale:Rwanda, Ouganda et Burundi avaient alors affronté sur le sol congolais, directement ou par mouvements rebelles interposés, une coalition pro-Kinshasa soutenue par l'Angola, le Zimbabwe, la Namibie et le Tchad. La signature de l'accord de paix de Pretoria en décembre 2002 et la mobilisation de la communauté internationale, avec le déploiement de la plus importante mission de l'ONU dans le monde, ont permis de mettre un terme à cette «guerre mondiale africaine», sans pour autant régler la crise congolaise. «On ne peut pas imaginer que la communauté internationale va laisser s'internationaliser le conflit alors qu'elle a englouti des milliards de dollars en RDC», estime M.Braud. «Le problème est de savoir si les experts militaires de la Sadc qui vont se rendre dans la zone de conflit, et peut-être les futures troupes, interviendront sous mandat de l'ONU», relève une source diplomatique occidentale à Kinshasa. «Si ces forces sont engagées de manière totalement indépendante de la Monuc (Mission des Nations unies en RDC), alors c'est beaucoup plus dangereux, et on peut s'attendre à une réaction vigoureuse du Rwanda», souligne cette source. L'inconnu, cependant, est l'état actuel des relations entre Kigali et Luanda. «Ces relations ont considérablement évolué depuis cinq ans, sous le parrainage des Etats-Unis, leur allié commun», estime la même source, évoquant un possible «pacte de non-agression» en vigueur jusqu'alors. A ce jour, Kigali n'a pas encore publiquement réagi ni aux décisions du sommet de la Sadc, ni aux rumeurs sur l'hypothétique présence de soldats angolais le long de sa frontière.