La provocation marocaine ne semble pas du tout être le fait du hasard. La délégation marocaine a multiplié les accrochages verbaux. les insultes et l'invective contre les organisateurs algériens et les participants sahraouis. Tout a commencé avec le défilé des délégations, lors de la soirée inaugurale de mercredi. Les jeunes Marocains, pour la plupart des étudiants affiliés aux organisations estudiantines socialistes ou de gauche, ont commencé à scander des slogans hostiles à l'Algérie et au Président Bouteflika, présent à la tribune d'honneur, ainsi que des mots d'ordre du style : «Sahra maghribya» («Sahara marocain») et ce, lorsqu'ils passaient juste devant la délégation sahraouie de la Rasd. Sifflée par une partie du public, notamment quelques jeunes Sahraouis, une quinzaine d'étudiants marocains s'est détachée du cortège pour aller en découdre avec les spectateurs, provoquant ainsi un incident que les organisateurs ont eu beaucoup de mal à maîtriser. La cinquantaine de Marocains présents dans le public a emboîté le pas aux membres de la délégation et des échauffourées ont éclaté dans les tribunes du stade du 5-Juillet, ce qui a nécessité l'intervention rapide de la police, qui a évacué les ressortissants marocains. L'incident, banal, aurait pu en rester là, surtout que la responsabilité des Marocains y était pleinement engagée. D'autres incidents avaient éclaté depuis le jour d'arrivée des Marocains, puisque certains d'entre eux ont investi le «bazar» du centre d'accueil et ont saccagé le stand des Sahraouis, déchirant notamment toutes les photos représentant le Polisario. Mais c'était compter sans l'intervention du palais royal qui, avec une surprenante célérité, pond un communiqué dans lequel il «dénonce vivement ces actes d'agression et proteste contre le fait que les autorités du pays hôte (Ndlr, l'Algérie) n'aient pas réuni les conditions de sécurité nécessaires». Sur ce, le roi Mohamed VI donne instruction que les dix Marocains blessés ( !) soient «hospitalisés dans les meilleures conditions au Maroc» et décide du retrait de la délégation marocaine en faisant porter à la partie algérienne «la responsabilité de ce retrait». La délégation marocaine a quitté Alger dans la matinée d'hier, non sans avoir provoqué, en passant, d'autres incidents déplorables, dont la destruction d'une partie du mobilier dans le centre où ils étaient logés. Cette fois-ci, les jeunes Sahraouis ne peuvent pas être pris comme prétexte, puisqu'ils sont hébergés dans un autre centre distant de celui des Marocains. L'incident prend alors les allures d'une péripétie diplomatique, lorsque l'ambassadeur algérien, accrédité au Maroc, Bessaïeh, est convoqué au siège des Affaires étrangères marocaines pour «lui faire part des protestations» marocaines. A Alger, la réaction des autorités est venue de la part du Comité national préparatoire (CNP) du Festival mondial de la jeunesse, qui «déplore que les traditions festivalières de dialogue, de tolérance, de confrontation d'idées basées sur la force d'argumentation et le respect de l'autre n'aient pas guidé l'attitude de la délégation marocaine, dont les intentions provocatrices ont été affichées dès son arrivée». Le CNP a été surpris de constater le retrait marocain, surtout qu'il avait préparé tous les détails techniques avec l'«apport conscient des ONG marocaines». Cette réaction a été suivie par un communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien, dans lequel il souligne qu'il «apparaît que l'incident lui-même autant que la décision de retrait à laquelle il a servi de prétexte, participent d'une attitude traditionnelle d'instrumentalisation de ce vaste regroupement à des fins politiques étroites». Les Affaires étrangères algériennes mettront le doigt sur ce prétexte en invoquant la question du Sahara occidental, qui «demeure un problème d'envergure internationale» et rappellera le principe cardinal de l'autodétermination des peuples, consacré par la charte des Nations unies. Il demeure que ces incidents et la provocation marocaine ne semblent pas du tout être le fait du hasard. La délégation marocaine a multiplié les accrochages verbaux, les insultes et l'invective contre les organisateurs algériens et les participants sahraouis. Forte de 141 membres, dont des étudiants issus d'organisations radicales de gauche du Parti socialiste marocain du Premier ministre Youssoufi, qui avait vilipendé dernièrement l'Algérie de manière brutale, la délégation marocaine a tout fait pour provoquer l'incident. Alors que l'un des thèmes majeurs de ce Festival est la paix, la solidarité avec les peuples en lutte pour leur droit à l'autodétermination et au développement, les Marocains ont fait la démonstration de leur sens de la «solidarité maghrébine» en prenant à partie leurs hôtes, mais également les participants du Sahara occidental. Ce genre d'incidents dans des festivals et des rencontres africaines, maghrébines ou internationales, sont légion, puisque l'attitude des Marocains est toujours marquée par la provocation, souvent violente, contre les représentants du Sahara occidental. En définitive, les Marocains ont voulu gâcher la fête, mais n'y sont pas parvenus. A ce stade, cela ne s'apparente plus à de la provocation, mais carrément à du sabotage.