L'Algérie entière pullule de meetings: les ténors des partis de la coalition - pour ne prendre que ceux-là - sont partout.- Et partout ils promettent une autre Algérie à ceux qui ont la patience - ou le plaisir, allez savoir - de les écouter. Leurs stratégies de campagne - si toutefois on peut parler de stratégies - sont aussi dissemblables - que les personnalités de leurs chefs. Regards croisés sur les stratégies de communication de deux partis: le RND et le FLN. Commençons par le RND. Sa grande trouvaille est d'avoir abondamment investi le terrain du sport en prenant comme candidats des dirigeants sportifs. L'objectif est clair à savoir récupérer, par effet de transfert, toutes les valeurs que le sport véhicule: dynamisme, transparence, fair-play, sympathie, popularité... On doute que les retombées de cette stratégie soient à la mesure des attentes de ses concepteurs. Pourquoi? Pour la simple raison qu'ils se sont trompés de cible: en choisissant des dirigeants, on ne surfe pas sur les mêmes valeurs que renvoient le sport et les sportifs, mais sur l'arrière-cour des sports, celle des coulisses, des polémiques et de la contestation partisane. Tout dirigeant, fût-il au-dessus de tout soupçon, a toujours des détracteurs qui peuvent ternir son image de marque. Par ricochet, c'est l'image du candidat, et donc du parti, qui en reçoit les contrecoups. En optant pour cette stratégie, le parti d'Ahmed Ouyahia prend le risque de s'inscrire dans un positionnement de racolage. La traduction politique de cette façon de faire est claire: le peuple veut du sport, on lui donne du sport! Il y a un principe simple dans la communication politique: c'est celui du respect de l'électorat et de la cohérence. En sortant de son chapeau des candidats de marketing sans expérience politique, le RND a failli à cette règle. Il confirme, par là même, les nombreux préjugés qui ont entouré sa naissance: avatar du FLN, parti hégémonique à la volonté de puissance manifeste prêt à tout pour arriver au pouvoir... sur le plan créatif, le RND n'a pas un concept fort et unificateur résumé par une signature. En outre, les luttes intestines au sein de son appareil renvoient une image d'agitation et de contestation guère rassurante. Parlons de son premier responsable Ahmed Ouyahia. En privé, ceux qui l'ont approché reconnaissent que l'homme est affable maniant à la perfection l'arme de la dérision et de l'humour. Mais si on prend son discours, sa gestuelle, ses postures, que voyons-nous? Pas un candidat qui parle d'émancipation de la femme et de la promotion des jeunes, mais un ex-Premier ministre qui, sans états d'âme, a fait de larges coupes dans le rang des salariés. A tort ou raison, peu importe, on parle d'image et de perception et l'image est catastrophique. Jacques Séguéla, ex-conseiller en communication de Mitterrand et de Jospin, a énoncé un principe clair en matière de motivations psychologiques des votants, il se résume en cette phrase: «On vote pour un homme, pas pour un parti.» Le RND est-il bien parti? On le saura vendredi prochain. La surprise de la campagne, c'est le FLN version Benflis. On le disait mort, enterré, on le croyait toujours fermé, dogmatique, on le disait sans destin et sans avenir... et puis voilà. Voilà quoi? Un relooking de fond et de forme. Le changement touche d'abord Ali Benflis. L'homme aux costumes d'enseignant, aux lunettes sévères et à la coupe de père de famille conformiste, a cédé le pays à un politique qui s'habille avec recherche, qui a changé de monture de lunettes et de coupe de cheveux: nous avons à l'arrivée un homme mûr qui est dans l'air du temps, un homme d'ouverture et de dialogue. Le comportement gestuel a aussi changé: ce n'est plus la gestuelle rapide et tranchante du cacique austère et un peu terne du FLN, mais des variations de mains très amples en même temps qu'elles sont déterminées. Ce Benflis, très stylisé, n'est pas un faux Benflis, c'est un nouveau dirigeant qui incarne un nouveau parti pour une nouvelle Algérie. Cette nouvelle image de Benflis est appuyée par un discours qui sonne vrai. Même s'il n'y a rien de novateur dans son projet, même si les thèmes centraux sont proches de ceux du RND, le fait que Ali Benflis s'inscrive dans le territoire du no bullshit - celui de la franchise - en reconnaissant que le FLN s'est trompé et qu'aujourd'hui il est en train de faire sa mue démocratique, tout cela a comme capitalisation d'images beaucoup de points forts: modestie, autocritique, proximité, franchise... ce qui manque à ce new FLN, c'est un concept porteur et unificateur symbolisé par une signature moderne et novatrice. Alors le FLN est-il bien parti? L'avenir le dira. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'est plus le même parti.