«Ce pan historique reste très mal connu. Il n' y a pas que les Français qui nous ont colonisés. Les Espagnols aussi. Côté acteur, nous avons reçu l'accord de principe de Nour Chérif», confiera Mina Chouikh, productrice de ce film. C'est dans la belle villa Abdelatif de style mauresque, qu'a eu lieu, jeudi dernier, le premier tour de manivelle du nouveau film du réalisateur Mohamed Chouikh, intitulé L'Andalou. Présenté dans un cadre de convivialité en présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui a tenu à tenir le clap, cette cérémonie a drainé une foule de personnalités des arts et des médias. L'Andalou, long métrage de deux heures, est une fresque historique tissée autour de la vie d'un dignitaire andalou entre Grenade et le Maghreb à la fin du XVe siècle, époque marquant la fin de la présence arabo-mauresque en Espagne et une étape finale de la Reconquista. Salim, le personnage principal, fils d'Abû Hamza, juriste musulman, et de Maria Rodriguez, une catholique, est proche de la cour de Boabdil, dernier roi musulman de Grenade. Il quitte Malaga pour Grenade où il achève ses études. Il devient le plus jeune secrétaire de la reine Aïcha, mère de Boabdil. Après la chute de Grenade, il s'exile avec sa famille et celle de son ami Ishac, tailleur juif à Andarach où il vivra dans la pauvreté. Il refuse, par la suite, de suivre le prince dans son exil au Maroc. Et pour cause, Boabdil venait de livrer son royaume aux rois chrétiens de la Reconquista, préférant ainsi la capitulation honteuse à la résistance devant l'ennemi. Avec Ishac, il rejoint les côtes algériennes sur une barque de fortune. Après son naufrage, il est recueilli et engagé par un émir puissant comme secrétaire confidentiel de ses trois filles. Il devient son grand intendant et épouse la princesse Mansourah dont il était amoureux. La Reconquista le rattrape à Oran et bouleverse le royaume fragile qui devient le vassal de la Couronne d'Espagne. Maîtrisant les langues ibériques, il devient l'interprète et l'ami du commandant Martin d'Argottei. Parmi ses multiples fonctions, il est aussi l'allié ou le confident des princes antagonistes et intercède dans les conflits fratricides. Il est au coeur des événements qui vont bouleverser le Maghreb: la Reconquista espagnole et l'arrivée des Turcs. Il fait plusieurs voyages à Malaga où réside sa tante Isabelle. Au cours de ces bouleversements, il est soutenu par son admirable épouse, la princesse Mansourah. Le film, dont le scénario et les dialogues sont signés du même réalisateur, est adapté d'un ancien livre écrit pat Mohamed Chouikh qui a nécessité une longue recherche documentaire. Outre l'Algérie (Alger, Oran, Tlemcen, Ténès, Mostaganem, Dahra), les scènes du film seront tournées à partir de 2009 au Maroc (Fès), en Tunisie (scènes de galions), et en Espagne (Malaga, l'Alhambra). Le tout devant être bouclé en 4 mois. Aux côtés d'acteurs algériens, le réalisateur a engagé des comédiens espagnols et des pays arabes. Selon sa fiche technique, L'Andalou est produit par l'Entv, en association avec des producteurs privés (Acima films et l'espagnol Aralan films) avec des dialogues en arabe classique et en langue espagnole. Jeudi, nous avons eu un aperçu lors du lancement du tournage avec les comédiens Bahia Rachedi, Sid Ali Kouiret et Tarek Hadj Abdelahafid. «L'histoire de l'Algérie est importante. Ce pan reste très mal connu. Il n'y a pas que les Français qui nous ont colonisés. Les Espagnols aussi. Nous allons débuter le tournage l'an prochain. Nous allons tourner dans pas mal de palais en Algérie, à titre gracieux. Cela va alléger notre budget. Côté acteur, nous avons reçu l'accord de principe de Nour Chérif», confiera Mina Chouikh. Ainsi, après Douar Nssa, réalisé en 2005, revoilà de nouveau Mohamed Chouikh, prêt pour de nouvelles prouesses cinématographiques. Mohamed Chouikh est l'auteur de plusieurs films. La Citadelle, plusieurs fois primé, Youcef ou l'Arche du Désert lui ont valu une reconnaissance internationale. L'Andalou, note-t-on a bénéficié du soutien du ministère de la Culture, dans le cadre de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007», l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc), le Centre national de la cinématographie algérienne et l'Office national des droits d'auteurs. Et malgré le retard enregistré - pour des raisons de santé - pour délivrer ce produit qui, rappelons-le, entre dans le cadre des oeuvres avalisées par le commissariat de «Alger, capitale de la culture arabe», le film se fera bel et bien «On pardonne tout aux grands cinéastes!», dira avec bonhomie, Abdelkrim Aït Oumeziane, directeur du CNC algérien. Né en 1943 à Mostaganem, Mohamed Chouikh, très jeune, fait partie des Scouts musulmans algériens dans sa ville natale, puis à onze ans il rejoint la troupe théâtrale de Ould Abderahmane Kaki. Vers la fin des années 50, il joue dans une série de pièces de théâtre filmées du même dramaturge dont la Cabane. Le filet. Cette série est filmée par l'Ortf. En 1962, après la proclamation de l'Indépendance, il joue dans la pièce Cent trente-deux ans écrite et mise en scène par Kaki. Ce fut la première pièce que présentera le Théâtre national algérien. En 1965, il joue dans l'une des premières grandes réalisations algériennes: L'Aube des damnés de René Vautier et Ahmed Rachedi et interprète, en 1966, le rôle de Lakhdar dans Le Vent des Aurès de Lakhdar Hamina qui reçut le Prix de la première oeuvre à Cannes. Le film de Michel Drach, Elise ou la vraie vie, d'après le roman de Claire Etcherelli, le révèle au public français (sélection officielle à Cannes). Jusqu'en 1970, Mohamed Chouikh se consacre essentiellement à sa carrière d'acteur au théâtre et au cinéma. A partir de 1972, il participe à différents tournages et réalise ses premiers films. En 1998 et jusqu'en 2003, il organise le Festival international de la jeunesse de Timimoun. Et même si ce dernier n'existe plus aujourd'hui, l'aventure du cinéma continue...