Des enquêtes seront menées notamment dans le secteur de l'immobilier et celui du foncier où ces «hommes de loi» agissent en toute impunité. Le crime financier a toujours un jalon d'avance par rapport aux lois et règlements. Le blanchiment d'argent, reconnu comme un fléau planétaire, donne du fil à retordre au gouvernement algérien. En plus du secteur bancaire, l'immobilier et le foncier sont également pointés du doigt par Abdelmadjid Amghar, président de la Cellule de traitement du renseignement financier(Ctrf). Pour l'«invité de la rédaction» de la Chaîne III de la Radio nationale, l'équation est très simple: «Vous n'avez qu'à remarquer, en dix années, le niveau de la flambée des prix de l'immobilier et du foncier. Cela se vérifie sur le terrain.» Les acteurs ne jouent pas le jeu. Ils continuent à vivre et à s'enrichir dans l'illégalité. «Il s'agit des notaires, des avocats d'affaires, ceux qui aident certains particuliers à réaliser des transactions commerciales et des agents immobiliers», précise M.Amghar. Ces «hommes de loi», exploitent leur statut à des fins lucratives au détriment de l'article 19 qui les oblige à déclarer des opérations qui leur semblent douteuses. «A partir du moment où on ne sait pas ce qui se passe, cela constitue un espace de blanchiment par excellence», a-t-il enchaîné. Une attention particulière sera accordée aux transactions immobilières. Abdelmadjid Amghar fera part de l'intention de la cellule qu'il préside de proposer d'intégrer un volet lié au blanchiment d'argent dans le projet de loi relatif à l'habitat et l'urbanisme. Des enquêtes seront engagées dans le secteur de l'immobilier. Ces enquêtes se baseront sur les informations collectées auprès des institutions et organismes assujettis aux termes de l'article 19 de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent. Il s'agit, en fait, des banques et établissements financiers, des douanes, des assurances, des commissaires aux comptes, des notaires, des avocats, des agents immobiliers, des transitaires et des impôts. Cependant, il y a lieu de souligner la problématique relative à l'exigence des agents immobiliers de transmettre les informations à la cellule présidée justement par Abdelmadjid Amghar, d'autant que ces agences immobilières agissent, pour la majorité, dans la clandestinité. Quant aux avocats, ils estiment que leur métier consiste à défendre leurs mandants et non à les dénoncer. Il ressort, de ce fait, des déclarations de M.Amghar l'«inapplicabilité» des mesures prises pour combattre la corruption, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Interrogé pour savoir si les signes extérieurs de richesse sont considérés comme des opérations de blanchiment et mènent inévitablement au soupçon, M.Amghar répond sans détour: «Ces signes extérieurs sont combattus par la direction générale des impôts ou des douanes.» Plus précis, il explique: «Un signe extérieur de richesse ne peut pas être fatalement un fait de blanchiment d'argent ou de corruption. Il peut mener au soupçon, mais ne constitue pas la règle.» En outre, il devient difficile de lutter contre le blanchiment d'argent lorsqu'on sait que le décret définissant le seuil applicable aux paiements devant être effectués par les circuits bancaires et financiers à 50.000DA a été abrogé avant même d'être mis à exécution sous prétexte que son application est quasiment impossible. Sur ce point, le président de la Ctrf dira que le ministère des Finances prépare actuellement un nouveau décret. A la différence du texte abrogé, ce décret prévoit «l'obligation de l'usage du chèque pour les paiements dont le montant-plancher oscille entre 500.000 DA et 1 million de dinars au lieu du montant-seuil de 50.000DA prévu par le texte abrogé», indique M.Amghar. L'application de ce projet s'opérera «de manière progressive selon l'organisation des marchés tels que ceux de gros (légumes, bétail...) et en fonction également du renforcement du réseau bancaire dans les régions éloignées afin d'assurer davantage de proximité géographique entre les lieux des activités commerciales et les agences bancaires pour les règlements des chèques». A une question d'ordre juridique, M.Amghar précise que le nombre des affaires soumises à la justice est de 138. «Cependant, 2 déclarations se sont avérées finalement fondées, à savoir celles liées au fonds algéro-koweïtien Faki. C'est une affaire avec deux ramifications et qui a porté un préjudice à l'économie nationale de l'ordre de 7,8 millions d'euros», argumente l'invité de la Radio. Et de révéler que les systèmes et outils de lutte contre le blanchiment d'argent en Algérie, seront entièrement évalués à partir de janvier 2009. La période d'évaluation s'étendra entre 6 et 7 mois. Il est à noter, par ailleurs, que l'Algérie est membre fondateur du groupe d'Action financière du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord «Gafi». Une équipe de ce groupe sera à Alger au début de janvier prochain.