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Le recours aux opérations commerciales pour le blanchiment d'argent
Une nouvelle tendance
Publié dans El Watan le 10 - 04 - 2006

Le blanchiment des capitaux d'origine criminelle et la délinquance financière n'ont cessé d'augmenter ces dernières années en tirant parti de la mondialisation financière et en utilisant les failles dans le dispositif de lutte international, dues aux juridictions présentes dans les pays à faible réglementation anti-blanchiment, aux obstacles dressés par les paradis financiers, à la non-tenue de la déclaration de soupçons de la part d'entreprises commerciales et aux rigidités et lourdeurs de la coopération judiciaire internationale en matière pénale.
En raison du caractère clandestin du blanchiment de l'argent, le montant total des fonds qui passent par le cycle du blanchiment peut être difficilement évalué. On peut seulement estimer l'ampleur annuelle du blanchiment aux environs 150 à 200 milliards de dollars, en se basant sur le chiffre généralement admis d'un produit mondial du crime de plus 1000 milliards de dollars environ. Ces chiffres reflètent le fait non contesté que la plus grande partie des profits issus des infractions est immédiatement consommée et ne donne pas lieu à blanchiment. La source principale des fonds blanchis provient du trafic des drogues, qui représente environ 50 à 80% de l'économie du blanchiment selon les pays. A côté des autres infractions génératrices de profits élevés, comme le proxénétisme ou le trafic d'armes, certaines nouvelles formes de crime organisé (trafic d'êtres humains, piratage et contrefaçon, racket des entreprises, fraudes aux subventions de l'Union européenne) prennent une part de plus en plus grande dans l'économie du blanchiment (le cas spécifique de la fraude fiscale étant laissé à part). Or le crime organisé disposant d'une telle masse d'argent est en mesure d'infiltrer des institutions financières, d'entamer l'intégrité du système financier international, d'acquérir ou de contrôler des secteurs entiers de l'économie et de corrompre des agents publics, voire même déstabiliser des gouvernements. La Suisse, modèle de stabilité économique et démocratique, avait été secouée par un scandale politique lié au trafic de drogue colombien. C'est pourquoi la lutte contre le blanchiment de capitaux s'organise au niveau international, européen et national dans le cadre d'une action concertée entre les Etats, action qui s'est doublée, après les événements du 11 septembre 2001, d'une volonté de lutte contre le terrorisme et son financement. La communauté internationale (1) a pris conscience de cette menace que faisaient peser les organisations criminelles et les organisations terroristes sur les systèmes financiers internationaux et a mis en place des dispositifs de lutte contre le blanchiment de l'argent. L'évolution du dispositif anti-blanchiment a rendu plus difficile la pénétration dans l'espace financier mondial des capitaux résultant d'activités criminelles. Le renforcement du rôle du système financier et bancaire et le développement de la coopération internationale ont privé les blanchisseurs des accès traditionnels au secteur financier et les ont obligés à renouveler constamment les méthodes leur permettant de recycler les produits du crime. Comme beaucoup de centres financiers du monde entier ont désormais pris des mesures destinées à prévenir et détecter le blanchiment d'argent dans le système financier, les blanchisseurs ont désormais plus de difficultés (bien que cela reste possible dans un certain nombre de pays) de réaliser des opérations entraînant des mouvements de capitaux plus facilement détectables dans le système bancaire. Ils évitent maintenant d'infiltrer de l'argent liquide au sein des institutions financières bancaires et non bancaires (assurances, marchés boursiers, bureaux de change), qui ont depuis été aussi soumises aux mêmes obligations que le secteur bancaire et tentent d'utiliser le secteur commercial permettant de transférer des fonds à travers d'échanges commerciaux, non visés par la réglementation anti-blanchiment. On constate que les pratiques du blanchiment se déplacent du secteur financier vers le secteur commercial, espace non régulé. Elles se traduisent par l'utilisation de transactions commerciales, ici comme moyen de blanchiment en achetant des marchandises en argent liquide, en général des articles d'écoulement facile tels que les téléphones portables, alcool, cigarettes, là comme moyen de paiement en troquant des cargaisons de drogues ou d'armes directement contre des marchandises, qui sont alors revendues par des sociétés de façade. Avant d'aborder plus en détail le volet des tendances nouvelles du blanchiment, il est essentiel de s'arrêter sur les notions de techniques du blanchiment et de décrire brièvement le dispositif de lutte contre blanchiment mis en place par la communauté internationale.
Les techniques du blanchiment d'argent sont sans cesse renouvelées
Dans l'économie mondiale d'aujourd'hui, la criminalité transnationale organisée tire d'énormes masses d'argent que leurs trafics génèrent et s'empresse de les blanchir de manière à pouvoir les utiliser sans se faire découvrir. Après avoir intégré les sommes d'argent liquide dans le système financier, les criminels exploitent les potentialités fournies par la mondialisation financière en transférant rapidement les fonds d'un pays à un autre. Les progrès de l'information, l'ensemble des nouvelles technologies et de la communication appliqués aux opérations financières permettent de transférer des fonds en n'importe quel point du globe, en se jouant des mesures de contrôles instituées par les Etats. L'existence de pays sans législation anti-blanchiment ou à fort taux de corruption facilite encore ce processus. Le blanchiment de l'argent est un processus par lequel des fonds provenant d'activités illégales des criminels sont transférés dans des instruments de placement légaux ou convertis en d'autres biens dans le but de dissimuler l'origine illicite des profits financiers afin que ces derniers puissent être utilisés en toute impunité par leur détenteur. C'est un processus en trois étapes qui impose premièrement, de rompre tout lien direct entre les tonds et le délit dont ils proviennent ; deuxièmement, de brouiller la piste pour déjouer toute poursuite ; et, troisièmement, de mettre de nouveau l'argent à la disposition des criminels une fois que la manière dont il a été acquis et son origine géographique ne peuvent plus être décelées et mettre enfin ces fonds à l'abri d'une éventuelle confiscation. Les techniques de blanchiment sont extrêmement variées : certaines sont simplissimes et ancestrales, mais toujours prisées comme l'achat et le stockage d'or ou l'achat de devises étrangères ; d'autres font appel aux techniques d'ingénierie financière les plus sophistiquées. Dans la première étape, celle du placement, l'argent liquide intègre le système financier : des dépôts ou achats d'instruments monétaires (chèques de voyage, devises étrangères, bons au porteur) sont effectués dans les établissements financiers des pays à faible infrastructure, à corruption endémique et qui n'offrent pas les mêmes mécanismes d'alertes et de contrôle que ceux en vigueur dans les pays occidentaux. Cette étape est la plus vulnérable pour les blanchisseurs, car les dépôts de grosses sommes en numéraire sont plus facilement détectables et la preuve de leur origine illégale plus aisément apportée par les enquêteurs. Dans la deuxième étape, celle de l'empilage, les fonds vont migrer à travers une série de transactions financières successives vers les paradis bancaires et fiscaux offrant un cadre juridique empêchant toute identification de l'origine de fonds. La panoplie des techniques financières et juridiques offertes dans certains centres financiers offshore est très large pour couper définitivement le lien apparent entre le crime, les produits du crime et les criminels sociétés écrans, trusts, comptes de passage, banques offshore, etc. Ce sont les grands centres financiers offshore, parmi lesquels on compte, en autres, le Liechtenstein, Chypre, Panama, les îles Caïmans, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, les îles anglo-saxonnes de la Manche, Gibraltar, Monaco ou les îles vierges britanniques. Dans la troisième étape du blanchiment, celle de l'intégration, les fonds blanchis sont réinjectés dans l'économie légale des places financières traditionnelles avec l'apparence d'une origine légitime. A ce stade, la preuve de l'illégalité des fonds devient quasiment impossible à démontrer si les deux opérations précédentes ont été bien menées. Cette ultime phase du blanchiment permet aux organisations criminelles de s'emparer parfois de secteurs entiers de l'économie de pays mal protégés, ou d'investir dans des secteurs économiques à fort ratio de paiement en liquide (restaurants, casinos, hôtels par exemple) qui vont à leurs tours devenir autant de « machines à blanchir » où les revenus de l'activité économique vont pouvoir se mêler dans l'anonymat à ceux de l'activité criminelle. Le recyclage des capitaux blanchis, qui dépend beaucoup de l'ingéniosité des financiers spécialisés à qui il est fait recours, peut prendre diverses formes et utiliser des techniques sophistiquées et sans cesse renouvelées. Les techniques du blanchiment dépendent encore des montants concernés, mais aussi de la sociologie et du mode de fonctionnement économique des organisations criminelles. L'activité des puissantes organisations criminelles peut avoir des conséquences politiques, économiques, sociales et financières catastrophiques. Le fait de soustraire chaque année des milliards de dollars aux activités économiques normales constitue un danger réel à un moment où le degré de santé financière de chaque pays affecte la stabilité du marché mondial. Le blanchiment de l'argent et la délinquance financière sapent les efforts menés au niveau international pour instituer des marchés libres et compétitifs et entravent le développement des économies nationales. Il fausse aussi le fonctionnement des marchés et peut entamer l'intégrité des institutions financières d'un pays en modifiant la demande en numéraire, en rendant instables les taux d'intérêt et de change, en engendrant une concurrence déloyale et en aggravant considérablement l''inflation dans les pays où des éléments criminels font leurs affaires. Il porte enfin atteinte à la crédibilité et donc à la stabilité des marchés financiers : si une banque s'effondre par suite des activités des organisations criminelles, l'ensemble du système financier d'un pays, voire d'une région entière, peut en souffrir par contagion. La communauté internationale a pris conscience de cette menace et a mis en place des mesures internationales de lutte contre le blanchiment de capitaux.
Le dispositif de lutte contre le blanchiment établi par la communauté internationale
La lutte anti-blanchiment de l'argent au niveau international est l'expression d'une stratégie visant à s'attaquer au pouvoir économique des organisations criminelles afin de les affaiblir en les empêchant de jouir des produits de leurs activités criminelles. Cette lutte a pour fin aussi d'enrayer les effets néfastes de l'économie criminelle sur les rouages de l'économie légale en générale et les activités commerciales et financières légitimes en particulier. La Convention des Nations Unies de 1988 contre le Trafic Illicite de Stupéfiants et de Substances Psychotropes, premier instrument juridique international à prendre en compte cette nouvelle stratégie, exprime dans son préambule la prise de conscience par les Etats que « le trafic illicite est la source de gains financiers et de fortunes importantes qui permettent aux organisations criminelles transnationales de pénétrer, contaminer et corrompre les structures de î' Etat, les activités commerciales et financières légitimes et la société à tous les niveaux ». Les auteurs de la Convention ajoutent la communauté internationale est désormais « résolue à priver ceux qui se livrent au trafic illicite du fruit de leurs activités criminelles et à supprimer ainsi leur principal mobile ». Très rapidement, la communauté internationale a étendu son dispositif de la lutte contre le blanchiment dans son plan d' action adopté lors de la Conférence ministérielle mondiale sur la criminalité qui s'est tenue à Naples en 1994 et a réaffirmé sa détermination a « s'assurer que la lutte contre la criminalité transnationale organisée se fonde sur de stratégies visant à vaincre le pouvoir économique des organisations criminelles ». De nouvelles normes internationales, en particulier la Convention de Palerme contre la criminalité transnationale organisée de décembre 2000 et la Convention contre la corruption d' octobre 2003, ont pris en compte les dernières évolutions du phénomène du blanchiment pour renforcer cet arsenal juridique international. Au même moment, les stratégies de lutte contre le blanchiment de l'argent ont été dessinées au sein d'autres enceintes comme le Groupe d'Action Financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) qui a été créé en 1989 au Sommet de l'Arche par les gouvernants des grands pays industrialisés communément appelés G7 pour recommander des actions destinées à optimiser la lutte contre le blanchiment. En avril 1990, le GAFI remettait au G7 (G8 depuis l'admission de la Russie en 1998 ) un rapport édictant 40 recommandations visant à l'amélioration des systèmes juridiques nationaux, le renforcement du rôle du système financier et le renforcement de la coopération. En octobre 2001, le GAFI a étendu sa mission au-delà de la lutte contre le blanchiment de capitaux pour inclure la lutte contre le financement du terrorisme et adopté huit recommandations spéciales et une neuvième en octobre 2004. Le GAFI, qui comprend aujourd'hui 33 membres et dont le mandat a été renouvelé pour les huit prochaines années pour assurer la mise en oeuvre des recommandations au sein des pays membres, procède à une évaluation systématique des mesures mises en place dans ses Etats membres et de leur efficacité réelle. Les 40 recommandations, qui ont été depuis actualisées en 1996 et étendues en juin 2003, sont désormais une référence dans le domaine des standards internationaux de lutte contre le blanchiment. Le Conseil de l'Europe a adopté le 8 novembre 1990 la première convention internationale relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, qui a été complètement refondue dans une nouvelle convention adoptée le 16 mai 2005 à Varsovie. La Commission européenne a pour sa part édicté trois directives, la Directive No 91/308/CEE du 10 juin 1991, modifiée par la Directive 2001/97/CE du 4 décembre 2001 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux, lesquelles ont été refondues dans une troisième directive, la Directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et, de financement du terrorisme. De gros efforts ont été déployés par la communauté internationale pour prévenir l'utilisation abusive des systèmes financiers internationaux et réprimer le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme en établissant des mesures spécifiques à prendre par les institutions financières. De fait, la lutte contre le blanchiment s'est s'appuyée sur les institutions financières et les entreprises et professions non financières et les banques avec une place exclusive. Et celles-ci se sont retrouvées au coeur du dispositif de prévention et détection du blanchiment de l'argent. Des mesures législatives en matière bancaire et financière ont été ainsi précisées et complétées dans plusieurs domaines, en vue notamment de renforcer les obligations actuelles d'identification des clients et les étendre, le cas échéant, aux personnes faisant appel à un prête-nom ou à une société écran. Les institutions financières ont été spécialement invitées à apporter une attention particulière à toutes les opérations complexes ou inhabituelles importantes et à tous les types inhabituels de transactions, lorsque celles-ci n'ont pas de causes économiques ou licites apparentes. Elles ont été appelées aussi à accroître leur collaboration avec les autorités compétentes, afin de détecter plus efficacement les opérations mettant en jeu des capitaux d'origine criminelle, notamment en levant le secret bancaire pour permettre la communication à ces autorités des soupçons apparus dans les transactions financières et de définir des règles applicables aux relations financières avec les “paradis” réglementaires qui offrent, par essence, d'importantes possibilités de blanchiment. Le champ d'application de ces mesures a été étendu aux entreprises et professions non financières, telles les casinos, les agents immobiliers, les négociants en métaux précieux et pierres précieuses, les professions juridiques indépendantes lorsqu'elles agissent dans le cadre d'activités déterminées, les commissaires aux comptes et les experts-comptables externes, les trusts et les constructions juridiques similaires. Les efforts de lutte déployés ont visé â empêcher l'argent sale de pénétrer les systèmes bancaires et financiers, et â créer des mécanismes d'alerte au sein des banques et des institutions financières. Les banques et les institutions financières sont donc en première ligne dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et contre le financement du terrorisme. Les criminels ont besoin de blanchir l'argent illégalement obtenu et cherchent à utilise les failles et les maillons faibles du dispositif de lutte international. Pour ce faire ils développent des méthodes de plus en plus sophistiquées pour empêcher toute identification de l'origine des profits du crime.
L'évolution des pratiques de blanchiment et son glissement hors du secteur financier
L'évolution des techniques du blanchiment d'argent démontre que les organisations criminelles exploitent systématiquement les lacunes des systèmes internes et s'adaptent presque immédiatement aux contre-mesures instituées. La méthode de blanchiment qui est la plus simple, est liée â la manipulation d'argent liquide. En effet, la majorité des revenus des criminels est constituée d'espèces. Et dans le but d'éviter le passage obligé de l'argent sale par les banques, les blanchisseurs contournent' les systèmes financiers évolués en faisant p'asser en contrebande l'argent liquide issu de l'activité criminelle, souvent par les mêmes moyens qui ont servi â faire la contrebande de la drogue (containers, avions, etc.), vers une juridiction â faible réglementation anti-blanchiment ou les paradis fiscaux ; l'argent est déposé sur un compte bancaire avant de revenir dans les pays de collecte et de subir d'autres étapes du blanchiment sans que les banques destinataires ne puissent en déceler l'origine, les transferts électroniques en provenance de banques étrangères ne comportant pas d'informations permettant de déterminer l'origine des fonds ou le bénéficiaire réel de la transaction. Cette technique permet aussi de délocaliser les fonds illicites par rapport au lieu de commission des infractions génératrices de ces fonds. Le cas de figure classique a longtemps été celui de l'avocat “spécialisé” agissant au nom de clients en s'abritant derrière le secret professionnel des mandataires. Les dépôts sont souvent faits au nom d'une société, l'identité des propriétaires véritables restant dissimulée. Ceux qui disposent de la signature pour la société ou qui reçoivent des paiements ne savent pas nécessairement, ni le nom des propriétaires, ni l'origine des fonds. Aujourd'hui, dans le cas du blanchiment aussi bien que des fraudes fiscales, l'instrument central est la société écran offshore. Dans certains pays, des réseaux financiers informels ou parallèles, appelés remises de fonds alternatives ou systèmes bancaires souterrains se sont développés et permettent aussi le mouvement transfrontalier des capitaux criminels en dehors du système réglementé. Il peut s'agir, selon les régions, des mécanismes suivants : Hawala, hundi, fel-chien, black market peso Exchange. Dans ces systèmes, qui sont fortement implantés en Asie du Sud (Pakistan, Inde), Asie du Sud-Est (Chine) et de l'Amérique latine (Mexique), les fonds sont remis â un intermédiaire qui donne pour instruction â son correspondant dans le pays de destination-de remettre une somme équivalente au destinataire de l'opération. L'argent n'a plus besoin de circuler physiquement, un véritable réseau bancaire parallèle est étant institué, qui ne laisse jamais la moindre trace écrite. Ces mécanismes de transferts informels de fonds sont traditionnellement utilisés par les membres des communautés expatriées qui souhaitent rapatrier des fonds dans leur pays d'origine pour soutenir leurs familles sans exposer les frais parfois exorbitants des transferts internationaux de fonds. Mais ils sont aussi un formidable vecteur du blanchiment et plus encore du financement du terrorisme, en ce qu'ils échappent â tout contrôle et ne laissent aucune preuve des transferts. Parmi les secteurs â risque, on a noté l'utilisation grandissante du secteur de l'immobilier, où il reste courant, dans de nombreux pays, de payer en liquide des investissements parfois très lourds, l'immobilier constituant une valeur refuge. C'est particulièrement le cas dans les pays d'Europe centrale, â forte tradition de paiement en liquide, mais aussi dans les Caraïbes, voire de la Riviera française. La mafia russe a notamment fortement investi sur la côte méditerranéenne, en France, en Italie ou en Espagne, avec le concours de professionnels peu scrupuleux. Ces investissements contractés sous le couvert de sociétés civiles immobilières (SCI) ou de sociétés offshore, peuvent alors être revendus, et le produit de vente être placé sur le compte d'un bénéficiaire pouvant justifier de l'origine des dépôts au moyen du contrat de vente. Les activités économiques qui impliquent l'utilisation d'argent liquide sont également un vecteur non négligeable pour la première phase du blanchiment : le secteur du tourisme, les établissements de jeux ou tout simplement Les trafics de biens et services licites dans le cadre d'un marché illégal. Les investissements dans le secteur du tourisme (hôtels et restaurants) présentent un double avantage : non seulement l'investissement lui-même permet de blanchir de l'argent, mais il fonctionne comme une machine â blanchir. Les revenus de telles activités proviennent de paiements en liquide, et le propriétaire peut mélanger ces revenus avec de l'argent sale, qui apparaît comme une fourniture de biens ou de services légaux dans le cadre d'un marché et le revenu légal d'une activité commerciale. La déclaration au fisc de ces revenus complète le processus du blanchiment, l'administration fiscale qui les taxe donnant un cachet implicite d'une origine légale. Les investissements dans les sites de jeux ou casinos sont particulièrement attractifs pour les organisations criminelles. Comme il s'agit d'un domaine d'activités qui entraîne la manipulation d'importantes sommes d'argent liquide, ils peuvent être utilisés â des fins de blanchiment. Les techniques utilisées par les blanchisseurs sont multiples. L'industrie du jeu est particulièrement vulnérable, en raison tant de la sous-réglementation de ces activités dans certains pays, que de l'attirance traditionnelle pour ce secteur d'activité par les organisations criminelles. Certains des cas qui viennent d'être cités sont des exemples de méthodes traditionnelles de blanchiment. On a constaté aussi que les pratiques du blanchiment se déplacent du secteur financier vers le secteur économiques, plus particulièrement le secteur commercial qui permet des mouvements de fonds au travers d'échanges commerciaux non visés jusqu'alors par la réglementation anti-blanchiment. Dans le domaine des métaux et pierres précieuses par exemple, la plupart des achats de matière brute se font en espèces. Dès lors, il n'est pas surprenant que ce marché intéresse les criminels â la recherche de moyens de blanchiment. De tous les minerais, il semblerait cependant que ce soit l'or qui ait la faveur des blanchisseurs, du fait de ses caractéristiques. L'or est en effet un moyen d'échange universellement accepté et échangé sur la plupart des marchés mondiaux. Par ailleurs l'or est la seule matière première comparable â une monnaie et qui garde la faveur des blanchisseurs. Le commerce des oeuvres d'art, et en particulier celui des arts primitifs ainsi que des biens de luxe â forte valeur ajoutée, sont des alternatives très prisées par les blanchisseurs. Car ces biens proposent un double avantage : ils ont une valeur patrimoniale importante, et permettent de transformer l'argent liquide en des avoirs peu encombrants, non traçables et facilement monnayables, et ils peuvent être également utilisés comme moyen de paiement, évitant ainsi l'utilisation..de l'argent liquide qu'il faut soit stocker, soit convertir en passant par des institutions financières. La transaction criminelle devient alors une transaction non monétisée. Une autre technique connue sous la dénomination de " fourmis japonaises " consiste â acheter au détail à Paris ou à New York des'produits de luxe par de faux touristes munis d'argent liquide sale et les ramener ensuite dans leur pays d'origine. Ces produits sont ensuite revendus dans les boutiques de luxe â Tokyo. Cette méthode permet ainsi, principalement en Asie, l'intégration légale de revenus issus du trafic de stupéfiants et du racket. De ce fait ce schéma peut s'appliquer â tous les biens de consommation qui peuvent faire l'objet d'achat et de revente assez facilement. Récemment, on a vu des organisations, l'une russe payer une livraison de cocaïne en livrant des containers de vodka et l'autre ukrainienne payer aussi une livraison de cocaïne contre des caisses d'armes. Les équipements électroniques (téléphones portables en particulier), les appareils ménagers parfois, sont utilisés pour transférer de la valeur monétaire d'une organisation criminelle â l'autre sous le couvert d'une activité commerciale, par le biais de sociétés de façade. Les avantages sont multiples : les sociétés commerciales ne sont pas sujettes, comme les banques, â l'obligation de déclarer les transactions suspectes ou â vérifier l'identité de leurs clients. Elles peuvent recevoir des paiements en liquide sans avoir â le déclarer. Les transferts de bien ne sont pas soumis â des obligations de déclaration comme le sont de plus en plus les transferts de fonds hors frontière. Des fausses déclarations sur les manifestes ou sur les factures permettent de sous-évaluer la valeur des marchandises (et ainsi de transférer de la valeur sans compensation financière) ou de la surévaluer (et d'obtenir le paiement factice de sommes indues). Enfin, toujours par le biais de fausses factures ou de faux manifestes, elles permettent d'ajouter â l'opération de blanchiment une fraude sur la taxation des produits, elle-même source de profits.
Conclusion
Malgré toutes les initiatives et actions positives de la communauté internationale, la lutte contre le blanchiment rencontre des limites. Il est indéniable que des efforts ont été consentis pour détecter et identifier les transactions portant sur des fonds criminels et pour pouvoir effectuer des déclarations de soupçon de blanchiment notamment en levant le secret bancaire. Le nombre de poursuites pour blanchiment reste faible dans la plupart des Etats, surtout en comparaison s des dispositifs législatifs mis en oeuvre, et les confiscations des profits du crime forment un pourcentage très faible de cette économie, aux environs 500 millions de dollars selon les Nations unies, sur les 150 â 200 milliards de dollars blanchis chaque année. Dans ce contexte, de nombreux points faibles demeurent et le point le plus préoccupant est qu'il reste encore de nombreuses failles dans l'appareil de lutte internationale contre le blanchiment , les plus significatives étant celles du secteur commercial. Le secteur commercial, par l'ampleur de ses transactions internationales, offre d' immenses possibilités de fraude, des bénéfices considérables et un espace non réglementé. Les entreprises commerciales n'étant pas soumises aux règles prudentielles du secteur financier (identification des clients, déclaration de soupçon, obligation de vigilance) sont utilisées par les blanchisseurs pour infiltrer de l'argent liquide, effectuer des mouvements internationaux de capitaux (sous forme de marchandise), créer des activités de façade ou contourner les moyens de paiements traditionnels aujourd'hui traçables. La vulnérabilité du secteur commercial au blanchiment de l'argent est aujourd'hui avérée. Les entreprises commerciales peuvent être impliquées dans des opérations criminelles et devenir des victimes du blanchiment ou de leur propre négligence. L'absence d'obligations légales de vigilance pour les entreprises commerciales telles que celles en vigueur pour les institutions financières peut donner la fausse impression que le secteur commercial n'est pas soumis â une obligation de prudence. Les poursuites intentées par la Commission européenne devant la justice américaine. contre de fabricants de cigarettes est là pour apporter la preuve du contraire. Selon la Commission européenne, ces entreprises avaient vendu, en liquide, des livraisons de cigarettes â des opérateurs qui s'étaient avérés appartenir â des organisations criminelles. Ceux-ci, qui blanchissaient les produits de leurs crimes dans l'achat de cigarettes, revendaient celles-ci en contrebande, ajoutant à l'opération de blanchiment une fraude lucrative aux taxes sur le tabac. Le dispositif de prévention et de détection du blanchiment de î' argent mis en place depuis quelques années s' est focalisé sur la prévention de î' infiltration de l'argent liquide au sein du système bancaire. Certes, le système financier n'a plus une place exclusive et il n'est pas déraisonnable d'associer pleinement le secteur commercial dans la lutte contre le crime organisé dont les activités et professions peuvent se retrouver impliquées dans des opérations criminelles. Ce risque doit conduire les entreprises commerciales â faire preuve de vigilance accrue face â des transactions qui peuvent leur sembler suspectes et devenir un des maillons du processus anti-blanchiment
(*) Abdou Bendimerad a fait partie des dispositifs d'assistance juridique de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime et du Fonds monétaire international durant de nombreuses années, comme Conseiller en prévention du blanchiment de l'argent et du financement du terrorisme. Il est spécialisé dans les questions du blanchiment et financement du terrorisme dans les pays entre autres, de tradition juridique islamique du Moyen Orient, d'Asie et d'Afrique. Il est actuellement consultant indépendant.
(*) (*) Jean-François Thony, magistrat, est Assistant General Counsel du Fonds monétaire international* chargé des questions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il a été le responsable du programme mondial contre le blanchiment de l'argent des Nations Unies.
* Cet article n'exprime pas les vues du Fonds monétaire international. Les vues présentées dans cet article sont celles de leurs auteurs.
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Tendances mondiales des drogues 2001. Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues, Publications des Nations Unies, 2001, disponible sur le site .
Note de renvoi :
(1) Le terme de la « communauté internationale », souvent cité dans cet article, se réfère à la communauté des Etats telle qu'elle s'exprime dans des enceintes aussi diverses que l'Assemblée générale des Nations unies, le G8, l'Union européenne, les sommets de chefs d'Etats ou des enceintes plus spécialisées comme le GAFI, l'Organe international de contrôle des stupéfiants ou la Commission des stupéfiants des Nations unies, Interpol, etc.


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