Le Ghana vote demain pour élire un nouveau président après huit ans de pouvoir de John Kufuor, un test de maturité pour ce pays ouest-africain de 23 millions d'habitants qui a déjà réussi une transition démocratique en 2000 avec le départ en douceur du capitaine Jerry Rawlings. Quelque 12,8 millions d'électeurs sont appelés à départager sept candidats lors de la cinquième consultation depuis l'instauration en 1992 du multipartisme dans cette ex-colonie britannique, l'ancienne Gold Coast. Mais la vraie bataille est entre le Nouveau parti patriotique (NPP) au pouvoir depuis huit ans et le Congrès démocratique national (NDC) de Jerry Rawlings. Tout risque de se jouer entre deux juristes de 64 ans: Nana Akufo-Addo du même parti que Kufuor - qui, à 69 ans, tire sa révérence au terme de deux mandats comme le prévoit la constitution - et John Atta-Mills du NDC. Un troisième homme pourrait toutefois venir jouer les trublions: Papa Kwesi Nduom, un homme d'affaires de 55 ans qui représente le Parti de la convention du peuple (CPP). Le premier tour risque d'être serré selon plusieurs analystes politiques: la plupart s'accordent à dire qu'un second tour sera nécessaire le 28 décembre, comme en 2000, et que dans ce cas, le NPP en sortira probablement vainqueur. «C'est, en tout cas, une bonne occasion, en fait la première depuis 2000, de savoir si nous avons définitivement consolidé la démocratie», explique Kojo Asante, un politologue du Centre pour le développement démocratique (CDD), un ´´think thank´´ local. Pour lui, l'élection du 7 décembre sera «un moment-clé pour le Ghana et pour l'Afrique: on saura le 8 si la page des élections truquées peut être tournée» «Les dernières élections au Kenya et au Zimbabwe ont fait monter les enjeux pour notre pays. Tout le monde va nous regarder. C'est vraiment un test pour le Ghana», poursuit Kojo Asante. Pour les deux principaux partis en lice, qui ont exercé à tour de rôle le pouvoir pendant huit ans, c'est aussi une bonne occasion de comparer leurs bilans respectifs, à l'issue d'une campagne électorale dense. Quant à la Commission électorale, elle a essuyé de nombreuses critiques, notamment pour la façon dont elle a révisé les listes électorales, un exercice marqué par des violences et des soupçons de fraude. Et pourtant, peu prédisent de violence, au contraire. «Bien sûr il peut y avoir de l'intolérance mais la culture politique est ouverte dans ce pays», juge Yao Graham, directeur d'un centre d'analyse privé, le Third World Network. Bien noté par la communauté internationale, le Ghana jouit d'une presse assez libre et d'un pouvoir judiciaire indépendant, affirme le parti au pouvoir qui se targue d'avoir développé l'économie ces huit dernières années. Côté opposition, le NDC juge que ces gains supposés n'ont pas, en tout cas, profité à l'homme de la rue. «L'économie ghanéenne reste très fragile. Supprimez les aides extérieures et c'est comme si on vous amputait une jambe», affirme Yao Graham. Malgré une image flatteuse à l'étranger grâce au respect des droits civiques, à la liberté de la presse, et finalement à la transition réussie en douceur en 2000, il reste un point noir dans le bilan des deux mandats de John Kufuor: la corruption. «Il y a beaucoup de corruption», estime Yao Graham, qui s'appuie sur un récent sondage national: 75% des personnes interrogées parle d'un «problème grave». Même si, selon la Banque Mondiale, le Ghana est un des meilleurs élèves de la classe en Afrique, les détournements de fonds et l'impunité des élites demeurent préoccupants, encore plus maintenant que le Ghana se prend à rêver d'un avenir pétrolier après la découverte d'or noir au large de ses côtes en 2007.