Une grande leçon de démocratie dans un continent frappé par la tricherie électorale et des présidents à vie. Les premiers résultats officiels des présidentielles du Ghana ne devaient être connus que mercredi. Apparemment, il faudra un second tour pour remplacer le successeur de John Kufuor, qui se retire après huit ans au pouvoir. Au lendemain des deux élections, les présidentielles et les législatives, et en dépit de quelques accusations d'incidents très isolés, les satisfecit ont plu de tous bords. “C'est un sentiment très agréable de savoir que les Ghanéens ont pu voter pacifiquement pour choisir leurs futurs dirigeants”, ont déclaré les deux candidats qui devront s'affronter au second tour. Inédit en Afrique où les élections se terminent mal. Le scrutin a été “très pacifique et ordonné”, a déclaré de son côté le président de la Commission électorale nationale, une opinion partagée par la coalition d'observateurs des élections dont l'Union européenne, le Commonwealth, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et l'Organisation de la francophonie. Du baume au cœur que ces élections transparentes et sans contestations, un signal fort à l'Afrique où plusieurs scrutins ces derniers mois n'ont pas reflété le choix du peuple. Pour les scrutateurs, il est important pour le monde de voir qu'il y a des pays sur le continent africain où les élections peuvent être pacifiques. Après avoir voté, le président sortant Kufuor ne cachait pas non plus sa joie. “Je termine mes deux mandats sur une note positive. C'est à mon successeur de prendre le relais, et le Ghana sera un phare en Afrique et dans le monde.” Pour cette cinquième consultation depuis l'instauration du multipartisme en 1992, sept candidats étaient en lice, mais l'élection se jouera entre deux juristes de 64 ans : Nana Akufo-Addo, du parti au pouvoir le Nouveau parti patriotique (NPP), et John Atta-Mills, ancien vice-président du capitaine Jerry Rawlings, du Congrès démocratique national (NDC), lors du second tour prévu le 28 décembre. Rappelant que le Ghana a été l'un des premiers pays indépendants du continent, les observateurs étrangers estiment que l'exemple sera bon pour l'Afrique. Le Ghana est un îlot de quiétude et il n'y a qu'à regarder à ses frontières pour le mesurer. À l'est, le petit Togo végète dans la misère après la succession du dictateur profrançais Eyadéma. Il reste marqué par les centaines de morts de l'élection présidentielle de 2005 qui a installé au pouvoir son fils. À l'ouest, la Côte d'Ivoire, ancienne vitrine francophone, tente de sortir de la guerre civile, sous la direction d'un président, Laurent Gbagbo, dont le mandat a expiré voici trois ans. Plus loin, les sanglantes élections au Kenya et au Zimbabwe nourrissent d'autres cauchemars. Le géant nigérian n'est pas en reste : pays réputé pour ses élections violentes et truquées, la Cour suprême doit encore se prononcer sur la validité de l'élection présidentielle d'avril 2007. Etonnant Ghana où l'espérance de vie atteint 59 ans contre 47 en Côte d'Ivoire voisine, et où le taux de pauvreté est passé de 53% à 25% en quinze ans. Pourtant le pays n'a rien d'un pays modèle. La moitié de ses 23 millions habitants n'a pas accès à l'eau potable et 11% des enfants meurent avant l'âge de 5 ans. Sa croissance reste trop dépendante du prix des matières premières exportées sur le marché mondial — cacao et or — pour être durable. Le Ghana produira du pétrole offshore à partir de 2010 et les sirènes de la démocratie lui prédisent déjà la malédiction de l'or noir qui, du Nigeria au Tchad et au Soudan, transforme la manne pétrolière en rente, avec son cortège de corruption, de misère et de violence. D. Bouatta