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La longue marche du pétrole vers son juste prix
QUARANTE-HUIT ANS APRÈS
Publié dans L'Expression le 16 - 12 - 2008

Si l'Opep n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer tant cette organisation a largement et positivement contribué à la mutation du champ énergétique international jusqu'alors sous la coupe du cartel des multinationales.
Le pétrole n'a commencé à réellement prendre de l'importance qu'après la Seconde Guerre mondiale et directement induite par le développement des technologies où cette matière volatile avait plusieurs applications. Matière volatile, donc rare et non remplaçable. De fait, le pétrole est la source d'énergie hors normes, considéré comme une matière première exceptionnelle (il y a 70.000 types d'utilisation de pétrole et ses dérivés: carburant, lubrifiant, etc.). Le pétrole est donc une source de richesse inégalable, mais les pays producteurs de pétrole ne profitaient d'aucune manière de cette manne pétrolière pour leur propre développement puisqu'ils ne recevaient de la part des compagnies internationales que des miettes, des royalties peu en rapport avec ce que gagnent les multinationales. Celles-ci avaient le monopole de l'exploration, de la production, du transport et du raffinage du pétrole, activités sur lesquelles les pays producteurs n'avaient pas droit de regard.
En fait, dans les années 50-70, le pétrole était réellement gratuit pour les pays industriels qui en avaient largement bénéficié pour stimuler et asseoir un développement tous azimuts connaissant même un boom économique sans précédent, au moment où les pays propriétaires des richesses pétrolières demeuraient sous le joug du sous-développement. Une situation anormale à laquelle il fallait mettre un terme. En 1970, le prix du baril de pétrole tournait entre 1,5 et 2 dollars, dans le meilleur des cas. La fondation de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) répondait donc à un besoin urgent et est le résultat du fait que jusque dans les années 1970, les compagnies pétrolières avaient les pleins pouvoirs sur le cours du pétrole et imposaient leurs prix aux pays producteurs. C'est dans ce contexte que les pays producteurs ont pris la décision de retourner à leur profit cette manne énergétique en devenant les maîtres de leur production. La prise de contrôle de la production de pétrole se fit par une politique de nationalisations, laquelle ne fut mise en place que progressivement. En effet, si l'Opep a été créée le 14 septembre 1960 à Baghdad (par cinq pays: Arabie Saoudite, Irak, Iran, Koweït et Venezuela), il faut attendre le 24 février 1971 pour voir la première nationalisation du pétrole qui a été le fait du gouvernement algérien, qui prit le contrôle de 51% de la production, de l'exploration, du transport et du raffinage. A partir de cette époque, les principaux pays producteurs de pétrole vont prendre, peu à peu, le contrôle de leur matière première qu'est l'or noir. Le Cartel des multinationales du pétrole n'a, en vérité, jamais tenu compte de ce nouveau partenaire, faisant comme si l'Opep n'existait pas et décidait uniquement en fonction des intérêts des compagnies et de ceux des pays industrialisés. A la veille du premier choc pétrolier, en 1973, alors que le prix du baril de pétrole oscillait entre 2,5 et 3 dollars, le Cartel refusait d'augmenter de 50 cents (0,5 dollar) le prix du baril, estimant qu'une telle augmentation mettrait à mal l'équilibre de la production mondiale. Alors que les négociations entre l'Opep et les multinationales traînaient en longueur et qu'aucun accord n'était en vue, la guerre de Ramadhan (Octobre 1973) va totalement bouleverser la donne quand l'Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (Opaep) décida l'embargo pétrolier des pays soutenant Israël et mit immédiatement à exécution cette décision(du17 octobre 1973 au 18 mars 1974). En peu de jours, les prix du pétrole s'envolèrent, atteignant le prix «fantastique» de 9 dollars alors que quelques semaines plus tôt, le Cartel des multinationales estimait qu'il était impossible de répondre aux demandes des pays producteurs et d'augmenter les royalties de 50 cents.
En fait, durant de nombreuses décennies, le pétrole était la matière première la moins chère sur le marché mondial, mais, en revanche, a contribué à l'enrichissement des multinationales qui gagnaient - sur le dos des pays producteurs - des sommes fabuleuses et aux pays industriels d'asseoir leur hégémonie sur le monde. De fait, dès le début des années 1970 apparaissaient les signes d'essoufflement dans les économies des pays industrialisés, ce qui montre combien un pétrole bradé a pu donner au capitalisme de dominer le monde. Aussi, il faut relever que l'Opep a réussi à relever le prix du pétrole pendant de longues périodes contribuant à la stabilité de la production et des prix. Toutefois, d'autres paramètres sont intervenus qui ont fait que cette stabilité soit mise à rude contribution. Ainsi, en est-il du premier «choc pétrolier» qui a rapidement plongé l'économie mondiale dans la récession en 1974 et le monde dans la crise économique. En fait, le monde assista à un bras de fer inédit entre deux cartels aux objectifs diamétralement opposés, alors que l'économie mondiale connaîtra de profondes mutations avec la fin de deux grands modèles économiques: l'économie planifiée et le «fordisme». De fait, au moment où l'Europe et l'Amérique du Nord font face à la crise économique, de nouvelles forces économiques émergent en Asie et dans l'aire Pacifique, bouleversant quelque peu la géographie économique traditionnelle. Cette situation s'accentuera davantage avec le «deuxième choc pétrolier» induit par la Révolution islamiste en Iran. Une donne qui allait peser durablement sur la production et la fluctuation des prix du pétrole.
Ce qui est à relever, est qu'à la création de l'Opep, ses fondateurs ne voyaient pas aussi loin dès lors que leur but était de faire en sorte que leur pétrole soit mieux rémunéré et de «coordonner et unifier les politiques pétrolières pour garantir la stabilité des prix» (selon un extrait des statuts de l'organisation, publiés en janvier 1961, à la Conférence de Caracas, au Venezuela).
Si l'augmentation du prix du baril en 1973 a été de 160% et celle de 1979 de 108%, elle est de 196% depuis 2002 (attaques contre les tours jumelles de New York, guerre d'Afghanistan - octobre 2001 -, envahissement de l'Irak -mars 2003-) et se justifie autant par des événements politiques que par une demande qui, souvent, excédait l'offre. Aussi, l'une des priorités de l'Opep, dès sa création, avait été de réguler la production et partant, les prix du baril et cela par un effort coordonné des pays membres de l'Organisation. Ce qui n'était pas, en fait, toujours évident. Et puis l'apparition sur le marché, de grands pays producteurs hors Opep, avait quelque peu remis en question la nécessaire stabilité de la production pour le maintien d'un prix du baril de pétrole acceptable et satisfaisant pour tous. Ainsi, si les pays membres de l'Opep possèdent environ 78,4% des réserves estimées de pétrole et fournissent 43% de la production mondiale de pétrole brut, la part des producteurs hors Opep est quasiment égale. Si bien que le «cartel anti-cartel», tel que se définissait à sa création l'Opep, n'est plus réellement maître de la production mondiale quand les pays non-membres de l'organisation, ne sont pas dans l'obligation de suivre ses recommandations.
Parmi ces pays producteurs de pétrole, dont certains sont exportateurs nets, on peut citer le Canada, le Soudan, le Mexique, la Grande- Bretagne, la Norvège, les Etats-Unis, la Russie et Oman. Par ailleurs, d'autres paramètres, comme la spéculation, entrent en ligne de compte et faussent les calculs de l'Organisation des pays producteurs de pétrole.
De fait, le prix du baril de pétrole qui a atteint en juillet le pic inédit de 147 dollars, n'a pas d'explication rationnelle, comme n'en a pas de même la chute drastique qu'a connue, depuis septembre, le prix du baril de pétrole. Cette dégringolade est tellement peu explicable que la réduction de 1,5 million de barils décidée le 24 octobre à Vienne par l'Opep, n'a eu aucun effet sur les prix qui ont poursuivi leur effondrement. C'est même l'une des causes de la convocation du Sommet extraordinaire de l'Opep à Oran ce mercredi lors duquel l'organisation va décider d'une nouvelle réduction qui pourrait, sans doute, aller jusqu'à 2 millions de barils, sinon plus.
En tout état de cause, il est fort plausible, si la situation perdure, que soit convoqué, à partir d'Oran, un sommet extraordinaire des Etats membres de l'Opep. Des Etats producteurs (Russie, Azerbaïdjan, Syrie et Oman) non-membres de cette organisation, seront d'ailleurs présents, demain, dans la capitale de l'Ouest, pour participer à ce sommet extraordinaire. C'est, en fait, le troisième à se tenir en Algérie, après les deux Sommets d'Alger, dont celui de 1975, qui a vu la réconciliation de l'Irak et de l'Iran, lorsque le défunt président Boumediene a réuni les défunts président irakien Saddam Hussein et le Shah d'Iran, Mohamed Reza Pahlavi, parvenant à apurer leur contentieux frontalier par la signature de «l'Accord d'Alger». Un fait d'histoire qui méritait d'être signalé d'autant qu'il eut lieu en marge d'un autre Sommet de l'Opep consacré à la production et au juste prix du pétrole.


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