Le pôle islamiste est-il en train de changer de chef de file ? C'est la question que les observateurs politiques se posent, en voyant l'avancée politique et médiatique du leader du mouvement Islah, Abdallah Djaballah au détriment d'un Nahnah, usé, fatigué et surtout lâché par le pouvoir qui ne croit plus à son assise politique. Ce constat est de plus en plus visible ces derniers temps où le cheikh Djaballah occupe les devants de la scène politique et apparaît à tous les grands événements de la politique nationale. Il a été le représentant de parti qui est resté le plus de temps avec le Président de la République - plus de deux heures - lors des réunions de concertation avec les partis politiques sur les élections. Djaballah s'est fait remarquer aussi en assistant au discours du Président de la République sur la Kabylie. Une réunion à laquelle n'a pas assisté le leader du MSP Mahfoud Nahnah, donnant comme motif d'absence, une fatigue due à sa maladie, alors qu'il organisera un meeting quelques jours plus tard pour dénoncer la décision de constitutionnaliser tamazight la considérant comme une fitna, alors que Djaballah était beaucoup plus mesuré dans ses propos, se déclarant d'accord pour la constitutionnalisation de la langue amazighe à condition que les caractères soient arabes. Le chef du mouvement Islah s'est surtout illustré dans une émission de la télévision nationale, au moment où on déclarait que le discours intégriste n'était pas admis à l'Entv. L'avancée de Djaballah sur le terrain de Nahnah était perceptible quand l'assurance lui aurait été donnée par le pouvoir d'avoir un quota important de sièges dans la prochaine Assemblée, alors que le MSP est en perpétuelle perte de vitesse. En effet, après avoir obtenu la deuxième place aux législatives de 97 et surtout sept portefeuilles ministériels, le MSP a décidé de soutenir, contre l'avis de sa base, le candidat du consensus, alors que le quota de portefeuilles ministériels était revu à la baisse, puisque seulement trois ministres MSP sont actuellement au gouvernement Benflis. D'ailleurs, le leader du mouvement, Mahfoud Nahnah, a toujours revendiqué plus de postes au niveau de l'Etat, comme il n'a pas du tout apprécié, la perte du poste de membre de l'APN au Conseil constitutionnel donné au RND. Cette perte de vitesse du MSP est due essentiellement à la politique suivie par le mouvement depuis les législatives souvent basée sur une accointance avec le pouvoir condamné par une base islamiste à l'affût des compromis. En définitive, le MSP a perdu le soutien de la rue, qui avait fait de lui un parti islamiste modéré et surtout craint par le pouvoir et la classe politique. Aujourd'hui, une nouvelle donne est survenue et qui favoriserait le nouveau chef du pôle islamiste Abdallah Djaballah. El-Islah tire surtout sa force de sa capacité de surmonter les crises. En 1999, alors que le majliss echouri s'est mis derrière son rival au mouvement Ennahda Adami, pour aller soutenir le candidat du consensus, Djaballah est sorti seul du «Nadi d'El moudjahid» gardant sa dignité et surtout donnant la promesse qu'il allait se présenter à la présidentielle. Pari tenu, car en l'espace de six mois, Djaballah a réussi à créer un parti, ralliant à sa cause l'ensemble de la base solide d'Ennahda provoquant une hémorragie importante dans les rangs du parti d'Adami, prouvant qu'il était un leader respecté au sein de la base islamiste restée «en rade» après la dissolution du FIS. Dans les quartiers de Bachdjarah et d'El-Harrach, considérés comme le fief des islamistes radicaux, certains résidus du parti dissous croient en la représentativité de Djaballah, présenté comme un jeune homme pieux et fidèle à ses convictions qui a acquis avec le temps et le travail sur terrain une certaine maturité politique. Djaballah, depuis son retrait de la présidentielle, est entré dans une opposition mesurée, évitant à chaque fois de croiser le fer avec le pouvoir, préférant tenir un discours critique et objectif, mais surtout travailler politiquement à long terme plutôt que de subir le sort de son allié affiché le Wafa. L'ancien prédicateur de la ville des Fraises, Skikda, qui se prépare activement aux législatives, ne cache pas son ambition de devenir le chef de file de la mouvance islamiste et pourquoi pas la première force politique du pays. Ce rôle devait échoir à Abdelkader Hachani, dont d'ailleurs Djaballah a toujours été le compagnon dans la daawa.