«Ghaza est sur le point de devenir le premier territoire à être délibérément réduit à un état de misère sordide, à la connaissance, avec l'acquiescement et -certains diraient- l'encouragement de la communauté internationale». Karen Koenig, directrice de l'Unrwa, l'Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens Un coup de tonnerre dans un ciel serein! C'est ainsi que l'on pourrait qualifier l'adhésion formelle d'Israël à l'Union européenne. Connaissant le lobbying israélien, connaissant la force de ses intellectuels dispersés (diaspora) à travers le monde et principalement l'Europe et les Etats-Unis, nous n'avons pas à nous étonner de cette décision d'Européens qui reconnaissent Israël comme l'un des leurs pour ne pas dire de leur famille judéo-chrétienne malgré des laïcités de façade. «Là bas - en Palestine (ndlr)- nous établirons un mur contre la barbarie» promettait Theodore Herzl aux Européens pour l'établissement d'un foyer juif devenu par la suite un Etat théocratique sans que cela n'effarouche ceux qui se piquent de laïcité. Il n'est pas étonnant dans ces conditions d'entendre Tzipi Livni parler de «déporter» les Arabes israéliens dans le futur Etat palestinien qui doit aussi recevoir les Palestiniens de la Diaspora. Déjà en juin dernier, le député européen dénonçait les tractations de l'ombre: La deuxième raison écrit-il, tient à «l´obsession de la spécificité d´Israël». Une de plus! La participation d´Israël à cette Union ne doit pas cacher la singularité des relations d´Israël avec l´Union européenne. En un mot comme en mille, Israël demande à être considéré comme un Etat Européen délocalisé. (..) Il apparaît que des négociations secrètes sont en cours depuis un an entre l´Union européenne et les dirigeants de l´Etat d´Israël. J´ajoute que l´on apprend que la demande israélienne en question date...du 5 mars de l´année dernière, qu´un «groupe de réflexion» s´est réuni sur le sujet le...4 juin 2007. Et tout cela sans que la moindre information n´en ait été donnée à la représentation parlementaire de l´Union!(1) Un nouveau pas De même, Jean-Paul Le Marec dénonçait le sort qui était fait aux Palestiniens ainsi que le statut que l'Union européenne comptait conférer à Israël. Ecoutons le: «Un nouveau pas serait en train d'être franchi, en secret, par Israël concernant son statut au sein de l'UE. Jean-Paul Le Marec, qui rappelle qu'en janvier dernier, le gouvernement français a signé avec Israël un accord de reconnaissance mutuelle qui permettra aux sociétés israéliennes d'intégrer la Bourse française sans avoir été soumises aux vérifications de régulateurs, explique les enjeux sur le site de Rouge Midi. Plus de six ans après, la situation s'est considérablement aggravée dans la région; les Palestiniens subissent le blocus, une répression de plus en plus violente, des atteintes permanentes aux libertés fondamentales de se déplacer, d'étudier, de se soigner, sans oublier la construction du "mur de la honte" et la poursuite de la colonisation.» (...) De retour de Ghaza, le prix Nobel de la paix sud-africain, Mgr Desmond Tutu, qui conduisait une mission du Conseil des Nations unies pour les droits de l'homme, a décrit «une situation abominable à Ghaza». Il a déploré «le silence et la complicité de la communauté internationale» face à cette situation. L'avocate et universitaire britannique, Christine Chinkin, qui faisait partie de cette mission, a estimé qu'Israël pourrait être tenu responsable d'un «crime de guerre» pour ce drame et «peut-être d'un crime contre l'humanité». (...) Au lieu de jouer un rôle positif pour essayer de débloquer le processus de paix, au lieu de condamner et de sanctionner l'Etat israélien qui poursuit sa politique de colonisation et de répression et refuse de respecter ses obligations à l'égard du droit international, la Commission européenne le récompense et renforce sa coopération. La Commission célèbre à sa façon le 60e anniversaire de l'occupation de la Palestine par Israël qui a entraîné l'exil de plus de 800.000 Palestiniens (Naqba)! Ce qui devait arriver arriva! Alain Gresh parle d'une capitulation de l'Europe. Une sorte de nouveau Munich. Ecoutons-le: «Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont adopté, les 8 et 9 décembre 2008, un texte intitulé "Council Conclusions Strengthening of the EU bilateral relations with its Mediterranean partners - upgrade with Israel". Sous l'impulsion de la présidence française, le principe de rehausser les relations entre Israël et l'Union européenne a été accepté. Déjà, avant la tenue du sommet méditerranéen, Paris avait essayé de faire adopter cette mesure, mais avait dû reculer devant la levée de boucliers de certains régimes arabes, notamment l'Egypte. Ce texte a été adopté après de nombreuses discussions. La première version présentée par la France faisait la part belle à Israël et a suscité des réserves chez certains des partenaires - notamment le Royaume-Uni et la Belgique - qui ont demandé un "rééquilibrage" du texte. Un comble, quand on pense qu'il y a quelques années encore, la France était accusée d'être pro-arabe».(3) «Notons aussi que ce texte a été entériné le jour même où l'expert de l'ONU sur les droits humains dans les territoires palestiniens, Richard Falk, demandait la mise en oeuvre de la norme reconnue de la ´´responsabilité de protéger´´ une population civile punie collectivement par des politiques qui s'assimilent à un crime contre l'humanité». Dans le même sens, ajoutait-il, «il semble que c'est le mandat de la Cour pénale internationale d'enquêter sur la situation, et de déterminer si les dirigeants politiques israéliens et les chefs militaires responsables du siège de Ghaza doivent être inculpés et poursuivis pour violations du droit pénal international». «Une longue annexe comprend les lignes directrices pour renforcer les structures du dialogue politique avec Israël. D'abord, la tenue régulière de réunions des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne et d'Israël, un privilège qui n'était accordé jusque-là qu'à quelques grands Etats, Chine, Russie, Inde, etc. L'invitation régulière de responsables du ministère des Affaires étrangères israélien aux comité pour la politique et la sécurité de l'Union. Inviter aussi plus systématiquement des experts israéliens dans les comités travaillant notamment sur le processus de paix, les droits humains, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, etc. Des experts israéliens pourront ainsi participer à des missions extérieures de l'Union, que ce soit en Afrique ou ailleurs». Ces décisions de l'Union européenne ont été vivement critiquées par l'Autorité palestinienne et par l'Egypte. Dans un article de Haaretz du 9 décembre, «EU votes to upgrade Israel relations despite Arab lobbying», Barak Ravid rapporte que la semaine précédente, «la ministre des Affaires étrangères israélienne Tzipi Livni s'est rendue à Bruxelles pour faire son propre lobbying auprès des ministres des Affaires étrangères, et en premier lieu de Bernard Kouchner. A un moment de la rencontre, elle a demandé à le voir en tête à tête et à ce que les autres sortent de la salle. Durant cette conversation, les deux sont tombés d'accord sur le fait qu'il n'y aurait pas de ´´lien´´ (linkage) (entre le rehaussement des relations UE-Israël et les négociations de paix), mais que l'Union européenne publierait une déclaration séparée appelant à la poursuite de conversations de paix sur le statut final». Ces Arabes qui protestent, on sait et les Européens savent qu'ils ne pèsent pas lourd. Quand on apprend l'appréciation de Nicolas Sarkozy s'adressant à Topolanek au futur président de l'Union Européenne à propos des Arabes: «(..) Merci, je suis heureux que nous parlions franchement et clairement. La présidence pour l'Union de la Méditerranée n'est pas un cadeau. (...) Tu n'as pas idée de ce que c'est que de traiter avec le Liban, l'Egypte et l'Algérie. Des centaines d'heures. C'est affreux.(...) J'ai porté l'Union pour la Méditerranée. L'Egypte devrait présider deux ans et le Nord devrait avoir deux présidences différentes: l'UE et l'Union pour la Méditerranée. (..) J'ai déjà acquis pas mal de choses. Mais au moins ils sont moins nombreux là-bas. Mais au Sud? Le président Algérien Bouteflika, le Tunisien, le roi du Maroc, la Libye, Israël. Un travail fou!»(4) Comment comprendre les protestations de l'Egypte quand elle vend son gaz à un prix 9 fois moins cher que celui du marché à Israël, alors que dans le même temps Ghaza est privé de carburant, d'électricité et que les hôpitaux sont devenus des mouroirs? Le très tolérant roitelet d'Arabie Saoudite paye des centaines de millions de dollars US à une compagnie qui participe au tracé du tramway de Jérusalem, au mépris du droit international. Urgence! Dans le même temps, le Conseil des droits de l'homme de l'Onu (CDH) a exhorté Israël mardi 9 décembre à prendre une centaine de mesures allant de la levée de son blocus de Ghaza à la libération de prisonniers arabes. Le CDH, qui regroupe 47 Etats, a adopté une liste de 99 recommandations par consensus après deux jours de discussions consacrées à Israël sous l'angle des droits de l'homme. Dans le cadre d'un examen périodique, la situation sur ce plan des Etats membres de l'Onu fait l'objet d'un bilan tous les quatre ans. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté mardi 9 décembre, un rapport qui accuse Israël d'infliger «des tortures physiques et mentales à des prisonniers arabes». «Selon Richard Falk, un effort urgent devrait être mis en oeuvre par les Nations unies pour appliquer la norme de la 'responsabilité de protéger' une population civile soumise à une punition collective équivalent à un crime contre l'humanité. Le Rapporteur spécial a estimé que la CPI devrait enquêter sur cette situation afin de déterminer si les dirigeants civils et militaires israéliens, responsables du siège de Ghaza, ne devraient pas être inculpés et poursuivis pour violation du droit pénal international.» Dans le même temps aussi, les Etats-Unis dotent l´Etat israélien d´un système de détection de missiles de la dernière génération, ces installations seront placées dans le désert du Néguev et surveilleront, en fait, toute la région. L'allégeance du candidat Obama proclamant Jérusalem capitale d'Israël inquiète plus que l'alignement viscéral de Hilary Clinton sur la politique israélienne. Pourtant même en Israël la politique israélienne vis-à-vis des Palestiniens ne fait pas l'unanimité. En 1969, le diplomate légendaire d'Israël, Abba Eban, prévenait qu'un retrait des territoires occupés par son pays en juin 1967 serait un retour aux «frontières d'Auschwitz». Ce que voulait dire Eban en comparant Israël à ce camp de la mort nazi, le plus connu et le plus emblématique, est clair, il disait que les Arabes en général, et les Palestiniens en particulier, étaient des nazis, tout autant capables et désireux d'exterminer les Juifs qu'Hitler. A Hébron, pourtant, ce sont bien les colons israéliens, protégés par l'armée israélienne, qui peignent souvent sur les maisons palestiniennes des menaces telles que «Les Arabes dans les chambres à gaz». Le défunt ministre de la Justice, Tommy Lapid, du gouvernement d'Ariel Sharon, avait provoqué un tollé en 2004 en déclarant que l'image d'une vieille femme palestinienne de Ghaza, «à quatre pattes, en train de chercher ses médicaments dans les ruines de sa maison» démolie par l'armée israélienne lui avait rappelé sa propre grand-mère qui avait péri à Auschwitz. Lapid comparait le marquage de numéros sur les armes de l'armée israélienne et sur les fronts des prisonniers palestiniens à la pratique nazie de tatouer les détenus dans les camps de concentration. «En tant que réfugié de l'Holocauste, je trouve de tels actes insupportables» a-t-il déclaré en 2002. (..) Seulement, ce raisonnement reste valable à partir du moment où l'Etat tiers ne dispose pas d'un pouvoir d'influence trop important au sein de l'UE (Cela a déjà été le cas au niveau de la politique énergétique de l'UE. (..) L'ambassadeur du Nicaragua, Miguel d'Escoto Brockmann, a récemment comparé le siège israélien de Ghaza à «un apartheid d'une époque révolue». (..) D'Escoto Brockmann a rappelé que les sanctions avaient aidé à mettre fin à l'apartheid en Afrique du Sud, ajoutant: «Aujourd'hui, peut-être que nous, aux Nations unies, devrions envisager de suivre l'attitude d'une nouvelle génération de la société civile qui appelle à une campagne non-violente similaire.» Cette campagne de boycott, de désinvestissements et de sanctions est déjà en cours et remporte de nouvelles victoires chaque semaine. Elle se renforcera, inversement proportionnellement à la complicité des gouvernements du monde, quelles que soient les justifications qu'Israël pourra avancer pour ses crimes toujours croissants.(5) En définitive, la question est de savoir comment Israël parvient à avoir une telle capacité d'influence au sein de l'Union européenne? Comment arrive-t-elle à convaincre le Conseil de l'Union européenne alors qu'elle ne parvient pas à convaincre le Parlement européen? En d'autres termes, comment arrive-t-elle à établir une confiance plus profonde avec les exécutifs qu'avec les parlementaires européens (émanation plus directe de la volonté populaire européenne)? Peut-être que l'imaginaire européen est tétanisé à vie par le complexe de l'holocauste dont parle Aba Eban. Le silence assourdissant des médias européens concernant la non-ingérence humanitaire à Ghaza- notamment de Bernard Kouchner si prompt à prendre son sac de riz en d'autres temps et autres lieux est à corréler avec un autre silence et pour cause cette information capitale d'admission par effraction d'Israël au sein de l'Union européenne. Pendant ce temps, on offre une Union pour la Méditerranée au rabais en demandant aux pays du Sud de s'étriper pour avoir les miettes: coprésidence, secrétariat, projets sans lendemain...Pour une fois El Gueddafi a vu juste en disant que nous ne sommes pas des chiens à qui on peut jeter «des os» du secrétariat...C'est en fait le 28e Etat de l'Union européenne à 6000km beaucoup mieux considéré que la Turquie voisine mais indésirable. (*) Ecole nationale polytechnique 1.F.Wurtz: Lettre à MM.Sarkozy, Barroso et Solana, Négociations secrètes UE/Israël. 13/06/08 2.Jean-Paul Le Marec: Israël en passe d'obtenir un «statut spécial» Publié le 13-06-2008 http://www.europalestine.com/spip.php? article3257 3.Alain Gresh: L'Union européenne capitule devant Israël: le Monde Diplomatique 10 décembre 2008, 4.Sarkozy, les Tchèques, Merkel et les Arabes: le document intégral Rue89: 07/12/2008 5.Ali Abunimah. Les frontières d'Auschwitz d'Israël revisitées The Electronic Intifada 11/12/2008.