Un fait sans précédent s'est passé mercredi dans l'auguste enceinte de l'ONU qui a vu les pays occidentaux «déserter» le Conseil de sécurité. Emmenés par le représentant de la France au Conseil de sécurité, sept pays occidentaux, parmi lesquels les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, ont ostensiblement quitté, dans la soirée de mercredi, le Conseil de sécurité où un débat se déroulait autour de la situation à Ghaza. Une telle sortie est considérée comme une première dans les annales du Conseil de sécurité quand une partie de ses membres a abandonné les lieux. Le motif? Protester contre les déclarations de l'ambassadeur adjoint de Libye, qui a comparé la bande de Ghaza à un camp de concentration de l'époque nazie. Selon un diplomate occidental, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, le représentant libyen, Giadalla Ettalhi, «a comparé la situation à Ghaza à celle des camps de concentration» nazis durant la Seconde Guerre mondiale. La comparaison est-elle outrée lorsque l'on sait que les Palestiniens de la bande de Ghaza se trouvent en vérité dans une prison à ciel ouvert? La population de Ghaza ne peut ni sortir, ni entrer, ni circuler dans ce territoire totalement sous l'emprise d'Israël qui impose un contrôle aérien, maritime et terrestre absolu faisant effectivement de la bande de Ghaza un camp de concentration. Si, évidemment, les mots ont encore un sens dès lors qu'il s'agit d'Israël placé par l'Occident sur un piédestal, qui met de fait l'Etat hébreu hors normes et hors du droit international. La réaction impulsive des pays occidentaux en dit long sur leur aveuglement quand Israël est en cause. La réunion consacrée à la situation dans la bande de Ghaza a été convoquée à la demande de plusieurs délégations, conscientes que la situation dans ce territoire, menacé par une tragédie humanitaire, est sérieuse. Peut-on discuter de la situation dramatique à Ghaza sans, dans le même temps, en situer les causes? Or, outre les contraintes d'un contrôle absolu du territoire, Israël a mis la bande de Ghaza sous blocus depuis le 17 janvier, mettant en péril la vie de 1,5 million de personnes. C'est ce qu'a voulu dire l'ambassadeur libyen dont les propos ont provoqué une levée de boucliers parmi des pays qui semblent ignorer la réalité de la tragédie qui est celle des Palestiniens. S'exprimant jeudi, devant la presse, l'ambassadeur adjoint de la Libye à l'ONU a réitéré que la situation à Ghaza était «pire» que dans les camps de concentration nazis. «C'est plus que ce qui s'est passé dans les camps de concentration parce qu'il y a les bombardements, les bombes chaque jour à Ghaza», a indiqué le diplomate libyen Ibrahim Dabbashi. La réaction, à la limite du théâtral, des pays occidentaux, peut-elle pour autant absoudre Israël de sa responsabilité des drames que vit le peuple palestinien depuis une quarantaine d'années? Il faut être réellement aveugle pour ne pas admettre que la situation dans la bande de Ghaza, outre dangereuse, est dramatique pour un peuple réduit à vivre de l'aumône de la communauté internationale et des Nations unies. Justement, les représentants des Nations unies tiraient hier la sonnette d'alarme. Ainsi, l'ONU mettait en garde contre «les conséquences négatives de la pénurie» dans la bande de Ghaza sur le processus de paix, après que l'Unrwa s'est vue mise dans l'obligation d'interrompre ses fournitures de nourriture à 650.000 personnes de la bande de Ghaza. «Quand les gens sont affamés, en colère, cela ne sert ni les intérêts de la paix ni les intérêts d'Israël en matière de sécurité», a déclaré Chris Gunness, un porte-parole de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). «Si cela se poursuit, il y aura des conséquences très négatives et profondes sur la vie et l'existence des Palestiniens à Ghaza qui dépendent énormément des aides de l'Unrwa», a confirmé de son côté Adnane Abou Hasna, le porte-parole de l'Agence à Ghaza. La réalité est celle-là: une population enfermée dans ce qui est devenu une gigantesque prison à ciel ouvert. Une prison qui, en l'occurrence, est un véritable camp de concentration.