La lutte antitabac et la mise en place d'un plan national de lutte contre le cancer constituent pour le Dr Ameur Soltane, président de la société algérienne d'oncologie thoracique (Saot), les priorités nationales afin de réduire le nombre de cas de cancers en Algérie. L'Expression: Pourquoi un plan anticancer? Ameur Soltane: Un plan anticancer, ce sont des objectifs, des échéances et des étapes. L'objectif essentiel de ce plan est la lutte contre le cancer et la réduction, par conséquent, du taux de mortalité et de morbidité cancéreuse. Mais également l'amélioration de la qualité de vie des patients atteints de cancer. Cela induit la mise en oeuvre systématique et équitable de stratégies de prévention, de détection précoce, de diagnostic, de traitement et de soins palliatifs Vous insistez sur les réunions de concertation pluridisciplinaire. Expliquez-nous la démarche? La prise en charge des patients porteurs d'affections cancéreuses est pluridisciplinaire. Si nous prenons l'exemple du cancer bronchique, l'intervention de plusieurs spécialistes dans diverses disciplines (pneumologue, chirurgien, chimiothérapeute, oncologue médical, radiologue, radiothérapeute...) est nécessaire. La concertation devient donc indispensable, notamment dans la récolte d'informations médicales liées au patient. Cela permettrait de se mettre d'accord sur les types de traitement, les protocoles à suivre et la durée des médications. Depuis peu est apparue une organisation en staffs au niveau des structures sanitaires mais cela reste une décision et une organisation «spontanée» n'obéissant pas à des règles précises, contrairement aux pays où la multidisciplinarité est institutionnalisée. Avec l'avènement des programmes de lutte contre le cancer, nous nous sommes rendus compte qu'il fallait donner une assise juridique et réglementaire à ces organisations pour les rendre opposables, notamment par l'élaboration de référentiels. Le fait de légaliser et de légitimer ces organisations, dénommées RCP (réunions de concertation pluridisciplinaire) offre au patient le droit de consulter toutes les possibilités thérapeutiques dans son cas ainsi que les risques et les avantages de tout essai clinique. Il est donc impératif de développer des RCP dans tous les centres anti-cancer (CAC). Comment voyez-vous le développement des soins intensifs? Autre combat de la Saot, le développement d'une stratégie palliative pour la prise en charge du malade. Pour qu'on cesse de dire à un enfant cancéreux «souffre et soit un homme», il faut songer à développer les soins palliatifs et de proximité. De ce fait, la contribution des institutions, de la société civile et des associations est primordiale. Leur implication dans l'accompagnement des cancéreux, se fera en prodiguant des soins palliatifs appropriés pour atténuer leur souffrance et leur éviter de mourir dans la misère. Sans parler du soutien psychologique. Ces soins concerneront le traitement de la douleur et toutes les autres complications occasionnées par le cancer. Dans les cancers du poumon, 7 à 8 patients meurent durant la période de rémission, soit avant 5 ans. Une statistique enregistrée dans les pays avancés, où la prise en charge est des plus fiables et équitables. En Algérie, les chiffres seraient plus importants. Quels sont les moyens de lutte antitabac? Le tabagisme constitue une épidémie en pleine expansion en Algérie. A l'origine d'un grand nombre de cancers, ses effets «pervers» n'apparaissent qu'au bout d'une trentaine d'années. Le cancer du poumon constitue l'une des principales causes de mortalité chez l'homme dans notre pays. Il est intimement lié au tabagisme. On compte entre 2500 et 3500 nouveaux cas de cancer du poumon chaque année. Des chiffres qui restent tout de même «relatifs». Dans dix cas de cancer, neuf surviennent chez un fumeur. Le programme antitabac établi par l'Etat est adapté, mais la société civile n'est pas au rendez- vous. Les industries du tabac sont dirigées vers les jeunes, d'où la nécessité de renforcer les moyens de lutte contre la tabagie. La sensibilisation et l'information doivent toucher, en premier lieu, les parents. Faut-il rappeler que le tabagisme est aux portes de nos écoles et «on fume de plus en plus jeune». Il n'y a pas de traitement miracle contre le tabagisme. La volonté et les thérapeutiques comportementales peuvent freiner cette tendance. L'Algérie a ratifié la convention-cadre de lutte antitabac de l'OMS, mais on s'interroge sur les personnalités algériennes qui nous représentent dans le cadre des négociations qui sont en cours entre les 162 pays signataires.