Ils suivent dans le menu détail les rebondissements de la guerre à Ghaza et se sentent touchés dans leur amour-propre. Condamnation, indignation, dénonciation, consternation, humiliation et désarroi. Ce sont là quelques sentiments qui envahissent l'esprit des Algériens qui suivent action par action ce qui se passe en Palestine. Les termes qu'ils utilisent pour décrire les massacres israéliens à Ghaza diffèrent mais la finalité reste la même: inhumanisme des sionistes. Ainsi, barbares, sauvages, insensés, criminels, lâches...sont entre autres les qualificatifs utilisés pour désigner les Israéliens. Au-delà du discours et des manifestations des officiels, comment les Algériens vivent-ils cette agression, qu'en pensent-ils...? En cette matinée, les rues de la capitale grouillent de monde et chacun vaque à ses occupations. Mais les interpeller sur ce qu'endurent les Ghazaouis en ces moments de crise, c'est un peu réveiller en eux un esprit guerrier depuis longtemps refoulé. Ainsi, ce que disent les officiels tout haut dans des salles closes, les citoyens, eux, le pensent et l'expriment tous bas avec des mots simples, fluides et lisibles qui ne demandent aucune lecture entre les lignes. «Dormir sur des images inhumaines et se réveiller sur les mêmes images, c'est vraiment agressant et révoltant», a dit Farid, un citoyen accosté rue Didouche Mourad. Ne trouvant pas le moyen de s'exprimer, ces gens s'en prennent aux responsables algériens et aux criminels sionistes. Notre interlocuteur a vu, de ses propres yeux, comment les forces de l'ordre ont empêché, avant-hier, la marche des étudiants et a assisté, impuissant, dit-il, à la timide présence de citoyens au sit-in du Palais du peuple, auquel ont appelé quatre partis politiques et la Centrale syndicale. Il a tenu à dénoncer l'attitude des pouvoirs publics interdisant aux citoyens de «cracher leur rage» face à ce qu'endurent les Palestiniens. «C'est inadmissible ça!», s'emporte-t-il en faisant allusion à l'incapacité de mobilisation de ces partis qui ont montré leurs limites. Le meeting auquel ont appelé le FLN, le RND, le MSP, le PT et l'Ugta dimanche au Palais du peuple, n'a pas drainé beaucoup de monde. Abordé sur ses sentiments face aux massacres israéliens à Ghaza, Fateh, un autre citoyen rencontré au niveau de la Grande Poste, n'a pas mâché ses mots. «Un sentiment de rage extraordinaire me prend. J'ai envie d'exterminer ces parasites qui représentent la faillite du monde», a-t-il lâché avec hargne. Frottant sa barbe qui peine à pousser, il ajoutera: «Depuis le début des opérations militaires israéliennes à Ghaza, ma haine pour eux ne fait que grandir et je vis ça comme une sorte de provocation à l'encontre de tous les musulmans, qui appelle vengeance.» Le même état d'esprit est partagé par des milliers de citoyens algériens. Aussi, pour cette majorité silencieuse qui condamne fermement ces actes mais qui ne trouve ni où ni comment assouvir sa rage, la situation est aussi dramatique que catastrophique. Saliha, étudiante en interprétariat, croisée au niveau de la rue Hassiba-Benbouali, s'en prend plutôt aux protecteurs du sionisme «galopant». «Ce qui m'enrage le plus, c'est le refus de Bush d'un cessez-le-feu qui ne servira pas Israël et la complicité des dirigeants arabes qui nous empêchent même de manifester», a-t-elle pesté. «Comment avoir le goût de vivre quand nos lendemains sont incertains», s'est-elle inquiétée sur le sort des Palestiniens qui subissent ce «cauchemar». «C'est bizarre, surtout quand on pense aux problèmes d'un pays qui nous hante», a-t-elle ajouté. C'est une manière à elle de dire que les deux causes palestinienne et algérienne nous interpellent au même titre. Au moment où ces lignes sont rédigées, un rassemblement des étudiants avait lieu au Palais du peuple à Alger. Pendant ce temps, l'horreur continue à Ghaza.