Une soixantaine de boeufs et une douzaine de moutons ont été sacrifiés en cette occasion. La célébration de «Achoura», ou «Taâchourt», comme on l'appelle dans les villages de Kabylie, résiste encore. En dépit de toutes les mutations que subit la société, les populations restent attachées aux différents rituels caractérisant cette fête. Le 10e jour du premier mois de l'année hégirienne, les villages de la profonde Kabylie, à l'instar des autres localités du pays, se mettent de la partie. Mais, comme à chaque région son mode de fête, en Kabylie, la manière de célébrer «Achoura», est une particularité. Si dans certains villages, les familles improvisent des banquets familiaux, dans d'autres villages la célébration se fait en communauté, «Thimechret». À Bouira, «Thimechret» défie le temps moderne. La tradition est bien ancrée. Ni le temps ni les générations ne l'ont affectée. Le village de Raffour, situé dans la commune de M'chedallah, à une quarantaine de kilomètres à l'est de Bouira, donne l'exemple d'un village solidaire. Il incarne la vertu de l'authenticité qu'il perpétue à travers les années. A chaque fête de «Achoura», le comité de village, (Tajmaât Iwaqquren), organise «Thimechret». «Cela fait des années que nous organisons cette tradition, nos grands-pères racontent que Timechrat a toujours existé dans notre village. Achoura est fêtée chaque année», dit un jeune du village. Pour cette année, ce même village, fidèle à cette tradition, n'a pas été en marge. A la veille de Achoura, tous les habitants, après avoir collecté toutes les cotisations pour l'achat des boeufs et les moutons, se sont mis au travail. Un travail qui consiste à égorger le cheptel bovin et ovin, et ensuite couper et répartir les morceaux de viande en des rations équitables. Pour ce faire, les jeunes du village se mettent aussi au travail. Ce sont eux qui se chargent des tâches nécessaires, sous le regard de leurs aînés, qui supervisent l'opération depuis le début. Et pour permettre à plus de 11.000 âmes vivant dans ce village, d'avoir leur part de viande et aussi de fêter, dans le bonheur «Achoura», les deux associations du village avaient acheté une soixantaine de boeufs et une douzaine de moutons. Histoire de prouver leur attachement à la tradition qu'il faut à tout prix préserver. Et pour que la fête soit belle, les sages de ce village d'Iwaqquren, ont invité les autorités locales. A l'occasion, le wali de Bouira, ainsi que tous les hauts responsables locaux avaient sillonné les rues du village, entourés de dizaines d'enfants. La localité de Raffour semble plus que jamais en pleine fête. Par ailleurs, le village de Raffour donne l'image d'une localité jalouse de ses traditions. Une manière d'exprimer sa solidarité avec les membres de la communauté, et surtout, d'éterniser les bonnes actions visant à offrir à tout un chacun, aux plus démunis surtout, une autre chance de se sentir en sécurité et de s'accrocher encore plus à la vie.