Plus de sept ans après le début de l'intervention américaine et la chute des taliban, et malgré des milliards de dollars d'aide, l'Afghanistan reste plus que jamais un Etat fragile, otage de sa propre violence, et un vrai casse-tête pour la nouvelle administration Obama. L'afflux de l'aide internationale a permis quelques améliorations, notamment en matière d'éducation, de santé et de liberté d'expression dans ce qui reste l'un des pays les plus pauvres au monde. Mais l'échec est patent sur le front de la sécurité, de loin le secteur le plus coûteux de l'intervention internationale, les quelque 70.000 soldats étrangers n'ayant guère empêché la rébellion de gagner du terrain. Le président américain élu Barack Obama s'est engagé a développer ce pays qu'il considère, avec le Pakistan, comme le nouveau «front central» de la guerre américaine contre le terrorisme, et qui verra arriver jusqu'à 30.000 nouveaux soldats américains en 2009. La tâche du président afghan Hamid Karzaï, soutenu par les Américains depuis 2001, de rebâtir un Etat solide, semble herculéenne aux yeux des experts. Parmi les «innombrables obstacles», les responsables afghans et leurs alliés internationaux devront notamment «reconstruire les forces de sécurité», encore faibles, tout en continuant à «combattre la rébellion», souligne l'ancien ministre afghan de l'Intérieur, Ali Jalali. La faiblesse de l'économie et des infrastructures du pays et la culture de la corruption sont d'autres handicaps très sérieux, ajoute-t-il dans un recueil d'essais intitulé Le futur de l'Afghanistan. Dans le même ouvrage, Barnett Rubin, un expert américain de l'Afghanistan, souligne l'incapacité du gouvernement Karzai à combattre le «tsunami de corruption» qui a gagné les institutions avec l'afflux de l'aide étrangère. «On ne voit pas comment l'Afghanistan pourrait devenir un Etat stable en paix avec ses voisins d'ici 10 ans», écrit-il. Hamid Karzaï lui-même admet que la situation n'est guère idyllique. «Nous sommes dans une tranchée, et nos alliés avec nous dedans», déclarait-il fin décembre au Chicago Tribune, en se rappelant «le glorieux succès de 2002», la désormais lointaine époque où son gouvernement était populaire. Depuis, a-t-il ajouté, le nombre de civils tués dans des opérations militaires a augmenté, renforçant la défiance populaire vis-à-vis des troupes étrangères. Les analystes soulignent également la déception de la population vis-à-vis d'un gouvernement incapable de tenir ses promesses d'avenir meilleur, en partie parce qu'il était occupé à combattre la rébellion. Environ 70% des quelque 30 millions d'Afghans vit sous le seuil de pauvreté, note l'ancien ministre communiste Hamidullah Tarzi, en soulignant le manque de reconstruction et d'emplois. «Seule une petite partie peut dire que la vie s'est améliorée», dit-il, à propos des hommes d'affaires et des responsables gouvernementaux. S'y ajoute le problème de l'opium - l'Afghanistan en est de loin le premier producteur mondial - dont le trafic nourrit à la fois la rébellion et le gouvernement, parfois à très haut niveau. Seule l'accélération de la construction de forces de sécurité solides peut permettre d'inverser cette «spirale négative», estime M.Jalali. De l'avis général, l'armée afghane est encore trop peu importante, bien qu'augmentant de 2500 soldats chaque mois, et la police extrêmement corrompue. Quant aux renforts américains, ils pourraient permettre de «repousser un peu les taliban» et conduire certains à accepter l'offre de dialogue lancée par Hamid Karzaï, espère l'analyste politique afghan Ahmad Rahmani, en soulignant l'importance cruciale de l'élection présidentielle prévue cette année. En cas d'impossibilité de la tenir, des chefs de guerre, aujourd'hui calmes, pourraient reprendre les armes en dénonçant le vide du pouvoir, comme avant la guerre civile des années 1990 qui a détruit la capitale Kaboul, prévient-il.