Au lieu d'apporter des réponses rapides et efficaces, le gouvernement traîne la patte en noyant le problème dans des conférences nationales. Quelle interprétation donner aux propos tenus, il y a deux jours, par Abdelaziz Belkhadem, sinon que le gouvernement est en panne sèche d'idées face aux problèmes de la jeunesse, particulièrement le phénomène des harraga? «S'il y a des solutions miracles pour les harraga nous sommes preneurs», a répondu M.Belkhadem à un confrère qui l'interrogeait sur les ondes de la Chaîne III, sur les solutions que propose le gouvernement pour résorber le phénomène des harraga. Cette réponse d'un membre de l'Exécutif résume à elle seule l'embarras dans lequel se trouve le gouvernement dans cette complexe équation de la jeunesse. Pourtant, ce ne sont ni les moyens ni les initiatives qui ont fait défaut. Il y a eu les 100 locaux dans chaque commune, la rencontre gouvernement-walis en 2007, la politique nationale de la jeunesse, la commission nationale pour la sauvegarde de la jeunesse et les différents dispositifs d'emploi. Malgré tout, ces dispositifs et les moyens financiers qui les accompagnent, n'ont pas permis de juguler le problème, et cette «rebelle» jeunesse ne veut rien entendre. Elle continue à braver la mer dans l'espoir de trouver le bonheur sous d'autres cieux. Deux ans après la rencontre gouvernement-walis où le chef de l'Etat a exhorté ses cadres à prendre en charge les problèmes de la jeunesse, le résultat est loin, très loin d'être satisfaisant. De grands espoirs ont été attendus de cette rencontre, mais les résultats sont décevants. Selon les chiffres officiels, notre pays a enregistré plus de 3600 cas de harga. De janvier à octobre 2008, les forces navales algériennes ont intercepté, dans le cadre de la lutte contre l'émigration clandestine, 1533 émigrants clandestins. Durant l'année 2007, 1530 harraga ont été interceptés, dont 1485 Algériens. En 2006, pas moins de 1016 personnes ont été arrêtées contre 335 harraga et 29 corps repêchés en 2005. Ces statistiques indiquent clairement que le nombre des harraga est en croissance constante. La sonnette d'alarme tirée par les responsables n'a en aucun cas affaibli la volonté des jeunes à franchir les frontières. Il convient de noter que ces derniers représentent 70% de la population. Un potentiel que le gouvernement n'a pas su sauvegarder pour construire son développement. Le travail d'identification du phénomène et les études réalisées dans le cadre de la stratégie nationale de la jeunesse demeurent au stade de la théorie. La rencontre gouvernement-walis, tenue en 2007 au Palais des nations, avait un objectif clair, celui de juguler la crise qui affecte la jeunesse algérienne. Idem pour la rencontre nationale de la jeunesse tenue en 2008 à la Coupole. Les directives étaient claires face au danger. Il fallait juste prendre des mesures adéquates et rapides en concertation avec les institutions de l'Etat pour parvenir à contenir une crise qui met en attente le devenir de ces jeunes. Rien de tout cela n'a été fait. Au lieu de passer directement à l'application, le gouvernement traîne la patte en confinant le débat dans des conférences nationales. A noter qu'une deuxième conférence nationale sur la politique sectorielle de prise en charge de la jeunesse sera tenue prochainement à la Coupole. A défaut de solution, le gouvernement n'a pas trouvé mieux que de promettre la prison aux harraga. Voulant mettre fin à cette saignée, les autorités ont élaboré un avant-projet de loi en qualifiant de délit toute tentative d'émigration clandestine. Or, même la menace de la prison n'a pas dissuadé les jeunes chômeurs à renoncer à l'aventure. Plusieurs d'entres eux disent n'avoir rien à perdre car ils sont désespérés par leur situation socio-économique. L'échec de la bataille contre le phénomène des harraga complique la tâche au gouvernement. A quelques mois de l'élection présidentielle, le combat contre l'abstention s'annonce très difficile. Peut-on réclamer un devoir en l'absence de droits? Ni la campagne médiatique et encore moins le discours politique n'ont eu écho auprès des jeunes. La preuve se confirme au quotidien puisque des diplômés et des familles entières continuent à prendre des embarcations de fortune à la recherche d'une vie meilleure. Rongés par le désespoir, les jeunes ne croient plus aux promesses et préfèrent prendre le risque en haute mer que de vivre un cauchemar.