L'Algérie de 2009 est-elle à l'abri du retour d'un islamisme extrémiste l'ayant déjà mise à feu et à sang durant la tragédie nationale? Cette question mérite d'être posée avec acuité. La dernière manifestation qui a réuni plusieurs centaines de marcheurs à Alger, a réveillé en sursaut certaines consciences de citoyens qui croyaient que la mouvance islamiste était «vermoulue» et enterrée. Ce que les politologues appellent en termes explicites, «la récupération islamiste» a été constaté durant cette marche où différentes générations se sont «côtoyées» afin de se solidariser avec la population ghazaouie, cruellement agressée par l'armée israélienne. Devant les mosquées, les fidèles se massent. Les premiers cris d'hostilité sont lancés: «Allah Akbar» ou «Aliha nahya oua aliha namout», c'est avec les nostalgiques slogans du FIS dissous que cette marche s'est ébranlée. Une marche pendant laquelle Alger a fortement vibré...pour Ghaza. Les nouvelles générations, hypermobilisées, se disent prêtes à tout, afin que soit libérée cette bande martyrisée. Certes, ils portent dans leur coeur la Palestine. Ils veulent se sacrifier pour éviter une autre boucherie du genre Sabra et Chatila que l'histoire retiendra pour l'éternité. Mais, la manière dont s'exprime ce soutien indéfectible peut s'avérer fatale. Des jeunes adolescents endoctrinés, soutenus par des ex-leaders islamistes réclament les armes. «Manach m'llah, djibouna es'lah» (nous ne sommes pas heureux, donnez-nous des armes), crient-ils à tue-tête. Et de réclamer un «Visa li Falastine» (un visa pour la Palestine). Eux qui ont annihilé les tentatives de la police de phagocyter la marche, appellent le gouvernement à leur trouver une solution...pour mourir «en martyrs», en Palestine. Ainsi, le regain de l'islamisme fait craindre le pire. Ce que ces jeunes soutiennent aujourd'hui, dépasse les déclarations des sanguinaires qui ont semé, il n'y a pas très longtemps, la terreur au sein de la population algérienne. Les leaders de l'islamisme extrémiste des années 90, n'ont jamais osé avouer leur «disponibilité» à sacrifier leur vie ailleurs. Aussi, les manifestants issus, dans leur majorité, des quartiers populaires et populeux, ont brisé l'omerta imposée depuis 2001. Depuis la marche pacifique du 14 juin, réprimée dans le sang. Les marcheurs ont réussi là où les appels folkloriques du pouvoir et de ses soutiens politiques ont échoué à mobiliser les foules derrière ce même mot d'ordre: la «spontanéité.» En matière de mobilisation, et contrairement aux tentatives ratées des partis de l'Alliance présidentielle (FLN-RND-MSP) ainsi que celles du PT et de l'Ugta de faire mouvoir la «rue», cette marche a drainé les grandes foules d'antan. En sus de ces facteurs qui font craindre un retour «fracassant» de la mouvance islamiste, le vide politique pèse lourdement. Le vide politique que traverse le pays depuis deux décennies dans lequel deux générations d'Algériens se sont socialisées et l'absence d'un personnel politique, syndical à fort ancrage social, expliquent le recours des marcheurs aux slogans de l'ex-FIS dissous. Cette précision de taille a été apportée par Nacer Djabi, éminent sociologue et chercheur au Centre de recherche en économie appliquée au développement (Cread) dans une déclaration faite à un confrère. Du côté du gouvernement, le représentant personnel du chef de l'Etat, Abdelaziz Belkhadem, a récemment invité l'ex-leader du parti d'El Islah, Abdallah Djaballah à une réunion. L'enjeu de cette rencontre, pour les observateurs avertis, consiste à présenter un candidat de taille à l'élection présidentielle d'avril prochain afin de crédibiliser cette échéance. Le choix de cheikh Djaballah est loin d'être fortuit. Au contraire, il s'agit d'une décision réfléchie dans ce sens «mobilisateur.» En effet, tribun confirmé, il a toujours su renverser les donnes en sa faveur et tout rafler sur son chemin, par la suite. La «logique» de l'islamisme extrémiste heurte de front celle d'un pouvoir anachronique. Soit, c'est la cohabitation, soit c'est l'explosion. Et plus sûrement, les deux à la fois. On est là, dans un «entre-deux» destructeur.