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«L'aspect commercial a pris le dessus dans le cinéma contemporain»
Le directeur du festival des Trois continents de Nantes, Philippe Jalladeau, affirme :
Publié dans La Tribune le 29 - 01 - 2009

Les Journées internationales du film court métrage, dans leur première édition, se poursuivent à Blida. La chaleur des rencontres et la bonne humeur contrastent terriblement avec le froid sibérien qui règne dans la ville des Roses tapie au pied de l'imposant Chréa aux cimes enneigées et la région de la Mitidja de façon générale. Après une journée de repos, mise à profit pour justement visiter Chréa, censée abriter le futur Festival international du court métrage que se proposent de lancer les organisateurs de ces Journées internationales du court métrage, l'activité a repris au théâtre Mohamed Touri, lieu du déroulement de ces journées.
Mardi dernier, ce qui aura retenu l'attention de l'assistance avait incontestablement trait à la conférence de presse donnée conjointement par MM. Philippe Jalladeau et Lamine Merbah.
En connaisseurs avérés, les deux conférenciers se sont, sous le regard extrêmement intéressé des réalisateurs présents, exprimés sur une multitude de questions inhérentes au monde du cinéma.
Lors de son intervention, Philippe Jalladeau, directeur du festival des Trois continents qui se déroule à Nantes et qui présente les cinémas d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, a mis l'accent sur le fait que le cinéma contemporain est devenu une véritable machine industrielle. «Dans les années 1990, le marché du film a énormément évolué. Contrairement à ce que d'aucuns peuvent penser, un festival ne dure pas huit jours mais bien plus. Il y a beaucoup d'enjeux. Lors des festivals, certaines personnes viennent et ne prennent même pas la peine de regarder un film. Ils viennent pour flairer la bonne affaire. Prenons, à titre d'exemple, le Festival de Cannes. Si vous enlevez à ce dernier l'aspect économique, il ne fonctionnera pas comme souhaité. En outre, il n'est pas rare que le directeur d'un festival fasse l'objet de pressions pour faire en sorte que tel film puisse avoir les faveurs des pronostics», soulignera le célèbre cinéaste, non sans mettre en évidence le rôle capital que joue la presse lors des événements liés au cinéma.
Parlant des festivals qui se déroulent chaque année à travers le monde, l'orateur estimera que leur nombre est situé autour de 6 000 festivals. «D'aucuns disent qu'il y a trop de festivals. C'est sans doute vrai. A elle seule, la ville de Nantes compte huit festivals par an. Mais il ne faudrait pas croire que toutes ces manifestations sont des festivals. Un festival doit chercher des films inédits et originaux. Or, ce qu'il nous est donné de constater est la prédominance des festivals dits promotionnels, certaines villes tenant coûte que coûte à avoir leur festival dans le but de se faire connaître et, par ricochet, s'attirer les faveurs des investisseurs et autres industriels. L'image de la ville passe avant tout autre considération. Or, par essence, un festival doit d'abord s'occuper des films et des cinéastes», ajoutera l'orateur, non sans signaler que le public cinéphile a beaucoup vieilli, particulièrement en France.
Au sujet de la critique cinématographique, Philippe Jalladeau dira que cette dernière ne joue malheureusement pas le rôle qui lui est dévolu. «La critique est dévalorisée. Parfois, en lisant une critique, je ne sais pas si le film est bon ou mauvais. En évoquent certains films, il y a des critiques qui n'abordent pas l'aspect lié à l'image ou au son. Or, ces deux paramètres sont extrêmement importants dans le cinéma moderne», affirmera le conférencier.
De son côté, Lamine Merbah, parlant de la situation du film algérien, focalisera son intervention sur l'absence d'école de cinéma en Algérie. «L'Etat ne semble pas 'intéresser au cinéma. Il y a des gens en mesure d'enseigner les rudiments du cinéma en dépit du fait qu'ils n'ont pas fait des études poussées dans le domaine. Le plus grand problème à mon sens réside en l'absence de culture cinématographique. Pour en revenir au problème de formation, je dirais qu'une personne peut avoir suivi des cours dans une grande école de cinéma. Mais, une fois sortie, il n'est pas exclu qu'elle soit incapable de faire un film. Etre directeur de son ou de photo exige une formation. Ce n'est pas le cas pour un réalisateur. Pour ce dernier, le talent et le flair sont déterminants», relèvera le cinéaste algérien.
Selon lui, pour que le cinéma algérien renaisse de ses cendres, deux institutions doivent jouer pleinement leur rôle : la Cinémathèque et la télévision, avec son pouvoir de pénétration dans les foyers. «Beaucoup d'amis qui ont le même âge que moi regrettent la disparition de l'émission Télé ciné-club. Ils affirment que c'est grâce à cette dernière qu'ils ont pris goût au cinéma», lancera-t-il à l'assistance, joutant que le manque de moyens ne peut aucunement expliquer la faiblesse de production de tel ou tel pays. Concernant ce dernier point, Philipe Jalladeau est catégorique. Personne ne peut mettre en avant le manque de moyens pour justifier le manque de production. Aujourd'hui, avec un téléphone portable ou le numérique, on peut faire un film. Reste à savoir, maintenant, quel est le public qui va s'intéresser à ces films. Là, c'est une toute paire de manches…
B. L.


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