L'Algérie qui a signé un moratoire en 1993 va-t-elle mener son engagement jusqu'au bout ou faire marche arrière? L'abolition de la peine de mort n'est pas à l'ordre du jour du programme du département de la justice. «Ce n'est plus une priorité dans la stratégie du ministère de la Justice», a proprement déclaré le premier responsable du secteur, Tayeb Belaïz. Interrogé sur cette question, en marge de la séance des questions orales tenue jeudi dernier à l'APN, M.Belaïz a tergiversé avant de donner sa version officielle. Pour ou contre sa suppression, le ministre s'est abstenu de faire de commentaire en précisant simplement qu'elle n'est pas une priorité. La déclaration de M.Belaïz clarifie nettement la position de l'Etat par rapport à la question qui suscite actuellement un véritable débat entre les hommes de religion et les hommes de loi. Or, l'Algérie qui a signé un moratoire en 1993 va-t-elle mener son engagement jusqu'au bout ou faire marche arrière? C'est là la question qui taraude les esprits. Vu la sensibilité du sujet, le gouvernement préfère reléguer, pour le moment, la question au second plan. En effet, le projet de la peine de mort à proscrire proposé par le groupe parlementaire du RCD, a soulevé un tollé. La polémique ne cesse d'enfler entre les opposants et les partisans. D'un côté, les juristes soutiennent haut et fort son abolition de la législation algérienne. «Nous continuerons à demander l'abolition de la peine de mort qui est, à mon avis, désuète et gagnerait à être remplacée par d'autres peines de substitution», a souligné le président de la Commission nationale consultative de promotion des droits de l'homme (Cncppdh) Maître Farouk Ksentini. Son homologue, Maître Miloud Brahimi, lui emboîte le pas: «L'Algérie doit aller vers l'abolition de la peine capitale, si elle veut être dans son temps et se hisser parmi les pays avancés dans le respect des droits de l'homme.» Ces déclarations viennent appuyer la position de la Ligue algérienne des droits de l'homme qui l'a revendiquée depuis longtemps. Ali Yahia Abdennour et Mustapha Bouchaoui sont catégoriques: «Les peines capitales n'ont jamais atténué le crime.» De l'autre côté, les opposants montent au créneau. En se référant à la charia, les oulémas opposent un niet catégorique. «Celui qui pense qu'un verdict humain est meilleur qu'un verdict divin, est un apostat. Il doit divorcer d'avec sa femme musulmane et être enterré dans le cimetière des apostats», a vivement répliqué le président de l'Association des oulémas musulmans algériens, le cheikh Abderrahmane Chibane. Le président du Haut Conseil islamique a également affiché son refus à l'abolition de la peine de mort. Les hommes de religion ne sont pas seuls à défendre cette thèse. Le secrétaire général de l'instance exécutive, Abdelaziz Belkhadem, s'inscrit en faux contre la démarche de suppression. «Nous ne pouvons aller contre un verset coranique. Je respecte ceux qui sont pour la peine de mort, mais je ne partage pas leur position», a dit-il déclaré lors de son passage à l'émission, En toute franchise, diffusée sur les ondes de la Chaîne III. Sur le terrain, aucune exécution n'a été pratiquée depuis 1993, où le président de la République avait proclamé un moratoire. En effet, pas moins de 115 condamnations à mort ont été commuées en détentions à vie par le chef de l'Etat, M.Abdelaziz Bouteflika. L'Algérie, faut-il le souligner, est le seul pays arabe à avoir voté les deux résolutions (62-149 de 2007 et 63-430 de décembre 2008) des Nations unies, demandant à la communauté internationale d'imposer un moratoire sur la peine de mort.