Quand un pays perd ses jeunes et quand de hauts responsables de l'Etat, payés avec l'argent du contribuable pour trouver des solutions, avouent publiquement leur échec, c'est qu'il y a un grave problème. Voilà ce que nous apprend le ministre de la Justice et garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, à propos de l'un des plus graves phénomènes qui touche la plus importante frange de la population: «Nous n'arrivons pas à identifier les raisons qui poussent les jeunes à partir ailleurs», a déclaré, hier, M.Belaïz qui répondait aux questions des sénateurs. Quand un pays perd ses jeunes et quand de hauts responsables de l'Etat, payés avec l'argent du contribuable pour trouver des solutions, avouent publiquement leur échec, c'est qu'il y a un grave problème. Le phénomène des harraga ankylose le gouvernement. Chargé de prendre soin du dossier, l'équipe en place n'arrive même pas à établir une biopsie. Les travaux de recherche lancés il y a des mois, par la Commission interministérielle pour identifier la souche du mal, sont toujours à la case départ. Cet aveu d'échec confirme une nouvelle fois que le gouvernement est en panne d'idées et il est incapable de trouver une issue à la question des harraga. Interpellé, à plusieurs reprises sur cette question, le ministre a fini par lâcher: «La Commission interministérielle qui travaille depuis plusieurs mois sur ce dossier n'a pas abouti réellement à cerner les véritables causes qui sont à l'origine de ce phénomène», a-t-il avoué du haut du perchoir du Conseil de la nation. Hormis le facteur déterminant du chômage, M.Belaïz reconnaît que l'Exécutif ne maîtrise pas les éléments qui incitent des milliers de jeunes à tenter l'aventure en haute mer. Sans boussole et sans trop fouiller dans les archives et consulter des experts en la matière, la réponse est visible et elle se confirme au quotidien. Le gouvernement n'a qu'à ouvrir sa fenêtre ou descendre carrément sur le terrain pour voir de visu la réalité et trouver le mot de passe du modem. Les ingrédients sont palpables. La mal-vie, l'absence des moyens et des espaces de loisirs, le manque d'encadrement et de débats ainsi que l'absence de perspectives...sont autant d'éléments qui font nourrir chez les jeunes ce sentiment d'angoisse et d'exclusion les poussant jusqu'à braver les dangers en haute mer. Au lieu d'ouvrir le débat et s'inviter dans les quartiers, le gouvernement s'engouffre dans les théories des experts et verse dans un débat à huis clos à la recherche d'outils capables de solutionner le problème, ignorant complètement la réalité. La déclaration du ministre de la Justice vient s'ajouter à celle du secrétaire général de l'instance exécutive du FLN et ministre d'Etat, Abdelaziz Belkhadem. «S'il y a des solutions miracles pour les harraga nous sommes preneurs», a répondu M.Belkhadem à un confrère qui l'interrogeait sur les ondes de la Chaîne III, à propos des solutions que propose le gouvernement pour résorber le phénomène des harraga. Dans son intervention, M.Belaïz a invité les partis et les universitaires à proposer des alternatives. Voulant défendre le gouvernement, le ministre a déclaré que la responsabilité de ce phénomène n'incombe pas uniquement au gouvernement mais elle implique également les partis politiques et les associations. «Aucun parti politique n'a crée une commission d'enquête pour détecter les raisons de ce problème», a-t-il déploré en précisant toutefois que «le gouvernement était le seul à avoir installé une Commission nationale pour prendre en charge le dossier». Les propos résument parfaitement l'impasse dans laquelle se trouve le gouvernement dans cette complexe équation de la jeunesse. Pourtant, ni les moyens ni les initiatives ne font défaut. Le projet des 100 locaux dans chaque commune, la rencontre gouvernement-walis en 2007, la politique nationale de la jeunesse, la commission nationale pour la sauvegarde de la jeunesse et les différents dispositifs d'emploi. Malgré tout, ces dispositifs et les moyens financiers qui les accompagnent, n'ont pas permis au gouvernement de maîtriser le problème et de convaincre cette «rebelle» jeunesse à renoncer à l'aventure. Celle-ci continue à braver la mer dans l'espoir de trouver le bonheur sous d'autres cieux. Deux ans après la rencontre gouvernement-walis où le chef de l'Etat a exhorté ses cadres à prendre en charge les problèmes de la jeunesse, le résultat est loin, très loin d'être satisfaisant. De grands espoirs ont été attendus de cette rencontre, mais les résultats sont décevants. La saignée continue sur nos côtes. Selon les chiffres officiels, notre pays a enregistré plus de 3600 cas de harga. De janvier à octobre 2008, les Forces navales algériennes ont intercepté, dans le cadre de la lutte contre l'émigration clandestine, 1533 émigrants clandestins. Durant l'année 2007, 1530 harraga ont été interceptés, dont 1485 Algériens. En 2006, pas moins de 1016 personnes ont été arrêtées contre 335 harraga et 29 corps repêchés en 2005. Ces statistiques indiquent clairement que le nombre des harraga enregistre une courbe ascendante. Il faut noter que ces derniers représentent 70% de la population. Un potentiel que le gouvernement n'a pas su sauvegarder pour construire son développement. Bien au contraire, le gouvernement a encore aggravé la situation en introduisant des sanctions à l'encontre de toute personne qui quitte le pays d'une manière illégale.