En l'espace d'un mois et demi, trois agents des forces de l'ordre ont fait usage de leurs armes à feu pour se faire justice. Que se passe-t-il dans les rangs de la Police algérienne? Le dernier cas en date appelle à cette question. En effet, mardi dernier, le drame a pu être évité de justesse lorsqu'une policière en plein centre de la ville de Annaba a cru bon de vouloir se faire justice à la suite de déboires amoureux, d'après les informations rapportées par l'ensemble de la presse nationale. Trois femmes auraient été blessées. La jeune représentante des forces de l'ordre a fait usage de son arme de service criblant de balles la porte du domicile de celui qui l'aurait éconduit. L'événement, comme une traînée de poudre, a vite fait le tour de la ville, semant un climat de psychose au sein de la population. A travers ce type de comportement qui s'apparente à une expédition punitive, certes individuelle, mais qui semble solidement ancrée dans notre société, il nous est renvoyé un terrible constat: la violence est en nous! Elle gangrène toutes les couches sociales, toutes les classes d'âge, sans distinction de sexe. La mission des agents des forces de l'ordre est d'assurer la sécurité des biens et des personnes. Dans son ensemble, elle est correctement assumée. Les signes d'un malaise qui dit à peine son nom sont cependant perceptibles. La violence a franchi certaines limites. Au mois de décembre de l'année passée, c'était un policier qui avait pris en otage le procureur adjoint de la République à Béjaïa dans l'enceinte même du tribunal alors que quelques jours auparavant c'est un de ses collègues qui a pris pour cible son supérieur avant, pardésespoir très certainement, de retourner son arme contre sa propre personne. Ces événements aussi dramatiques que tragiques ont surtout pour rôle de révéler par bien des aspects ô combien le policier, le gendarme et le militaire restent avant tout des êtres humains. Il est vrai que d'aucuns trouveront qu'un tel diagnostic prend des allures disproportionnées. Il faut cependant rappeler et surtout remarquer que ce n'est pas la première fois que la question de la prise en charge psychologique des forces de l'ordre a été soulevée. En effet, cette corporation a terriblement souffert des affres du terrorisme. Selon l'ouvrage publié par Aïssa Kasmi, un ancien cadre de la direction générale de la Sûreté nationale, sur les quelque 10.000 policiers que comptait l'Etat algérien, 3000 d'entre eux ont trouvé la mort durant la tragédie nationale. Les fonctionnaires de police étaient engagés dans une lutte implacable contre les hordes terroristes. Beaucoup d'entre eux gardent encore des séquelles. Pour certains, elles sont invisibles mais leurs effets sont ravageurs. 12 policiers ont mis fin à leur vie en 2000, 16 en 2001, 12 en 2002, 10 en 2003, 11 en 2004,17 en 2005 et 4 en 2006. Ces traumatismes, les policiers les ont enfouis en eux. Des blessures qu'ils ont intériorisées un peu comme pour exorciser un passé douloureux dont ils ont envie de faire table rase. En ce qui concerne les jeunes policiers qui se sont fait recruter plus récemment et qui n'ont donc pas vécu dans leur chair ces événements, le malaise serait selon toute vraisemblance d'ordre matériel C'est celui de tous les jeunes Algériens: pouvoir d'achat, logement...reste qu'ils ont choisi un métier où ils ont obligation de faire respecter l'Etat de droit et non de faire la promotion de la loi du talion.