«Ce qui nous intéressera le plus, c'est cette vocation d'organisateur qui a mis en oeuvre de nouveaux systèmes de production et de diffusion», a précisé M.Cheniki. L'établissement Arts et Culture et le centre de recherches d'anthropologie sociale et culturel a organisé une journée d'étude sous le thème «Mahieddine Bachtarzi: itinéraire et discours». L'histoire du théâtre en Algérie est intimement liée à celle de cet homme qui a permis la mise en place d'un appareil théâtral paradoxalement nouveau, mais marqué du sceau de la «tradition». D'ailleurs, il n'est pas possible d'évoquer le parcours du théâtre en Algérie sans citer un nom incontournable qui a durablement marqué la représentation dramatique algérienne: Mahieddine Bachtarzi. Comment Bachtarzi a réussi à faire admettre l'expression théâtrale à des Algériens, souvent illettrés, qui se déplaçaient en masse à des spectacles donnés dans différents lieux? Dans quelles conditions sociohistoriques est apparue la représentation théâtrale et s'est imposée la personnalité de Bachtarzi et de ses compagnons, Allalou et Ksentini? Quelles relations entretenait-il avec les autorités de l'époque qui avaient, d'ailleurs, censuré, plusieurs de ses pièces? Quelles sont les raisons qui l'ont poussé à opter pour un style comique et la langue dite dialectale? Comment arrivait-il à se réapproprier des auteurs étrangers, comme Molière par exemple, et à les algérianiser par une sorte de processus d'actualisation dans l'adaptation? Nous interrogerons ses adaptations de Molière et nous verrons comment il faisait pour communiquer avec le public, séduisant les petites gens et programmant des séances pour les femmes qu'il cherchait à instruire. C'est autour de ces interrogations que le programme de cette rencontre, animée par des spécialistes en la matière, des dramaturges, hommes de théâtre et universitaires, à l'instar de Miliani Hadj (Professeur à l'Université de Mostaganem, auteur de plusieurs livres sur la culture), Ahmed Cheniki (Professeur à l'université de Annaba, auteur de plusieurs ouvrages sur le théâtre et la culture), Abdelhakim Meziani (journaliste et auteur), Kamel Bendimered (journaliste) et Guy Dugas (professeur à l'université de Montpellier), pour débattre et nourrir la réflexion autour de ce grand homme et qui a pour objectif essentiel de mettre en relief la naissance et l'évolution des différentes expériences décisives ayant caractérisé le champ culturel en général et théâtral en particulier. «Décrire son itinéraire, c'est retracer inévitablement l'évolution et les ambiguïtés de l'art scénique. Grand connaisseur de la musique classique algérienne, comédien-auteur et organisateur hors pair de l'activité théâtrale en Algérie, M.Bachtarzi était un infatigable touche-à-tout qui a merveilleusement réussi à poursuivre l'expérience artistique de Ksentini et de Allalou, précocement interrompue», a relaté, M.Meliani. Et d'ajouter qu'«il a contribué à une sorte de contamination qui a incité de nombreux hommes et femmes de l'est et de l'ouest du pays à se familiariser avec cet art trop récent et à constituer des troupes avec un soutien actif de cet artiste qui excellait dans le chant». M.Abdelhakim Meziani n'est pas allé par 36 chemins pour la mauvaise gestion du secteur de la culture et restaurer les faits historiques à leur juste réalité. Le conférencier affirme que «Mahieddine Bachtarzi était surtout apprécié pour son sens de l'organisation et qu'à nos jours, un demi-siècle après l'indépendance, on n'arrive pas à en faire autant. Avec lui, le théâtre découvrait le petit peuple. Des types de situations, de nouvelles expressions furent inventées et s'imposèrent facilement dans le paysage dramatique algérien. Mahieddine Bachtarzi a, en quelque sorte, permis au théâtre algérien de s'implanter durablement en Algérie et de toucher le grand public, rompant ainsi avec les expériences en arabe "littéraire" des années 1910-1920». «Cette méconnaissance du fonctionnement spécifique de la représentation théâtrale a provoqué de multiples malentendus aux niveaux ontologique et du raisonnement», nous a-t-il précisé. «Mahieddine Bachtarzi était au centre de l'activité théâtrale en Algérie», a souligné M.Cheniki. Et d'ajouter que «notre journée d'étude suivra le parcours de cet homme qui a touché à tout et qui a formé ceux qui allaient prendre en charge le destin de l'art scénique après l'Indépendance». «Mais ce qui nous intéressera le plus, c'est cette vocation d'organisateur qui a mis en oeuvre de nouveaux systèmes de production et de diffusion», a-t-il conclu.