Organisé conjointement par l'Etablissement Arts et Culture et le Centre de recherches d'anthropologie sociale et culturelle, l'auditorium du complexe Laâdi-Flici, a abrité une journée d'étude sur l'incontournable homme de théâtre : Mahieddine Bachetarzi. Son nom signifie en turc, selon Bastandji, “chef brodeur”. Un nom qu'“il porte bien car il a confectionné et brodé le théâtre algérien”. Dans leurs interventions respectives, les intervenants ont le levé un pan de toile sur la vie de cet amoureux des arts de la scène. “Est-ce que les gens connaissent Bachetarzi ?” s'est interrogé Hadj Miliani (universitaire). Selon lui, “c'est une personne très connue en termes de théâtre et de musique. Mais dans les faits, on connaît très peu de choses.” Et d'ajouter qu'une masse d'archives concernant ce grand homme de théâtre, mais impossible de mettre la main dessus. “On n'arrive pas à cerner ce personnage. On est obligé d'aller ailleurs pour chercher sur lui, alors que des éléments existent”, dira-t-il. Il parlera de l'expérience musicale de Bachetarzi et de son recueil de chansons (des chansons abordant l'amour, la patrie sont encore d'actualité), qui a été “interdit” par l'autorité coloniale, n'étant pas conforme à la politique de l'époque. L'orateur a montré la subtilité du subterfuge utilisé par Bachetarzi pour faire passer ses chansons : la transcription ne correspondait pas à l'orignal. À travers cette intervention, c'est une autre dimension de cet homme qui a été donnée : un organisateur et un défenseur des droits des artistes. Prenant la parole, Kamel Bendimered (ancien journaliste) le qualifiera d'“amiral du théâtre”. Amiral, en référence à Sophocle qui a été nommé Amiral des arts pour l'ensemble de ses œuvres. Autres points communs entre ces deux personnages : ils sont morts au même âge : 89 ans.Par ailleurs, le conférencier a mis en exergue une autre dimension de cet homme : prouesse et souplesse à mener à bon port le bateau théâtre… À son tour, Abdelhakim Meziani (journaliste et auteur) parlera de Bachetarzi, mais en tant que “ténor du Vieil Alger”. “C'est l'artisan d'un itinéraire très riche. (…) C'est un chantre de la musique citadine”, dira-t-il. Dans sa prise de parole, Meziani réhabilite Bachetarzi : “Son mérite n'est que plus grand (…) Il a donné une dimension citadine à la Révolution.” Et d'ajouter : “Sans lui, on n'aurait pas eu de trace de la vie culturelle et politique algérienne.” L'intervention de Guy Dugas (universitaire) abordera Bachetarzi à travers un tapuscrit d'Emmanuel Roblès. En fait c'est “Bachetarzi vu par Roblès et par lui-même”, dira l'orateur. Ce tapuscrit contient des annotations, des remarques effectuées par Bachetarzi lui-même. Dans cet écrit, c'est sa jeunesse, ses débuts, ses rencontres (Yafil et autres) qui ont basculé sa vie… Une sorte de biographie co-écrite…, mais non achevée. Ahmed Cheniki, quant à lui, parlera du lien entre Molière, le théâtre algérien et Bachetarzi. C'est ce dernier qui adapta des pièces de Molière : El Mechhah (l'Avare), Soltane Elouk (le Malade imaginaire). “Ces titres recevront un contexte social culturel algérien”, dira-t-il. Ce travail “sera marié à la forme culturelle théâtrale locale”. D'ailleurs, il est le premier à mentionner le nom de Molière dans ses adaptations. Enfin, les intervenants, dans leur majorité, sont pour la sauvegarde de tous les éléments pouvant apporter plus de lumière sur ce qu'était Mahieddine Bachetarzi, en tant qu'homme de théâtre, l'amoureux de la chanson, et surtout en tant que personne. Car avec Bachetarzi, c'est une époque, une société, une culture qui sont véhiculés, mis au-devant de la scène ! Amine IDJER