«Mais ce qui nous intéressera le plus, c'est cette vocation d'organisateur qui a mis en oeuvre de nouveaux systèmes de production et de diffusion», a souligné M.Cheniki. Il n'est pas possible d'évoquer le parcours du théâtre en Algérie sans citer un nom incontournable qui a durablement marqué la représentation dramatique algérienne: Mahieddine Bachtarzi. L'établissement Arts et Culture restera fidèle à sa tradition, celle de maintenir vivace le souvenir en ressuscitant cet homme de l'art et de la culture dans une Journée d'étude, le 18 février prochain, au théâtre de Verdure, Alger. Comment Bachtarzi a réussi à faire admettre l'expression théâtrale à des Algériens, souvent illettrés, qui se déplaçaient en masse à des spectacles donnés dans différents lieux? Dans quelles conditions sociohistoriques est apparue la représentation théâtrale et s'est imposée la personnalité de Bachtarzi et de ses compagnons, Allalou et Ksentini? Quelles relations entretenait-il avec les autorités de l'époque qui avaient, d'ailleurs, censuré, plusieurs de ses pièces? Quelles sont les raisons qui l'ont poussé à opter pour un style comique et la langue dite dialectale? Comment arrivait-il à se réapproprier des auteurs étrangers, comme Molière par exemple, et à les algérianiser par une sorte de processus d'actualisation d'adaptation? Nous interrogerons ses adaptations de Molière et nous verrons comment faisait-il pour communiquer avec le public, séduisant les petites gens et programmant des séances pour les femmes qu'il cherchait à instruire. Telles sont les questions qui seront débattues durant ce rendez-vous. Certes, ce grand artiste nous a quittés, mais son souvenir reste vivace dans la mémoire des ses élèves et les fans du 7e art. L'histoire du théâtre en Algérie est intimement liée à celle de cet homme qui a permis la mise en place d'un appareil théâtral paradoxalement nouveau, mais marqué du sceau de la «tradition». Il a contribué à une sorte de contamination qui a incité de nombreux hommes et femmes de l'est et de l'ouest du pays à se familiariser avec cet art trop récent et à constituer des troupes avec un soutien actif de cet artiste qui excellait dans le chant. Décrire son itinéraire, c'est retracer inévitablement l'évolution et les ambiguïtés de l'art scénique. Grand connaisseur de la musique classique algérienne, comédien-auteur et organisateur hors pair de l'activité théâtrale en Algérie, M.Bachtarzi était un infatigable touche-à-tout qui a merveilleusement réussi à poursuivre l'expérience artistique de Ksentini et de Allalou, précocement interrompue. Si Mahieddine Bachtarzi était surtout apprécié pour son sens de l'organisation et de l'adaptation, Allalou et Rachid Ksentini apportaient au théâtre une force et un accent populaire. Avec eux, le théâtre découvrait le petit peuple. Des types, des situations, de nouvelles expressions furent inventées et s'imposèrent facilement dans le paysage dramatique algérien. Mahieddine Bachtarzi a, en quelque sorte, permis au théâtre algérien de s'implanter durablement en Algérie et de toucher le grand public, rompant ainsi avec les expériences en arabe «littéraire» des années 10-20. Ses tournées ont également contribué à la mise en oeuvre de noyaux théâtraux un peu partout et notamment dans les grandes villes. Chanteur, auteur, acteur et «metteur en scène», «Mahieddine Bachetarzi était le centre de l'activité théâtrale en Algérie», a souligné M.Cheniki. Et d'ajouter que «notre journée d'études interrogera le parcours de cet homme qui a touché à tout et qui a formé ceux qui allaient prendre en charge le destin de l'art scénique après l'Indépendance». «Mais ce qui nous intéressera le plus, c'est cette vocation d'organisateur qui a mis en oeuvre de nouveaux systèmes de production et de diffusion», a-t-il conclu.