Le tribunal de Bir Mourad Raïs rendra le 21 février le verdict dans une affaire de droit d'auteur qui constitue une première en Algérie. Dans une lettre adressée à notre rédaction, le professeur à l'université d'Alger, Mahmoud Iberraken (diplômé de l'Institut français de presse (Université de Paris II, 1977) et après s'être déplacé aussi à notre journal, réitère formellement sa dénonciation quant à la «violation flagrante des droits matériels et moraux» dont a fait l'objet, selon lui, son livre, le dictionnaire El Moubrik: dictionnaire encyclopédique de l'information et de la communication. Le Pr Iberraken soutient que Guerfi Mohamed Tahar (le patron de Thala Editions et ex-président du Syndicat des éditeurs du livre) a accaparé les droits matériels et moraux d'El Moubrik, par une autorisation injustifiée du Conseil supérieur de la langue arabe. Ce dernier avait organisé un concours de la meilleure recherche, obtenu en 2001, par M.Iberraken. Le livre a été ensuite édité une première fois puis réédité «revu, corrigé et augmenté», par les soins de Thala Editions. Aujourd'hui, affirme M.Iberraken, il est le dictionnaire le plus cher sur le marché. Il coûte plus de 3000DA. Et M.Iberraken n'a reçu jusqu'à présent aucune redevance en ce sens. Il explique: «Je l'ai attaqué en justice. Le tribunal de Bir Mourad Raïs a statué le 12/10/2008, pour faire obligation à la société Thala Editions de verser la somme de 5 millions de dinars à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et la condamner aux dépens.» Ce jugement a fait l'objet d'un appel en date du 17/01/2009. L'affaire a été programmée par la cour d'Alger samedi dernier, et les délibérations auront lieu le 21 février en cours. «Avant que je ne porte cette affaire en justice, je suis allé voir le directeur général de l'Office national des droits d'auteur (Onda), afin de l'informer de vive voix. Mais, celui-ci m'a vraiment surpris quand il a avoué, dans son bureau, que le patron des éditions Thala a des problèmes avec l'Onda. Il ne me reste donc que la justice.» Et de confier: «Le moyen soulevé par l'entreprise Thala Editions, sur lequel elle s'est appuyée pour agir ainsi, a pour origine, selon son directeur, l'accord conclu entre elle et le Conseil supérieur de la langue arabe, d'une part, et l'Office national des droits d'auteur, d'autre part.» Au demeurant, selon le juge du tribunal de Bir Mourad Raïs, ce moyen se révèle injustifié et ne repose sur aucun fondement, vu que ces deux instances ne détiennent aucun justificatif ni argument légal ou qualité pour agir sur la propriété intellectuelle relevant d'autrui, en l'occurrence l'auteur, et que la défenderesse n'est pas sans ignorer, vu sa spécialisation en la matière, que toute impression ou édition est soumise à une autorisation émanant de l'auteur, [...] et que de ce fait, elle n'a aucune excuse pour éditer le livre sur la base d'un accord conclu en dehors de l'auteur (le demandeur), la défenderesse a ainsi violé matériellement et moralement les droits d'auteur, notamment en mentionnant son identité sur le livre. Cependant, pour M.Iberraken, la goutte qui a fait déborder le vase est le fait que le président du Conseil supérieur de la langue arabe est passé, la semaine dernière à l'émission en langue arabe Lika de Nadia, diffusée sur la Chaîne III, à 21 h, le 8 février dernier: «En faisant chaque fois des gros plans sur El Moubrik, c'est histoire de "signifier" que le dictionnaire leur appartient. Cette instrumentalisation de l'Entv visant à faire passer des messages à travers une émission qui montre l'objet du litige, une semaine avant la délibération des juges de la cour d'Alger est inadmissible, dans un Etat de droit». Par souci d'équité professionnelle, nous avons voulu entendre l'autre son de cloche. Contacté par nos soins, Guerfi Mohamed Tahar, directeur des Editions Thala, s'est étonné que cette affaire prenne des tournures pareilles, et a affirmé que l'accord a été signé avec le Haut conseil supérieur de la langue arabe, qui lui, détiendrait les droits d'auteur. «L'auteur de l'oeuvre a déjà porté plainte contre Thala Editions, pourquoi donc cette agitation pour raconter l'affaire à qui veut l'entendre? L'affaire est bel et bien entre les mains de la justice, laissons la faire son travail. Le verdict sera rendu dans les prochains jours», fait remarquer Guerfi Mohamed Tahar.