Avant de concerner les auteurs eux-mêmes, les droits d'auteur sont nés sous forme de privilèges accordés par les autorités religieuses pour lutter contre la publication de livres hérétiques. I - Genèse En effet, c'est en 1479 que l'université de Cologne reçoit l'autorisation du pape d'intervenir contre les livres hérétiques. La même année, l'évêque de Würzburg accorde un privilège à un éditeur pour éviter la contrefaçon. Les universités italiennes vont être chargées de contrôler les publications de textes religieux : Venise en 1484, Valence en 1487, Venise en 1491. Ce genre de privilèges se propage en Europe durant le XVIe siècle. C'est ainsi que le roi de France va signer en 1566 l'ordonnance de Moulins en faveur de certains éditeurs. Ce n'est qu'au XVIIe siècle que les auteurs vont commencer à vendre leurs manuscrits directement aux libraires : avec Cinna, Corneille encaisse une somme forfaitaire de 200 écus, ce qui représente beaucoup d'argent en 1640. Mais c'est en Angleterre en 1667, avec Milton, qu'on assiste à la naissance des droits d'auteur : pour la première fois un auteur signe un contrat avec un éditeur avec la promesse de renouveler le contrat en cas de réédition. En 1710, on assiste à la naissance du copyright (droit de reproduction accordé non pas à un éditeur, mais à l'auteur lui-même qui devient propriétaire de son œuvre). Il s'agit d'une reconnaissance sur le plan juridique. La France attendra 1777 et 1778 pour publier des arrêtés protégeant les droits d'auteur. Les décrets de 1793 et la loi du 14 juillet 1866 vont compléter et enrichir ces textes. Vingt ans avant la signature de la convention de Berne en 1886, les droits d'auteur étaient protégés 50 ans après la mort de l'auteur et les héritiers profitaient donc de ces droits. En 1993, les pays membres de la Communauté européenne prirent l'exemple sur l'Allemagne en augmentant la durée de protection à 70 ans. II - Les conventions internationales Il y a deux conventions internationales : la Convention de Berne signée en 1886 par 6 pays européens et la Convention de Genève signée en 1952. L'Algérie a commencé par adhérer à la Convention de Genève en 1973, année de la publication du premier décret protégeant les droits d'auteur. Estimant que la Convention de Berne était trop stricte, les autorités algériennes n'avaient pas tenu compte des aménagements apportés en 1971 à Paris, grâce à l'Unesco. Les pays développés ont accepté d'accorder un régime préférentiel afin de permettre aux pays en voie de développement de traduire et de reproduire assez rapidement des ouvrages, surtout lorsqu'il s'agit de la recherche, de l'éducation ou de la documentation. Il n'était pas question d'autoriser ces pays à exporter les ouvrages traduits ou réédités vers d'autres pays, ce qui constituerait une concurrence déloyale vis-à-vis des éditeurs et auteurs européens. Ce n'est qu'en mars 1997 que l'Algérie adopte de nouveaux textes sur « les droits d'auteur et les droits voisins », afin d'adhérer, la même année, à la Convention de Berne. Cette ordonnance va être modifiée en juillet 2003 en fonction des exigences de l'OMC et de la Communauté européenne qui insistent sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage. III - La presse et les droits d'auteur en Algérie La législation est très pauvre dans ce domaine. On peut citer l'article 47 de la loi du 4 novembre 2003 portant approbation de l'ordonnance du 19 juillet 2003. Cet article se contente de faire la différence entre les nouvelles du jour qui peuvent être librement utilisées et les articles de presse qui peuvent également être repris « sans autorisation de l'auteur ni rémunération, mais sous réserve d'indiquer la source et le nom de l'auteur ». L'article précise toutefois que la reproduction n'est pas autorisée dans le cas où il y a « mention expresse d'interdiction par un organe d'information ». On peut penser que le législateur algérien s'est basé sur la Convention de Berne qui fait la différence entre « les nouvelles du jour, les faits divers », d'une part, et les articles de presse, d'autre part, qui constituent de véritables œuvres. L'article 10 bis alinéa 1 précise, en effet, que la reproduction dans la presse, la radiodiffusion ou la communication au public est permise sans autorisation de l'auteur, mais à condition : Que l'article dont il s'agit porte sur les sujets mentionnés ; qu'ils aient été publiés dans la presse ou radiodiffusés ; qu'ils ne contreviennent pas à une mention précisant que leur utilisation est interdite ; que la source soit clairement indiquée. Par ailleurs, l'alinéa 2 de l'article 10 bis concerne les reportages (et bien sûr les enquêtes) qui peuvent être repris à condition : Que cette utilisation soit accidentelle ; que la reprise ait un caractère accessoire par rapport à l'objet du reportage. Quant aux enregistrements radio éphémère, ils sont autorisés à condition d'être réalisés par les organismes eux-mêmes et non par des privés, détruits dans des délais déterminés sauf si l'enregistrement présente un caractère exceptionnel ; dans ce cas, il peut être conservé en un seul exemplaire dans les archives officielles. IV- Les rapports entre le journaliste et son entreprise de presse La loi adoptée le 18 mars 1990 par l'APN ne mentionne à aucun moment les droits d'auteur. Pourtant les représentants des journalistes (une trentaine) et les experts qui ont élaboré la première mouture de l'avant-projet de loi ont proposé un article qui précisait clairement que les droits moraux et patrimoniaux du journaliste sont reconnus. Seul l'article 29 évoque pour les journalistes du secteur public que « les contributions ponctuelles peuvent être fournies à d'autres titres dans les conditions fixées par le Conseil supérieur de l'information ». Le CSI a, en effet, fixé ces conditions dans sa décision n°5 du 8 octobre 1991. C'est ainsi que le journaliste travaillant à la radio, à la télévision, à l'agence de presse ou dans les 6 quotidiens du secteur public peut collaborer dans d'autres organes, à condition de demander une autorisation au directeur de son entreprise de presse. Mais cette directive ne concerne que les quelque 1000 journalistes du secteur public. En l'absence d'un statut du journaliste et de conventions collectives, quelque 2000 journalistes du secteur privé ne disposent d'aucun texte précisant leurs rapports avec les organes de presse. Le décret du 9 septembre 1968 sur le statut du journaliste est totalement dépassé et la directive du 5 avril 1973 précisant les plans de carrière ne s'applique qu'aux journalistes du secteur public. Il faut cependant noter que le projet enrichi, présenté par Khalida Toumi en 2003, a retenu un article (article 68) précisant les droits moraux et patrimoniaux en mentionnant pour la première fois l'utilisation secondaire des articles publiés dans la presse ! Aujour'hui, les enjeux sont importants. Les syndicats, les associations doivent œuvrer pour l'adoption d'un statut et d'une convention collective, afin que les droits d'auteur soient clairement précisés dans la loi qui doit être adoptée par les députés en 2005. (*) L'auteur est Professeur à l'Institut des sciences de l'information et de la communication de l'université d'Alger.