Pour faire la manche, certaines femmes n'hésitent pas à «emprunter» des bébés dans le but d'attendrir les passants. La mendicité est-elle un métier ou une résultante des problèmes sociaux que traverse le pays? La question se pose au vu de certains comportements relativement nouveaux dans la société algérienne, en général et dans les villages en particulier. Ainsi certains de ces pauvres hères commencent à tendre la main alors que la morale ambiante au niveau des villages fait que les mendiants connus et respectés de tous sont aidés discrètement par des familles. Mais autres temps, autres moeurs, les gens désormais n'hésitent pas à tendre la main et souvent «agressent» même en sollicitant et avec insistance une pièce de monnaie et gare si on donne une obole insignifiante, car alors l'on s'attire les sarcasmes du mendiant. Ils sont en fait nombreux ceux-là qui paraissent en bonne santé et qui font la manche sans retenue aucune. Les gens prennent en pitié les vieux, les femmes et notamment celles âgées et qui savent rester dans leur coin ainsi que les malades. Ces derniers, notamment qui souvent sont sans ressources et devant les exigences du moment sollicitent la pitié des gens. Mais ils existent et ils sont nombreux ces faux mendiants qui découragent en somme jusqu'à la générosité des passants en ville. Quelques cas de mendiants professionnels Il est triste de rapporter que même la générosité des gens est exploitée sans vergogne aucune par certains. Ainsi il existe et à Tizi Ouzou notamment dans l'avenue Abane Ramdane, un homme âgé d'environ la cinquantaine, bien mis et apparemment en bonne santé et qui le matin commence par acheter son journal et attablé dans un café sirote son breuvage sans doute pour se donner plus de «coeur à l'ouvrage» et une fois expédiée cette douce corvée, le voilà près du siège de la Cnep en train de tendre la main, sollicitant le passant. En notre présence, plusieurs lui avaient proposé du travail, mais pour toute réponse ces gens s'attirent une moue de ce mendiant. C'est que le bonhomme arrive selon certains à se faire en une journée plus que n'importe quel travailleur. Un autre, en fait une dame d'un certain âge elle aussi de santé florissante est tous les jours que Dieu fait dans les cafés et bars de la ville. Cette dame accoutrée d'oripeaux durant ses tournées, reprend ses habits le soir venu et tout le monde est sidéré de voir comment cette dame s'habille: toujours en tailleur s'il vous plaît! Personne ne sait d'où sont venus ces mendiants mais tous affirment qu'ils ne sont point de la région. Un autre de ces mendiants aborde le passant et dans une tirade réclame tout simplement qu'on lui paie un sac de semoule, rien que ça et parait-il souvent, ça marche. Et quand le passant interpellé consent à lui acheter ce sac de semoule, le mendiant le dirige alors vers un certain commerçant; là le généreux donateur paie le sac et le soir arrivé le mendiant se fait rembourser rubis sur l'ongle. Pourquoi reparler de cette cohorte de femmes lesquelles sont tous les matins transportées depuis Oued Aïssi où résident une communauté de ces gens, venus d'autres wilayas et installés dans la wilaya où ils ont construit des gourbis; les autorités pensent d'ailleurs à poursuivre leur recasement, et certains d'entre eux auraient déjà bénéficié du programme social. Donc, cette cohorte de femmes souvent avec bébés et enfants généralement aimablement «prêtés» par d'autres femmes de cette communauté, s'installent dans les carrefours et rues passantes de Tizi Ouzou comme d'ailleurs au niveau des villes de l'intérieur environnant la capitale du Djurdjura, et du soir au matin font la manche. Ces commerçants assurent que «ces femmes nous rendent service au plan de la monnaie». Elles arrivent à échanger les piécettes amassées contre de beaux billets de banque. Et généralement, la collecte assure-t-on, est loin d'être maigre. Par ailleurs, et devant la mosquée Arezki Cherfaoui au centre-ville de Tizi Ouzou, il existe une mendiante qui...possède un téléphone mobile. La dame, selon des sources, ne répond aux appels qu'une fois sa journée de travail terminée. Enfin, il existe une autre catégorie de mendiants qui eux se déplacent des villages tôt le matin pour aller vers une grande ville éloignée comme Bouira, Béjaïa, Boumerdès et Alger. Ces «mendiants» font ainsi leur journée dans ces villes et le soir rentrent au village comme s'ils revenaient d'un travail quelconque. La mendicité dans les villages Dans les temps pas si éloignés, les villages, organisés autour de tadjemaât, ne connaissaient pas ce phénomène. Les pauvres hères sont connus et les familles du village sans le montrer s'organisent pour venir en aide aux pauvres du village. Les exemples sont légion de ces pauvres familles qui sont arrivées à survivre avec la solidarité villageoise. L'exemple le plus probant est cette famille habitant un village proche de Tizi Ouzou et dont nous tairons le nom pour justement sauvegarder son honneur qui n'aspire pas à la publicité; donc cette famille a vécu misérablement mais a su élever ses enfants et leur faire poursuivre des études. L'un des enfants aujourd'hui médecin connu et installé dans une petite ville de la région a été conseillé par son père sur son lit de mort. En effet, à la veille de la mort, le père s'entretient solennellement avec son fils «Te voilà désormais médecin et sache que notre famille a une grosse dette envers ce village» tout le monde nous a aidés et il est temps de leur rendre cela au centuple, moi je me meurs, alors il te reste à accomplir ton devoir sacré. «Désormais tous les malades de ce village qui s'adresseront à toi seront et je l'exige, soignés gracieusement.» Ce qui fut fait et à ce jour les gens du village qui se rendent à ce cabinet sont assurés de trouver bon accueil et d'être soignés gratuitement et ce à jamais. Cependant et désormais les temps ont quelque peu changé: la solidarité villageoise n'est plus ce qu'elle était et les gens sont devenus regardants pour la moindre piécette de monnaie et la moindre platée de couscous; il est vrai que la situation sociale est loin d'être bonne pour tous. Aussi, un nouveau type de comportement est apparu jusque dans ces villages jadis protégés par la solidarité villageoise. Des gens n'hésitent plus à aborder d'autres et notamment les personnes paraissant aisées pour leur demander une aide. Ces comportements qui sans doute ne sont pas légion heureusement, risquent fort de s'amplifier et faire que les villages deviennent comme nos villes. La lutte contre cet épiphénomène ne saurait venir que de l'investissement des particuliers, et des présidents d'APC approchés donnent des pistes d'investissement. Une unité de fabrique de ceintures, une fabrique de chaussettes, bref des fabriques qui ne nécessitent pas de gros investissements et qui pourraient donner des emplois aux villageois.