Bombes à Alger, rentrée sociale périlleuse, forcing des islamistes, campagne contre l'armée, pourrissement en Kabylie, pression des ONG, critiques des milieux politiques, tension sur le dossier du Sahara occidental... malgré ce climat délétère, le Président choisit le silence en affichant un visage serein qui prête à interrogations. Dans quelques jours, le Président Bouteflika s'envolera pour Philadelphie pour un séjour dominé par l'économie et le partenariat commercial afro-américain, après son retour de Durban, où il s'est attelé, avec le Palestinien Arafat, le Cubain Castro et le Sud-Africain Mbeki, à obtenir la condamnation onusienne du système colonial européen qui a été mis au banc des accusés. Cette activité diplomatique coutumière de Bouteflika, qui ne semble pas négliger ses devoirs d'acteur dynamique dans le concert international, aurait suscité des commentaires facultatifs, n'était la conjoncture nationale dégradée. Après avoir habitué l'opinion publique à des explications réactives de son action de gouvernement, le Président Bouteflika semble privilégier un mutisme qui prépare une accélération qui va laisser de nombreux détracteurs sur le carreau. Bouteflika veut apparemment réussir son entrée politique pour cette nouvelle année qui sera marquée par des échéances électorales décisives. Après avoir privilégié une stratégie de riposte instantanée aux attaques dont il a fait l'objet, notamment sur la question récurrente d'une fin de mandat prématurée, Bouteflika semble préparer, dorénavant, ses contre-offensives dans la discrétion et la minutie, évitant de dévoiler ses cartes à ses ennemis politiques. Les facteurs de pourrissement sont nombreux et tendent tous vers un objectif qui vise à affaiblir la présidence et l'armée et à saper les fondements du système politique. Tout y participe dans cette offensive sur plusieurs fronts. En Kabylie, alors que le mouvement des ârchs refuse le dialogue proposé et que Ferhat M'henni appelle à l'autonomie de la région, la tendance à la sagesse et à un retour à l'apaisement se fait sentir, portée par des représentants d'une population qui veut sortir du cercle infernal de la violence. Sur le plan économique, des décisions majeures seront annoncées aussi bien après la dissolution des holdings prévue au courant de cette semaine que par l'installation d'un comité de suivi et de contrôle de l'argent consacré à la relance économique. Le staff de Bouteflika ayant élaboré un plan qui permet de suivre le processus d'affectation du moindre dinar de la relance économique afin d'annihiler les réseaux d'intermédiaires et les lobbies mafieux dont la spécialité est le détournement des fonds destinés au développement local. La levée de boucliers de certains milieux économiques peut trouver son origine dans le fait que ce plan va priver les circuits mafieux de marchés publics lucratifs financés sur le dos du contribuable. Sur le plan sécuritaire, la lutte contre un terrorisme régénéré surtout en milieu urbain est indissociable des manoeuvres politiques qui veulent réintroduire la donne ex-FIS sur l'échiquier politique. Les deux concourent à ce que, par la psychose entretenue auprès des populations civiles et par son corollaire, les propositions d'admettre l'islamisme politique en tant qu'acteur incontournable, le Président cède sous la pression et abandonne une politique de réconciliation nationale qui est à mi-chemin entre l'éradication physique des poches terroristes qui refusent la paix et la réconciliation formelle d'un islamisme légaliste qui existe sur le terrain social et politique. A cette tension sont venues se greffer les échéances électorales, législatives et communales en 2002, qui agitent les états-majors politiques, mais également un «terrorisme verbal» qui empoisonne le débat d'idées et qui se répercute, essentiellement, sur l'armée algérienne, ces dernières semaines, dont les officiers supérieurs font l'objet d'un matraquage systématique sur la base complètement paradoxale qu'ils soutiennent le Président Bouteflika dans sa démarche. Des critiques qui tendent à affaiblir en premier lieu, l'ANP et la présidence, afin de discréditer deux institutions qui ont fait preuve de cohérence au plus fort de la crise.