Pour la France, comme pour l'Algérie, la visite de Jacques Chirac peut être une tentative sincère et prometteuse de revenir à une coopération stratégique intéressante. Comme elle peut s'inscrire dans la longue file des «parodies amoureuses», où la méprise et les préjugés ont été les maîtres mots. La visite du président français, Jacques Chirac, en Algérie peut se résumer à ceci: une tentative de «reprendre les choses en main». Car il faut bien convenir que, depuis une dizaine d'années, au moins, la France a perdu énormément de crédit en Algérie. L'épisode du FIS avait fini par empoisonner le peu de climat respirable qui existait sur les deux rives de la Méditerranée, mais la France avait persisté, jusqu'à une date relativement récente, à soutenir le parti dissous et à mettre en doute la légitimité du combat qu'engageait l'Etat contre les groupes armés. Cette attitude française officielle avait eu pour conséquences, le retrait d'Air France du ciel algérien, les «mauvaises notes» octroyées par la Coface à l'Algérie, l'attente sceptique de tout investissement français en direction de l'Algérie et l'orientation prise par les autorités algériennes vers des pays comme les Etats-Unis, l'Espagne, l'Italie, la Chine ou la Grande-Bretagne. Si aujourd'hui - notamment à la lumière des attentats du 11 septembre dernier -, les relations algéro-françaises veulent se donner d'autres chances, s'ouvrir d'autres perspectives, elles doivent passer, d'abord par l'impérieuse nécessité d'aplanir certains pics de tension qui existent au sujet de certains dossiers lourds. De prime abord, le dossier concernant le Sahara occidental, est, de loin, le plus épineux. Le rôle que Paris a joué aux côtés des rois Hassan II, d'abord, puis Mohamed VI, ensuite a été un soutien total mais en coulisses aux thèses de Rabat. Le jeu de lobbying que Paris a développé vis-à-vis de l'ONU, depuis l'élection de Kofi Annan, en faveur du Maroc est, à ce titre, édifiant, allant même jusqu'à qualifier la position algérienne concernant la question saharienne de «non pragmatique». En fait, la France s'est fourvoyée dans un chemin périlleux, s'est embourbée jusqu'au cou et tente, par l'intermédiaire du «forcing onusien» en faveur du Maroc, de clore un dossier très épineux. Le royaume chérifien accuse une nette tension dans ses questions sociales et des droits de l'Homme et la France se trouve dans une position inconfortable tant que la résolution du problème du Sahara continuera à orienter les regards vers Rabat. La «troisième voie» qui se profile à l'horizon est une conception toute française, du reste. Les accointances franco-marocaines ne sont par trop évidentes pour que le Quai d'Orsay ait une position neutre, ou intermédiaire entre Rabat et Alger. L'autre dossier en suspens concerne le retour d'Air France à Alger. Depuis l'épisode des quatre pirates de l'air qui ont pris en otage l'Airbus français, un embargo a été décrété en sous-sol à l'endroit d'Alger. Alitalia, Swissair et Iberia ont emboîté le pas à la compagnie aérienne française, avant de revenir au tarmac de l'aérodrome Houari-Boumediene. L'absence de sécurité dans les aéroports algériens, selon les affirmations de Paris, a aussi détourné tout espoir d'investissement sérieux en Algérie de la part des industriels et opérateurs français. Comme si ces anneaux étaient enchaînés les uns aux autres, la Coface, année après année, «gratifie» l'Algérie de mauvaises notes. L'Algérie, mauvais élève, doit acquiescer. Le rapport Coface de l'année 2001 n'a pas été plus tendre et l'Algérie n'est pas sortie de son classement de «pays à haut risque», malgré l'avancée extraordinaire, concrète et probante, sur les plans politique, économique et - surtout - sécuritaire. Les effets de cette politique algérienne de la France ont été désastreux. La France, considérée comme «la référence européenne» pour toutes les questions d'ordre international concernant l'Algérie, a, de façon néfaste, influencé les autres pays occidentaux qui lui ont emboîté le pays. Le récent voyage du Président algérien à Paris aux fins d'amener la France à réviser ses positions n'a pas eu les effets escomptés. Le défilé des opérateurs économiques français tout au long de l'année 2000, puis durant le premier semestre de l'année en cours, n'a pas pour autant amélioré la situation, malgré les offres algériennes, jugées «alléchantes». Loin des spéculations politiques, l'état des lieux en chiffres ne plaide pas en faveur de la France. Aux côtés d'un investissement dérisoire, la coopération française en matière de prise en charge, études et aides aux techniciens algériens, n'a pas dépassé les 20 millions de dollars et ce, depuis 1980 à ce jour. Alors qu'une «aide substantielle» américaine, venant de surcroît d'une entreprise privée, Microsoft, a été de l'ordre de 50 millions de dollars en une seule semaine! Si la France veut être le premier partenaire de l'Algérie, les positions qu'elle a prises depuis une décennie ne sont certainement pas la meilleure manière pour le devenir.