Même après sa mort, sa poésie continue de retentir dans tous les recoins du pays, pour nous rappeler son génie. Qui oserait dire que les poètes sont immortels? Non, ils sont éternels! Le fait de commémorer leur mort, c'est leur redonner vie. Une autre vie, dans laquelle ils ne pourront jamais faire des vers, mais se contenteront uniquement d'es écouter ceux déjà écrits, récités par les vivants. C'est cet acte qui perpétue la mémoire des poètes. A l'occasion, la direction de la culture de la wilaya de Bouira s'est enfin engagée à ressusciter, en l'espace de quelques heures, un grand poète, Djamal Amrani, en organisant un colloque sur sa vie de militant, de poète, et sur son oeuvre. La Maison de la culture de la ville a connu un récital, jeudi dernier, de sa poésie ininterrompue. Quatre ans après sa disparition, Djamal Amrani le militant, le poète et l'homme de la radio, garde toujours sa vivacité. Bien qu'il soit mort, ses poèmes, eux, continuent de retentir dans tous les recoins du pays, pour nous rappeler à l'ordre. Bref, afin de garder tout en mémoire. L'heure indiquait 10h lorsqu'une poétesse venue pour célébrer l'anniversaire de la mort du poète, commença le récital. Il s'agit de Halima Lamine Mouzaoui, artiste- peintre et aussi poétesse. Elle a bercé toute la salle en récitant l'un des poèmes de Djamal Amrani. Puis un autre poème, le sien. La salle est comblée de poésie, comme si l'âme de Djamal Amrani était là, voletant, et regardant les gens, tous obnubilés par la magie de ses mots. Ainsi, les invités ont eu droit à la projection, sans doute avec la plus profonde émotion, du film documentaire sur l'oeuvre et la vie de Djamal Amrani, «Djamal Amrani: le semeur de poésies» du réalisateur Kamal Bouelam. Un documentaire réalisé lors de la manifestation culturelle, «Alger, capitale de la culture arabe 2007» et que le public algérien n'a pas eu encore la chance de voir. Cela fait deux ans qu'il a été réalisé et la Télévision nationale refuse de le programmer, selon le réalisateur. Un ami du poète était présent parmi les invités, Abdelkader Bendaâmache, auteur du livre consacré aux grandes figures de la culture algérienne.. Le film a duré presque une heure, et c'est toute une vie déchirée qui se faufile sous nos yeux. Des témoignages poignants relatant les mille et une aventures poétiques du poète. Louiza Ighilahriz, Mgr. Tessier, Youssef Merahi et les autres amis de Djamal Amrani, tous ont parlé de la vie du poète. Les séquences vidéo n'ont laissé personne indifférent. Quand le poète raconte sa vie de militant, de prisonnier, torturé par l'armée française, cela nous fait penser à son courage et son engagement. Djamal Amrani est né le 2 août 1935 à Sour El Ghozlane, au sud de Bouira. Une ville qu'il a immortalisée dans l'un de ses poèmes: «A Sour El Ghozlane, mon village natal,/ au parfum d'ambre et d'aubépine,/ mes désirs enfantins se sont brisés, surpris, / écartés de la vie trop obscure même avec des gazelles / Là-bas à Sour quand l'aurore derrière les ronces / A Sour El Ghozlane, j'avais juré de revenir un jour /Sour El Ghozlane construit l'Homme absolu plus explosif que pote / Et fais en sorte qu'à mon réveil le temps, avocat des miracles, / M'enseigne l'ordre des paix et racornisse ma peine», a-t-il écrit. Issu d'une modeste famille: le père exerçant la profession de receveur des P et T et d'une mère illettrée. La famille Amrani a séjourné dans plusieurs localités du pays. Il quitte sa ville natale pour s'installer définitivement, en 1952, sur les hauteurs d'Alger, à Bir Mourad Raïs. Membre actif dans le mouvement national, il vécut les affres de la guerre: incarcéré en 1957, puis torturé. Son père, son frère et son beau-frère furent assassinés par l'armée coloniale. Toutes ces tragédies ont fait de lui un homme, un résistant. Un poète qui brave toutes les humiliations. D'ailleurs, il a continué son combat des mots. Il écrivait. Son premier livre Le témoin, sorti en 1960 aux Editions de minuit. Puis des recueils de poésie. Bivouac des certitudes. Le dernier crépuscule, L'Eté dans ta peau, Vers l'amont...Ce sont là les fruits d'un génie nommé Djamal Amrani. Il a également écrit sur les intellectuels algériens disparus lors de la tragédie nationale, à l'image de Tahar Djaout, Laâdi Flici, Djilali Liabès et les autres. Son passage est marqué aussi par l'éternelle émission radiophonique qu'il animait aux côtés de Leïla Boutaleb sur les ondes de la Chaîne III, «Poésie ininterrompue». Il a été distingué à plusieurs reprises, dont la dernière en date, une année avant sa mort, il a reçu la médaille Pablo Neruda en 2004. Haute distinction internationale de la poésie. Le poète meurt à l'âge de 70 ans, le 2 mars 2005. Enterré loin de sa ville natale, Sour El Ghozlane, ex-Auzia. «Je tisse mon propre suaire/ et referme mon tombeau/ Ah, l'arôme que personne n'exhale, ma mort lente/ et l'évidence que tout le monde nie, ma présence/ j'écris pour me parfaire, pour me désaltérer.» C'est ainsi que s'achève la vie de Djamal Amrani, mais sans avoir eu le temps d'étancher sa soif de l'écriture ni encore moins la faim de l'amour de son pays qu'il a immortalisé à travers sa poésie. Une chose est sûre, c'est que le poète qui a su parfaire son être et celui de tant d'autres de ses semblables, attend que nous lui rendions un hommage digne de sa personne. C'est le moins que l'on puisse faire.