Le bras de fer, gouvernement-opposition, a connu son terme hier après la réintégration de l'ancien président de la Cour suprême. Le gouvernement pakistanais a annoncé hier le retour prochain dans ses fonctions de l'ancien président de la Cour suprême, réclamé par l'opposition, désamorçant in extremis une crise qui menaçait de faire sombrer le pays dans le chaos. Aussitôt, le principal dirigeant de l'opposition, Nawaz Sharif, a appelé ses partisans à cesser leur mouvement, baptisé la «longue marche», qui devait culminer en une grande manifestation hier à Islamabad. «C'est un jour historique, un grand jour qui va changer la destinée du pays», a-t-il lancé depuis Gujranwala, sur ses terres de la province du Pendjab, pendant qu'une foule en liesse noyait sa voiture sous des pétales de roses. Le juge Muhammad Iftikhar Chaudhry, limogé par le régime militaire de Pervez Musharraf en 2007, était devenu au Pakistan une figure emblématique de l'indépendance de la justice et d'une démocratie plus fragile que jamais, un an après l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement civil. Sa réintégration, à compter du 21 mars, a été annoncée par le Premier ministre, Yousuf Raza Gilani, après une réunion nocturne avec le président Asif Ali Zardari et le chef d'état-major de l'armée, le général Ashfaq Kayani. M.Gilani a ajouté que l'ordre avait été donné «de remettre en liberté» les opposants arrêtés et de rétablir la liberté de manifester. Ces décisions ont été accueillies avec soulagement par Washington, principal allié occidental du Pakistan, qui multipliait les pressions pour une sortie de crise pacifique et s'est félicité qu'une «grave confrontation» ait été évitée. In extremis, le gouvernement semble avoir évité le pire alors que des milliers de manifestants se préparaient à déferler sur Islamabad, menés par Nawaz Sharif qui avait lancé dimanche un spectaculaire défi aux autorités en ignorant une assignation à résidence. L'ancien Premier ministre, accompagné par un long convoi, avait ensuite quitté sa ville de Lahore, dans l'est, pour rejoindre Islamabad, après une journée marquée par des scènes d'émeute. En filigrane, cette crise aura fait éclater le malaise d'un pays miné par la crise économique et le terrorisme islamiste, déçu après avoir placé ses espoirs il y a un an dans un régime démocratique aujourd'hui en perte totale de crédibilité. Depuis des mois, avocats et partis d'opposition réclamaient le retour du juge Chaudhry et de plusieurs autres magistrats destitués en 2007, promis par le président Zardari. Agé de 60 ans, le juge Chaudhry avait été destitué par Pervez Musharraf qui craignait, notamment à l'époque une décision de justice susceptible de le déclarer inéligible. Le magistrat avait également déplu en ordonnant aux forces de l'ordre de retrouver des dizaines de personnes disparues et supposées être aux mains des services de sécurité. La contestation s'était amplifiée depuis que Nawaz Sharif, le 25 février, a été exclu de la vie publique par un verdict de la Cour suprême. Il ne cessait depuis d'appeler au soulèvement populaire, accusant Asif Ali Zardari de «mener le pays au chaos». Débordé par l'ampleur de la contestation, le gouvernement avait essayé en vain de l'étouffer, arrêtant plus d'un millier d'opposants, interdisant les rassemblements, dressant des barrages de police à travers le pays. Mais dimanche, la tension était montée d'un cran, alors que la crise avait déjà fissuré les rangs du gouvernement avec la démission, samedi, de la ministre de l'Information Sherry Rehman, et affaibli le président Zardari, un homme contesté jusque dans son propre camp.