«La Constitution algérienne est très ouverte à l'égard des femmes, mais les autres lois, notamment le code de la famille, sont en totale contradiction avec la loi fondamentale.» C'est un constat dressé, hier, par les responsables de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme lors d'une conférence de presse animée à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes, qui coïncide avec le 25 novembre de chaque année. Nadjia Zeghouda, membre du comité de lutte contre les violences faites aux femmes de la LADDH, accompagnée de Hocine Zehouane, président de l'association, a fait un exposé détaillé et de la situation des femmes en Algérie et des revendications de son organisation. Mais le thème central de la conférence a été, sans conteste, le harcèlement sexuel. Si la conférencière reconnaît que beaucoup d'avancées sont enregistrées dans notre pays, notamment sur le plan juridique, elle estime que l'application sur le terrain pose toujours problème. Et comme argument, Mme Zeghouda a donné les seules statistiques disponibles, à savoir celles effectuées par l'INSP (Institut national de santé publique) en 2003. Il en ressort, selon elle, que les femmes instruites –sans doute parce qu'elles sont plus enclines à s'exprimer- sont les plus touchées par les violences domestiques et en milieu professionnel. Bien sûr que, ajoute la militante qui fait partie du comité des femmes de l'UGTA, les statistiques sont loin de refléter une réalité. Autrement dit, il existe des milliers de femmes qui souffrent en silence, notamment dans les régions éloignées. D'autant que la violence a plusieurs formes : priver une fille d'aller à l'école, l'empêcher de choisir son compagnon, ou encore des regards inquisiteurs de la société. En plus de la non-application des lois, Nadjia Zeghouda a soulevé un autre problème de taille : l'absence, ou tout au moins l'insuffisance de centres d'accueil ou d'hébergement pour les femmes en difficulté. Il existe, en tout en pour tout, trois centres à Alger et un à Annaba. Et la plupart des centres sont gérés par des associations, d'où leurs moyens limités. «Il n'y a que l'Etat qui peut mettre les moyens qu'il faut», dit la militante. De toutes les violences que subissent les femmes, le harcèlement sexuel tient la palme. Il est plus pernicieux et destructeur, parce que silencieux. Le législateur algérien a mis du temps pour promulguer une loi, constate la conférencière. L'article 341-bis qui pénalise le harcèlement sexuel est salué par les féministes qui trouvent, par contre, qu'il contient une anomalie de taille : il ne protège pas suffisamment les témoins, pourtant incontournables lorsqu'il s'agit d'apporter des preuves. Malgré cela, précise Mme Zeghouda, le centre d'appel des femmes de l'UGTA a enregistré, à titre d'exemple, 942 appels et 388 témoignages directs en 2004. Le chiffre a diminué en 2007 pour se situer autour de 293 appels et 267 témoignages directs. Quoiqu'il en soit, Me Zehouane a résumé le combat contre la violence faite aux femmes en des termes plus réalistes : «C'est aux femmes de se mobiliser en premier pour lutter contre les discriminations qui les touchent.» Même si, comme tous les autres combats, la lutte contre la violence à l'égard des femmes est l'affaire de tout le monde. A. B.